Les enquêtes sur l’affaire de détournement des fonds de la Loi d’orientation et de programmation militaire viennent de connaître un rebondissement avec l’arrestation de plusieurs militaires dont des généraux.
En effet, la Cour suprême du Mali a placé sous mandat de dépôt, le mardi 17 mai 2022, trois généraux des Forces armées de défense et de sécurité dans le cadre de l’affaire d’équipements militaires. Il s’agit de : l’ancien ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Général M’Bemba Moussa Kéita. Il fut Chef d’état-major général des Armées du Mali, avant d’être limogé suite aux attaques d’Ogossagou survenues en mars 2019 ; le Général Souleymane Bamba qui a assumé les fonctions de Chef d’état-major de l’Armée de l’air puis celle de Chef d’état-major général adjoint des Armées ; le Général Moustapha Drabo. Jusqu’au coup d’Etat du 20 août 2020, il était le Directeur du matériel, des hydrocarbures et du transport des Armées. Auparavant, le colonel Abdoul Wahab Touré, le commandant Adama Kaba, le Lieutenant Tio Konaté et cinq autres personnalités ont été inculpés et incarcérés pour atteinte aux biens publics dans le cadre de l’affaire d’un contrat de fournitures de véhicules au compte du ministère de la Défense et des Anciens Combattants, selon de sources judiciaires. Aussi, le colonel Mamourou Togo est placé sous contrôle judiciaire et le colonel Mohamed Lamine Diakité est recherché, n’ayant pas daigné comparaitre librement.
De quoi s’agit-il ?
C’est un pactole de 1230 milliards de francs CFA qui avait été décaissé pour l’exécution de cette loi. Cependant, c’est un véritable festival qui a été organisé autour de cette colossale somme. Conséquence ? Des enquêtes sont ouvertes sur la gestion de cette Loi d’orientation et de programmation militaire sous l’ancien régime.
Selon un Rapport élaboré en 2018 par le Canada, les Autorités maliennes ont dépensé de manière irrégulière 1,3 milliard $ de ressources publiques entre 2005 et 2017 et 35,5% de ce montant relèverait de la fraude.
Cette corruption endémique a d’ailleurs eu des répercussions sur les performances du pays au plan sécuritaire.
En effet, sous le Régime défunt, l’Assemblée Nationale avait adopté, en février 2015, une Loi d’orientation et de programmation militaire. L’adoption de cette Loi devrait permettre d’enclencher le processus de la réforme progressive de l’Armée. Ce programme quinquennal (2015-2019) devrait permettre de mobiliser un fonds spécial de plus de 1000 milliards de francs CFA. Cette Loi prévoyait également la transformation en profondeur de l’Armée en termes de ressources humaines, de formation, d’effectifs et d’équipements militaires modernes, mais aussi d’amélioration des conditions de vie et de travail du personnel et du commandement.
Cependant, des faits avérés de surfacturation dans la dotation des FAMA de matériels et d’équipements militaires neufs avaient été dénoncés par le Fonds Monétaire International en 2014 et attestés par le Rapport du Vérificateur Général. Sur l’achat des équipements militaires et de l’avion présidentiel, il y a eu aussi de forts soupçons de détournements, de surfacturations et d’escroquerie dans la passation des contrats.
Réseau de spoliation des ressources de l’armée
Ainsi, de l’achat des aéronefs et d’autres matériels et d’équipements militaires, à la formation des pilotes, un vaste réseau de spoliation des ressources dégagées officiellement pour la mise en œuvre de la loi de programmation militaire. C’est un sulfureux dossier impliquant des Généraux, Ministres et proches collaborateurs et parents de l’ancien Chef de l’État qui a été dénoncé. Ce énième scandale avait poussé la principale coalition de l’opposition de l’époque à demander un audit sur l’utilisation des fonds de la loi programmation militaire.
Aussi, le front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) avait exigé « un audit financier et comptable, dans les plus brefs délais, de l’utilisation des 1230 milliards de francs CFA votés à l’Assemblée Nationale dans le cadre de la loi de programmation militaire. Il exige également une enquête sérieuse sur la livraison, l’état et la disponibilité des équipements militaires ».
Même au plan international, l’utilisation de ces fonds avait suscité des interrogations. Ainsi, dans un Rapport sur l’intégrité dans le secteur de la sécurité et de la défense au Mali, publié en octobre 2019, Transparency international soulignait la nécessité d’instaurer un contrôle. « L’Article 8 du Code des marchés publics permet à certaines acquisitions d’échapper au contrôle du Parlement et des mécanismes d’audit externe. De même, le contrôle de l’éligibilité des achats secrets, hors Budget et la supervision de leur exécution par un organe externe indépendant tel que le Bureau du Vérificateur Général (BVG) ou l’Autorité de régulation des marchés publics et des Délégations de services publics (ARMDS), s’avère essentiel », affirma l’ONG internationale.
Mohamed Sylla
Source: L’Aube