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Crise du coton au Mali : L’inquiétude monte à Koutiala

Dans la capitale de l’Or blanc, où les populations vivent essentiellement d’agriculture, producteurs et industriels craignent une crise économique, sociale et alimentaire à cause du refus des paysans de cultiver le coton

 

Le coton constitue l’un des leviers de notre économie. Il est la deuxième source de nos recettes d’exportation après l’or. à ce titre, la contribution du secteur coton au PIB est estimée à 15% au Mali. Il y est cultivé surtout dans la partie sud du pays : régions administratives de Kayes, Koulikoro, Dioïla, Sikasso, Bougouni, Koutiala, Ségou et San. Et occupe plus de 200.000 exploitations agricoles familiales.

En la matière, Koutiala, troisième ville la plus peuplée du Mali après Bamako et Sikasso, est considérée comme une zone de culture du coton par excellence. D’où l’appellation «capitale de l’Or blanc». Si la production de coton est grippée dans cette partie de notre pays à Koutiala, l’économie nationale éternue. Scénario catastrophe auquel il faudrait malheureusement s’attendre cette année.

En effet, comme dans plusieurs zones au Mali, les producteurs de coton à Koutiala ont boudé la culture du coton. La baisse initialement annoncée du prix du coton et la hausse de celui de l’engrais, ont été la goutte d’eau qui a débordé le vase, suscitant ainsi la colère et l’inquiétude chez les paysans. La grande majorité des paysans ont alors décidé de surseoir à sa culture au cours de cette campagne jugeant excessif le coût du coton et de l’engrais.

La décision de rétablissement de la subvention et de revalorisation du prix du kg de coton a été prise tardivement, selon plusieurs paysans que nous avons pu rencontrer. «Dans les champs réservés au coton, des agriculteurs ont semé l’arachide et le sésame en lieu et place du coton», répond Seydou Coulibaly, le président du mouvement «Uyeco» (Donnons-nous la main en langue «Miniaka»). Ce regroupement de producteurs de coton des Cercles de Yorosso et de Koutiala avait, rappelons-le, décidé de boycotter la campagne 2020-2021. Sur 100 coopératives, 95 sont membres de «Uyeco», précise-t-il, estimant à 3% les adhérents de son mouvement qui ont cultivé le coton cette année.

Une révélation qui recoupe les données du Pr Mamy Soumaré. Dans une contribution publiée dans L’Essor, ce chercheur à l’Institut d’économie rurale (IER) soulignait qu’à la date du 20 juin 2020 seulement 26.000 hectares étaient semés en coton sur une prévision de 810.000 hectares, soit un taux de réalisation de 3,2%. Il prédisait que les surfaces cultivées en coton n’atteindront pas le tiers des objectifs attendus au sortir de la campagne 2020-2021.

Parmi les rares personnes à cultiver le coton à Koutiala, figure El hadj Mohamed Daouda Diarra dit Dioro Madou. Selon des témoins, il avait invité beaucoup de gens à cultiver le coton alors que les discussions étaient en cours sur le prix du coton. «Certains ont entendu mon conseil, mais beaucoup ne m’ont pas écouté. Au moment où ils se sont rétractés, il était déjà trop tard. Car, il y a une période pour la culture, la pluie n’attend personne. C’est à nous de nous préparer pour l’attendre», confirme le producteur qui nous a fait visiter son champ de coton situé à 12 km de la ville.

Les cotonniers s’étendent sur les sept hectares. Pour lui, la culture du coton est vitale. «Je suis né et j’ai grandi dans le coton. J’ai eu tout ce que je possède aujourd’hui grâce à ce produit. Je connais les avantages liés à sa culture. Donc, je ne pouvais pas ne pas le cultiver», insiste celui qui est propriétaire de deux unités de production de tourteaux et d’huile

CULTURES VIVRIÈRES AFFECTÉES- Le refus de la majorité des paysans de cultiver le coton aura un impact sur tout le Mali, notamment les propriétaires d’unités de fabrique de tourteaux et d’huile. «Toutes ces industries ont pour matière première les graines de coton. Il faudra alors les chercher au Togo, en Côte d’Ivoire, au Bénin ou en Guinée. La production ne dépassera pas 40% cette année», s’inquiète l’industriel, avant d’inviter les politiques à laisser l’agriculture en dehors de leurs querelles.

Comme Dioro Madou, plusieurs Koutialais s’accordent à dire que cette situation affectera l’économie de leur localité. En témoigne le cri du cœur du maire de la Commune urbaine de Koutiala. «Quand tu dis Koutiala, il faut dire Capitale de l’Or blanc. Le coton occupe toutes les places : sociale, économique et culturelle. Le fait que le coton n’a pas été cultivé à hauteur de souhaits cette année, ce n’est pas seulement Koutiala, mais le Mali qui ressentira l’effet de cette crise de coton», estime Oumar Dembélé. Selon lui, beaucoup de paysans ont semé d’autres céréales à la place du coton.

Concernant particulièrement Koutiala, son développement économique repose sur le coton, insiste l’édile de la ville. Donc, tous les secteurs de l’économie locale seront touchés l’année prochaine : l’élevage, le commerce, le transport, l’emploi, etc. «L’ensemble de la population ressentira l’impact. Toutes les usines ne vont pas pouvoir tourner. Les petites unités, n’en parlons pas. Elles utilisent également les graines de coton. Beaucoup vont fermer leurs portes. Et énormément de personnes iront en chômage», prédit le producteur.

Pour sa part, le président de la Fédération des huileries du Mali, Fanta Mady Keïta ne mâche pas ses mots. Pour lui, les conséquences de la baisse de la production cotonnière seront catastrophiques pour tout le Mali. «La culture du coton est un système qui profite à de nombreux Maliens de façon directe ou indirecte. Il existe 96 huileries au Mali, dont 32 sont basées à Koutiala. Ces huileries ont créé plus de 100.000 emplois directs, indirects et saisonniers.

Quand le coton éternue, ces industries tremblent. Car, elles ont pour matière première le coton», argumente le manufacturier. Le propriétaire de cette unité industrielle qui dit employer 154 personnes tire la sonnette d’alarme. «Nous les industriels, nous sommes vraiment inquiets.

Nous (industriels, population, CMDT, état) allons subir les effets de cette crise. Quand tu installes une unité, c’est tout un monde que tu nourris : administratifs, plombiers, électriciens, vendeurs de tourteaux, vendeurs d’huile, fabricants de savon. Tu contribues aussi à l’économie nationale. Nous dépensons plus de 400 millions de Fcfa en électricité, sans compter les impôts que nous payons», illustre Fanta Mady Keïta. Autre conséquence, souligne-t-il, la hausse du prix du coton graine.

En conséquence, les prix du tourteau, du bœuf, du lait, de la viande… augmenteront, selon lui. Même les autres cultures céréalières seront affectées. Car, si on n’arrive pas à produire l’aliment bétail, les bœufs de labour ne pourront pas travailler à hauteur de souhait, pense-t-il. Si toutes ces prévisions sont confirmées, le Mali risque aussi de perdre sa place de deuxième producteur d’Or blanc en Afrique.

Aminata Dindi SISSOKO

Source : L’ESSOR

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