Ses critiques à l’endroit du président de la République sont récurrentes et assez vives. Pour autant, le Chérif de Nioro, Bouillé Haïdara, n’est pas pour la démission du président Keïta, réclamée à cor et à cri par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Jeudi dernier, à l’occasion d’un déplacement de l’imam Mahmoud Dicko et de Choguel Kokala Maïga à Nioro, le guide religieux leur a clairement dit de laisser le président Keïta achever son mandat. Aussi, a-t-il publiquement déclaré qu’il ne soutient pas la contestation, dont certains animateurs lui auraient causé du tort pour avoir juste « donné son avis ».
«Je ne suis pas dans ce Mouvement qui ne m’a pas épargné, encore moins mes enfants et mes proches», a expliqué le guide religieux dans une intervention retransmise en direct sur une radio locale. Dans la foulée, il a taclé ces politiciens qui n’ont « jamais su se rassembler et parler d’une seule voix » et estimé que «tout ne saurait tourner autour de la démission du président de la République».
Une façon pour lui d’exhorter les contestataires au dialogue et à des concessions pour une sortie de crise rapide. Si le Chérif n’est pas sur la même longueur d’onde que les leaders du M5-RFP, il n’entend pas cependant se mettre en travers de leur chemin, pourvu que le Mouvement n’entreprenne pas des actions susceptibles de faire sombrer le pays. De quoi modérer les impétuosités de ce Mouvement, dont l’autorité morale, l’imam Mahmoud Dicko, ne manque pas d’occasion pour souligner sa proximité avec le Chérif de Nioro.
La relation entre les deux personnalités trouve ses racines dans le combat mené et remporté ensemble contre la révision du code des personnes et de la famille, en 2009. Aujourd’hui encore, tous les deux magnifient à l’envi l’excellence des rapports qui les lient. Pour plus d’un observateur, la position de Bouillé Haïdara était bien connue de l’imam Mahmoud Dicko qui a toujours abordé la question de la démission du chef de l’état avec tact et pondération. Il ne l’a jamais réclamée ouvertement. Pour lui, les raisons de se mobiliser ne manquent pas : mauvaise gestion du pays, malversations, détournements, insécurité. à toutes les manifestations, du haut de l’estrade, l’imam a dénoncé ces tares avec véhémence.
Si la position de l’imam Dicko est moins tranchée sur la démission du président Keïta, il a clairement réclamé le départ du Premier ministre Boubou Cissé. On se rappelle qu’il a récemment rejeté la main tendue de Dr Boubou Cissé, qui lui demandait de jouer de son influence pour que l’opposition le rejoigne dans un gouvernement d’union nationale, l’une des recommandations essentielles de la Cedeao.
Les deux chefs religieux ne cessent d’appeler à l’apaisement et exhortent à éviter la violence dans les actions de contestation. à la faveur de la fête de Tabaski, l’imam Dicko avait appelé les Maliens à «se faire violence» et «chasser les démons de la division». « Chacun dans ce pays doit faire violence sur soi, doit avoir un dépassement de soi, pour que les cœurs se rapprochent, pour que nous puissions vraiment bâtir ensemble notre pays dans la paix, la prospérité et la quiétude », avait-il déclaré à la presse, après avoir dirigé la prière dans sa mosquée.
La rencontre entre l’imam Dicko et le Chérif de Nioro va-t-elle contribuer à l’apaisement ? Les jours à venir nous édifieront. Aussi bien du côté du pouvoir que celui de l’opposition, Mahmoud Dicko est suffisamment écouté pour imposer un accord politique assorti d’un engagement fort sur la bonne gouvernance.
Issa Dembélé
Source : L’ESSOR