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Coups d’État : l’armée, une institution « démocratique » ?

En Afrique de l’Ouest, les militaires ont ravivé le souvenir de leur rôle politique. Si la prise du pouvoir peut conduire à l’instauration d’un régime autoritaire, la junte peut aussi permettre l’ouverture du champ politique à toutes les forces.

 

L’histoire récente de l’Afrique nous enseigne que l’action politique de l’armée mène à deux situations : instituer la démocratie ou rectifier le processus de démocratisation en cours. Le coup d’État d’Amadou Toumani Touré en 1991 au Mali appartient à la première catégorie. À l’inverse, les immixtions de Daouda Malam Wanké en 1999 et de Salou Djibo en 2010, au Niger, illustrent l’option rectificative, c’est-à-dire, la mission que se donne l’armée de rétablir une compétition politique ouverte et équitable pour tous les acteurs.

Arrivés au pouvoir et manquant de légitimité, les militaires appliquent le schéma suivant : rassurer, édicter, partager, s’effacer. D’abord, ils rassurent sur leurs intentions et promettent la tenue rapide d’élections libres et l’ouverture de concertations. Ensuite, pour inscrire le régime dans la légalité, ils édictent et adoptent une charte de transition censée éviter la rupture de l’ordre constitutionnel. Puis, ils partagent le pouvoir avec les civils en nommant un Premier ministre et un gouvernement. Cela permet d’offrir au régime les attributs d’une démocratie, le caractère bicéphale de l’exécutif donnant l’illusion d’un partage du pouvoir, à la différence du régime autoritaire. Enfin, ils s’effacent après la transition, en rendant le pouvoir aux civils.

Garantir la sécurité du peuple

Le Mali et le Burkina Faso symbolisent une nouvelle forme d’interventionnisme de l’armée. En effet, dans ces pays, le président en exercice au moment du putsch (respectivement Ibrahim Boubacar Keïta et Roch Marc Christian Kaboré) a été désigné à la suite d’un processus électoral globalement ouvert et compétitif. Si le chef de l’État est contesté, le jeu politique n’a pas atteint un niveau de paralysie tel que la seule issue soit le coup d’État militaire. L’intervention de l’armée ne correspond donc pas à l’alternative évoquée précédemment, c’est-à-dire instituer la démocratie ou rectifier le processus de démocratisation en cours. Elle est plutôt motivée par l’incapacité du régime civil à venir à bout de la violence jihadiste.

Leurs justifications sont donc corporatistes. Les militaires ne prennent plus le pouvoir pour instaurer ou sauver la démocratie, ils le font pour garantir la sécurité des populations ainsi que l’intégrité du territoire national. Cependant, les nouveaux dirigeants du Mali (Assimi Goïta) et du Burkina Faso (Paul-Henri Sandaogo Damiba) adoptent les éléments de la figure : rassurer, édicter, partager. Mais s’effaceront-ils ?

Pas de soumission au pouvoir civil

Le discours de légitimation de l’action des putschistes est en décalage avec leur soumission aux figures traditionnelles du régime de transition. En adhérant au dit schéma, ils devraient œuvrer à rendre rapidement le pouvoir aux civils. Néanmoins, ils ne semblent pas privilégier cette option. La rhétorique adoptée et les causes de leur intervention illustrent l’absence de croyance de ces militaires en la soumission de l’armée à un pouvoir civil, ce qui accentue l’idée que le salut de la nation ne peut être que l’œuvre de l’armée.

Mais si l’on tolère qu’une transition de quelques mois se mette en place et conduise à des élections libres au sortir d’un régime politique fermé, on l’accepte moins quand c’est un président élu qui est renversé et que ses vainqueurs se donnent pour mission de refonder l’État (ou de lutter contre le terrorisme), sans mandat électoral et pour une période non déterminée. Il apparaît que les motivations des militaires sont en grande partie responsables de la résistance accrue qu’ils rencontrent. Ces transitions dans la démocratie, qui voient s’arrêter un processus globalement compétitif et s’établir une nouvelle forme de régime de salut public, représentent une nouveauté.

Source : Jeune Afrique
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