Le djihadiste malien, Mohamed Al-Hassan, ancien commissaire de la police islamique, contre qui un mandat d’arrêt délivré par la Chambre préliminaire I de la CPI, le 27 mars 2018, a été arrêté puis transféré, samedi 31 mars, dans la prison de la CPI à La Haye. L’homme est poursuivi pour « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » commis lors de l’occupation de la ville de Tombouctou par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et Ansar Eddine entre avril 2012 et janvier 2013.
Son arrestation est considérée comme une avancée importante pour la quête de justice, de lutte contre l’impunité et de reddition des comptes pour les auteurs d’abus et violations graves des droits de l’homme au Mali.
Âgé de 40 ans et de nationalité malienne, M. Al Hassan est arrivé samedi au quartier pénitentiaire de la CPI à La Haye, aux Pays-Bas.
Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud (« Al Hassan ») a été remis à la Cour pénale internationale (« CPI » ou « Cour ») par les autorités du Mali et est arrivé samedi au quartier pénitentiaire de la Cour aux Pays-Bas.
Il est suspecté, selon un mandat d’arrêt délivré par la Chambre préliminaire I de la CPI le 27 mars 2018, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis en 2012 et 2013 à Tombouctou, tombée sous la domination des groupes armés Al Qaïda au Maghreb Islamique (« AQMI ») et Ansar Eddine, mouvement principalement touarègue associé à AQMI.
Dans une déclaration, la procureure générale de la CPI, la Gambienne Fatou Bensouda, estime qu’en prenant le contrôle de « la Perle du désert », les deux groupes armés « ont imposé leur vision de la religion par la terreur […] en dictant diverses règles et interdits touchant à tous les domaines de la vie publique et privée des Tombouctiens ». La police islamique « visait à éradiquer tout comportement et toute pratique contraire à la vision religieuse partagée par les groupes armés AQMI et Ansar Eddine ».
Selon le mandat d’arrêt, M. Al Hassan qui appartient à la tribu touarègue/tamasheq des Kel Ansar, aurait été membre d’Ansar Eddine et aurait été commissaire de facto de la Police islamique. Il aurait également été associé au travail du Tribunal islamique à Tombouctou et aurait participé à l’exécution de ses décisions.
Au vu des éléments de preuve recueillis, le bureau de la procureure reproche à M. Al Hassan d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à Tombouctou, Mali entre avril 2012 et janvier 2013. Les charges qui pèsent contre lui sont représentatives, selon Fatou Bensouda, de la criminalité et des persécutions subies par la population au cours de cette période.
Plus particulièrement, elle accuse le djihadiste d’être responsable des crimes contre l’humanité de persécutions pour des motifs religieux ou sexistes, viol et esclavage sexuel commis dans le contexte de mariages forcés, torture et autres actes inhumains causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.
M. Al Hassan serait également responsable des crimes de guerre de traitement cruel et torture, atteintes à la dignité de la personne sous la forme de traitements particulièrement humiliants et dégradants, viol et esclavage sexuel, attaques dirigées intentionnellement contre des bâtiments consacrés à la religion et des monuments historiques.
La destruction des mausolées de Tombouctou, dont certains figuraient au patrimoine mondial de l’Unesco, a fait l’objet d’un premier procès devant la CPI en septembre 2016. Ancien chef de la brigade des mœurs d’Ansar Eddine, groupe djihadiste touareg allié d’AQMI dans le nord du pays, Ahmed Al-Mahdi avait été condamné pour « crimes de guerre » à neuf ans de prison. À la cour, il avait raconté avoir expliqué aux émirs d’AQMI et d’Ansar Eddine que les monuments étaient « illégaux », selon une lecture rigoriste de la charia, la loi islamique, mais que rien dans le Coran ne préconisait leur destruction. Contre son avis, néanmoins, le chef d’Ansar Eddine, Iyad Ag-Ghali, avait ordonné de les détruire.
