Des mesures simples existent pour ouvrir le crédit aux femmes. Elles permettent à l’économie nationale de mieux se porter, car les femmes dépensent leur argent pour le bien de leur famille et de la communauté.
Au Mali, comme partout en Afrique, l’accès des femmes au crédit est insuffisant car elles n’ont pas de garantie financière.
Ainsi, les femmes rurales, qui sont majoritaires, (puisqu’elles représentent 85 % de la population féminines) ne possèdent pas de titres de propriété.
Le régime coutumier malien leur accorde la jouissance de la terre, mais leur interdit de posséder un champ.
Quelle garantie financière peuvent-elles offrir ?
La dégradation du climat aggrave les difficultés des femmes. Elles qui constituaient des cagnottes, grâce à la vente des produits de cueillette ou de culture gagnent d’autant moins d’argent que la pluie ne tombe pas toujours.
De pécules, elles n’ont plus, de garantie financière non plus !
Certains bailleurs de fonds et quelques Ong ont créé des caisses d’épargne spécialement destinées aux femmes, mais, ces institutions se heurtent à une difficulté douloureuse : les femmes enceintes.
En effet, pendant leur grossesse, les femmes ont tout particulièrement besoin de crédit car elles doivent gagner leur vie, acheter des médicaments, payer leur accouchement dans un centre de santé et s’alimenter sainement. Or, les organismes bancaires hésitent à accorder des crédits à des femmes… qui mourront peut-être en couche. Dure réalité qui touche encore le Mali et nombre de pays d’Afrique.
Un crédit ou un enfant ?
D’un point de vue éthique, si l’on respecte les droits humains, peut-on refuser à une femme enceinte un crédit au moment où elle en a le plus besoin ?
Obtenir un crédit ou avoir des enfants ?
Peut-on mettre les femmes devant un tel dilemme ?
Une assurance spéciale pour les femmes enceintes aiderait à résoudre ce problème.
Par ailleurs, des raisons culturelles bloquent l’accès des femmes au crédit. Ainsi, au Mali, les biens propres de l’épouse sont distincts de ceux du mari.
Le chef de famille ne voit pas toujours d’un très bon œil que sa femme s’enrichisse… En outre, tous les métiers ne sont pas bons pour les femmes, pensent les Maliens, surtout ceux qui rapportent beaucoup d’argent et qui reviennent d’emblée aux hommes. Une journaliste, par exemple, est considérée comme une femme de petite vie. Lever ces tabous par une sensibilisation de la population, c’est permettre aux femmes d’intégrer tout un pan de l’activité économique dont elles sont culturellement exclues.
De nombreux organismes financiers ont instauré le régime de la garantie solidaire pour compenser le manque de garantie financière. S’appuyant sur les associations villageoises féminines, ils ont créé des caisses d’épargne où toutes les participantes sont collectivement responsables des emprunts. Que l’une vienne à manquer à son remboursement et toute l’association paye à sa place.
Une telle expérience a été menée dans la région de l’Office du Niger. Elle a très bien marché pour certaines associations, mais d’autres en ont touché les limites : on a ainsi saisi des pieds de riz à des femmes qui avaient remboursé leur crédit ! Une simple assurance en cas de défaillances vaut mieux que ces mesures.
Outre ces systèmes d’assurances, il faut rassurer les femmes.
C’est une mesure urgente pour leur faciliter l’accès au crédit.
Les banques, les caisses de crédit modernes avec leur mobilier à l’occidentale, leur personnel en uniforme, leur voix intimidante, font peur aux femmes rurales.
Une paysanne n’est pas à l’aise dans ce genre de bâtiments. Simples et modestes, les caisses d’épargne villageoises offrent déjà aux femmes rurales un accueil plus approprié. En outre, elles sont souvent situées à proximité de leurs villages. C’est vers ce type d’accueil qu’il faut s’orienter.
Aussi, il faut donner du temps aux femmes pour rembourser ! Trop souvent, elles doivent payer leur dette en moins de six mois ! Un an ou dix-huit mois seraient des délais plus réalistes pour permettre aux nouvelles femmes d’entreprise d’installer leur activité, la rentabiliser, puis rembourser leur emprunt.
De ces mesures, les femmes se trouveront mieux. Et tout le pays aussi. Car elles n’investissent pas dans les mêmes secteurs que les hommes. Ces derniers achètent une mobylette ou prennent une deuxième ou troisième épouse lorsqu’ils ont de l’argent.
Ces choix masculins ne sont pas directement productifs pour la société. A l’inverse, les femmes qui ont un peu d’argent achètent un moulin pour le mil, par exemple, ou une autre machine pour extraire l’huile des oléagineux. D’autres investissent dans du matériel de séchage des aliments ou acquièrent une mini-conserverie qui sauvera une partie de la récolte de fruits et légumes. Leurs enfants, et toute la famille, seront mieux nourris.
Boubacar Sankaré
Le 26 Mars