Les procédures, la règlementation et même les organisations ont été revues dans les pays africains pour limiter la corruption. Des couloirs existent pour échapper à ce fléau.
La fonction publique est le lieu par excellence de la corruption dans les pays africains. Parce qu’elle est au centre de la vie de l’Etat. C’est l’acteur économique le plus important. Dans un pays comme le Cameroun, le budget de l’Etat représente près du quart du produit intérieur brut. Et les 2/3 de ce budget vont être dépensés dans le fonctionnement des services publics et l’investissement public. Dans un cas comme dans l’autre, des prestataires privés entrent en affaires avec les agents de l’Etat pour lever les marchés publics, pour leur exécution et pour leur paiement. Il n’y a donc pas beaucoup d’opérateurs économiques capables de se passer des prestations de l’Etat, qu’ils soient nationaux ou étrangers.
Ça passe par les contacts avec les agents publics
Pour les entreprises qui ne prestent pas pour l’Etat, il y a encore le paiement des impôts qui oblige à un contact avec les agents publics. C’est au cours de ces contacts que se construisent les circuits et processus de corruption, quand les entreprises veulent remporter un marché qu’elles ne méritent pas, quand le fonctionnaire veut un bakchich pour réceptionner un marché, quand un opérateur veut vite être payé ou quand une entreprise cherche à ne point payer d’impôt du tout. Ce contact est le moment de la négociation, du chantage, de la pression et de la circulation de l’argent de préférence en espèce… Bref, la proximité voire la promiscuité entre les prestataires de l’Etat et les agents publics est la plateforme idéale pour le développement de la corruption. Ce qui est vrai pour ceux qui exécutent la commande publique l’est aussi pour les usagers ordinaires qui sollicitent un service public auquel ils ont par ailleurs droit.
Plusieurs pays africains ont compris que la digitalisation des services à forte concentration humaine est une solution. Par exemple, en 2017, la direction générale des Impôts au Cameroun a procédé à « l’installation des terminaux électroniques de paiement des impôts et taxes dans les services fiscaux, ainsi que la mise en place d’un dispositif d’encaissement en espèces auprès des guichets des banques ; l’extension du paiement des impôts par téléphone portable et la mise en place d’un système de déclaration par téléphone portable pour les petits contribuables ».
Dématérialiser les procédures
La même année 2017, le gouvernement ivoirien avait décidé que « les contribuables ivoiriens pourront effectuer toutes leurs procédures de déclarations d’impôts en ligne. » Dans les deux cas, ces mesures ont permis un extraordinaire gain de temps pour les contribuables et les agents des impôts, une meilleure administration de l’impôt et une amélioration des recettes fiscales. Mais surtout, la digitalisation a diminué le contact avec les agents de l’Etat.
Le ministre des Marchés publics du Cameroun, Abba Sadou, renseigne que « la dématérialisation des procédures est un autre acquis important du MINMAP qui va révolutionner la passation des marchés publics. Cette dématérialisation est effective grâce au projet «e-procurement», dont la mise en œuvre du premier module permet aujourd’hui de publier les avis d’appel d’offres et de télécharger les dossiers d’appel d’offres en ligne. »
Par ailleurs, le Centre de promotion des investissements en Côte d’ivoire (CEPICI) a créé un portail dénommé «225 Invest.ci » pour parvenir à une dématérialisation complète des procédures de création d’entreprises en Côte d’Ivoire. Au Cameroun, le Centre des formalités de création des entreprises est un guichet unique qui permet la création d’une entreprise en un jour, et 72 h au maximum.
On peut multiplier à l’envi les mesures de facilitation et de simplification déployées en direction des investisseurs pour leur permettre de faire des affaires en Afrique. Celles-ci rencontrent des résistances et leur mise en œuvre est souvent amorcée longtemps avant que les effets ne se généralisent et que les habitudes saines ne s’imposent. Ces forces centrifuges doivent faire face à la détermination des opérateurs économiques à user des couloirs aménagés pour leur éviter les circuits de la corruption.
Le chemin est encore long et la corruption n’est jamais définitivement vaincue. Le Botswana, pays le moins corrompu d’Afrique, est constamment en campagne « tolérance zéro » contre cette hydre.
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