Si l’expression nous est permise, la carotte était ‘‘presque’’ complètement cuite pour le Régime en place. En fait, le Président IBK, submergé par la demande sociale et les dégâts collatéraux de la crise multidimensionnelle, était en cours de stratégies et de moyens de sa politique pour résoudre la crise scolaire qui avait failli faire soulever les parents d’élèves contre son règne. Pour son Ministre chouchou, Boubou Cissé, l’Etat ne saurait satisfaire toutes les revendications des enseignants au risque de se retrouver en cessation de paiement des salaires dans ce pays. Donc, il fallait se remettre en selle pour non plus sauver l’école malienne seule mais le Régime aussi.
Le samedi 18 mai 2019 marque un tournant décisif dans la gestion de la crise scolaire. Le Ministère de l’Education Nationale et les syndicalistes ont pris en compte les propositions de sortie de crise faites par la commission de conciliation.
L’arrêt des cours des enfants semblait irrémédiable et l’asphyxie de l’ensemble du système éducatif national était devenue presque inévitable. Vu la gravité de la situation, voilà que le Président IBK et son sixième PM, Dr Boubou Cissé, nous semblent entrain de reprendre l’initiative, déterminés à ne pas céder à cette sinistre fatalité. Eux qui étaient devenus proches à un guerrier russe se livrant à une dramatique fin dans la neige, non pas parce qu’il voudrait se sacrifier, mais, parce qu’il est en crise d’énergie. En substance, Boubou Cissé, alors simple Ministre de l’Economie et des Finances, faisait croire que l’Etat ne saurait satisfaire les revendications des enseignants ; car, autrement il risque de ne plus être en mesure de payer les salaires dans ce pays.
Ce qui démontre que la forte cristallisation des positions des partenaires de l’école avait de quoi agacer.
En fait, Boubou Cissé avait beau invoqué le manque de ressources dans les caisses de l’Etat, la dominante financière de la question scolaire, la nécessité de mettre l’éducation au-dessus des intérêts partisans et bien d’autres états de fait, l’école perdurait dans son enlisement qu’aucune incarnation ne semblait pouvoir défoncer. Faut-il parler d’une démission collective ou d’une insouciance à préserver le bien public ?
C’est visiblement une secousse qui parcourt le corps social tout entier lorsque le PM Boubou Cissé suscita le débat en vue d’une réaction citoyenne. L’école est incontestablement un service public, elle est la coupelle où se forment les futurs cadres de ce pays. Ceci étant, son abaissement compromettra dangereusement sa vocation. En plus de la dilapidation des budgets scolaires héritée des Gouvernements et systèmes éducatifs antérieurs, l’école malienne, à la faveur de l’ère démocratique, est transformée en champ de bataille d’intérêts catégoriels aussi légitimes qu’injustes. Ce qu’aucun partenaire n’a jamais su faire depuis les années 1990, c’est d’inscrire les revendications dans la durée. Lassés de se regarder en chiens de faïence, les partenaires changent de stratégies de lutte cherchant à avoir avec soi l’opinion publique.
Dans cette optique, la synergie des syndicats multiplie les contacts en direction des milieux politiques, des leaders d’opinions. Ce, en organisant des meetings, conférences de presse et AG (Assemblées Générales).
L’Etat, pour sa part, procédant par communiqués, rencontres entre autorités scolaires et débats sur les antennes de l’ORTM et à l’intérieur du pays, ne cherchait qu’à inverser un courant de pensée en construction, celui selon lequel le Gouvernement serait en panne d’initiatives face à la montée du phénomènede revendications catégorielles et en manque de bonne volonté politique pour honorer ses engagements. Pour pouvoir inverser cette risquée tendance, le Régime en place cherche à préparer certaines opinions à l’accompagnement de l’école. Ce, sur tous les plans pédagogique, politique, économique, financier voire moral.
Puisque le patron de l’Hôtel des finances insistait sur le tarissement des caisses de l’Etat, l’institution d’une nouvelle stratégie de promotion de l’école à l’échelle nationale pour sauver non seulement l’année scolaire en cours mais également tout le système éducatif malien n’est pas à exclure. Cela d’autant plus que les enseignants pressentent que les prochains mois n’auront d’autres faits marquants que le dialogue national et les scrutins référendaire, législatifs et locaux. La corporation cherche alorsà disposer des garanties avant que le dialogue social n’aboutisse au remodelage des différents statuts dans le statut général. Donc, c’est à une course contre montre que se livraient les syndicats des enseignants face à un Etat en manque de ressort. Cette invitation des Maliens à intégrer dans leurs préoccupations l’école est, à coup sûr, l’antichambre du forum social, une des principales doléances de nos syndicalistes qui, par rapport à leurs revendications, en fixent par avance les termes de référence.
Ainsi, dans le long terme, les positions des uns et des autres ne semblent plusdéfinitivement inconciliables. Surtout que la synergie des syndicats accepte d’assouplir sa position au plan Infrastructurel et financier à l’orée du syndicalisme et de la politique. Une prise de conscience réelle ? En tout cas, le syndicat des signataires du protocole d’accord du 15 octobre 2016 vient d’accepter de suspendre son mot d’ordre de grève. Cette suspension de la grève est, cependant, assortie de l’adoption des textes d’application des statuts particuliers au profit de ses militants du secondaire et du fondamental. Une preuve de sens élevé du patriotisme ou une bombe sociale à retardement ? Question d’appréciation.
Habib Diallo
Le Combat