Face à ses juges, Ahmed Al-Mahdi avait demandé aux habitants de Tombouctou de « pardonner un fils qui s’est perdu en chemin », et son plaidoyer de culpabilité s’était accompagné d’un accord de coopération avec la procureure.
À La Haye, le djihadiste avait fini par fournir des informations sur l’occupation du nord du Mali, permettant à Fatou Bensouda de poursuivre son enquête et d’émettre de nouveaux mandats d’arrêt, comme celui contre Mohamed Al-Hassan.
Si, lors du premier procès conduit devant la CPI, des organisations de défense des droits humains avaient reproché à la procureure de ne poursuivre le djihadiste que pour une partie des crimes allégués, cette fois Fatou Bensouda accuse Mohamed Al-Hassan de nombreux crimes, dont « torture, viol, esclavage sexuel, persécution pour motifs religieux et sexistes, atteintes à la dignité corporelle et à la dignité de la personne ».
Et la Chambre préliminaire I de la CPI a conclu que les preuves présentées par la Procureure donnent des motifs raisonnables de croire que M. Al Hassan serait pénalement responsable au sens des articles 25-3-a ou 25-3-b du Statut, pour des crimes contre l’humanité (torture ; viol et esclavage sexuel ; persécution de la population de Tombouctou pour des motifs religieux et sexistes ; et autres actes inhumains) ainsi que des crimes de guerre (viol et esclavage sexuel ; atteintes à l’intégrité corporelle et atteintes à la dignité de la personne ; attaques intentionnellement dirigées contre des bâtiments consacrés à la religion et monuments historiques ; et condamnations prononcées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué et assorti des garanties judiciaires généralement reconnues comme indispensables) commis à Tombouctou, au Mali, entre avril 2012 et janvier 2013.
La situation au Mali a été déférée à la CPI par le Gouvernement du Mali le 13 juillet 2012. Le 16 janvier 2013, le Procureur de la CPI a ouvert une enquête sur les crimes présumés commis sur le territoire du Mali depuis janvier 2012.
L’affaire à l’encontre de M. Al Hassan est la deuxième affaire dans le cadre de cette situation après celle à l’encontre de Ahmed Al-Mahdi.
La Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, s’est félicitée samedi de la remise de M. Al Hassan à la Cour, la qualifiant « d’avancée significative ».
« L’arrestation d’un suspect, M. Al Hassan, et son transfèrement à la CPI envoient un message fort à tous ceux qui, où qu’ils se trouvent, commettent des crimes qui heurtent la conscience humaine : mon Bureau est fermement résolu à poursuivre sa mission prévue par le Statut de Rome », a dit Mme Bensouda dans une déclaration vidéo.
En tant qu’organe de poursuite, le Bureau du Procureur s’est dit résolu à continuer son mandat et a souligné qu’il apprécie et respecte le processus judiciaire indépendant de la Cour qui octroie au suspect le droit à une procédure régulière garanti par le Statut de Rome, y compris la présomption d’innocence.
« Dans l’accomplissement de ce travail, nous continuons de penser avant tout aux victimes et de faire tout notre possible pour que la justice qu’elles méritent tant leur soit rendue », a précisé Mme Bensouda avant de remercier les autorités maliennes pour leur coopération dans le cadre de cette affaire.
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies au Mali (MINUSMA) a pris acte du transfèrement à la CPI de M. Al Hassan. Pour la mission de maintien de la paix onusienne, ce transfèrement représente un « développement important » dans les efforts de lutte contre l’impunité pour une paix durable au Mali.
« Je crois fermement que ce transfèrement est une avancée importante pour la quête de justice, de lutte contre l’impunité et de reddition des comptes pour les auteurs d’abus et violations graves des droits de l’homme au Mali », a déclaré Mahamat Saleh Annadif, le Représentant spécial du Secrétaire général au Mali dans un message publié sur les réseaux sociaux de la MINUSMA.
Par Mohamed D. DIAWARA
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