La dégradation des mœurs a atteint un niveau tel, qu’aujourd’hui dans nos sociétés, la corruption est la partie visible d’un phénomène dangereusement expansif : le gain facile et rapide.
D’où nous vient-il, l’argent sale ? Comment s’impose-t-il à nous ? Comment le combattre ?
La base des besoins essentiels s’élargit et leur satisfaction fait appel à plus d’actifs monétaires que d’actifs réels.
A coup sûr, c’est là l’une des explications du goût de la facilité.
En effet, quelques décennies avant notre époque, les besoins élémentaires se résumaient aux trois repas journaliers, et à quelques habits.
Bien des choses étaient d’usage collectif : la monture (le cheval ou l’âne), l’éclairage (lampe ou chantihy) les parures (sabre, fusil, ou bijoux), l’eau (le puits ou la fontaine). Pendant ce temps, « les marginaux » étaient ceux qui possédaient un peu plus que les autres et ces marginaux souffraient de leur supériorité sur leur semblable et faisaient tout pour « cacher cette infirmité ».
Dans la plupart des cas, ces marginaux étaient dotés des facteurs hors du commun qui justifiaient leur supériorité : intelligence, courage, endurance, etc… De sorte que leur supériorité était tolérée, voire acceptée. Aujourd’hui, les besoins à satisfaire sont devenus nombreux et variés : les budgets consacrés à l’habillement, à la nourriture, aux logements, à la santé, à l’éducation, aux loisirs, sont vertigineux. La satisfaction de ces besoins se fait à travers des échanges où la monnaie est reine. Sans elle, point de salut.
Les richards marginaux qui jadis rasaient leurs murs, s’affichent désormais puis réclament leur supériorité.
Des gens qui avaient honte de leur richesse, exhibent actuellement leur puissance matérielle. Pendant ce temps, les vertus de la société basculent : la richesse qui résulte du travail, du courage ou de l’intelligence, disparaît et perd ses valeurs. Le riche est désormais celui qui possède ces qualités. Si on est riche, on est forcément intelligent, courageux, habile. La société ne fait plus de distinction de sorte que le chemin s’ouvre tout de suite.
Pour être valeureux, il faut être riche. Puisque le riche incarne toutes les vertus, le chemin le plus court d’être vertueux est d’avoir l’argent. Alors tout est fait par les hommes pour devenir riches. L’origine de la richesse ne comptant plus. Tous les chemins mènent à Rôme. La société se forge des nouveaux concepts. « Il n’existe pas de fils vertueux, il n’y a que de fils riche ». « L’argent n’a pas de couleur ». « Il n’y a pas d’argent sale ». L’argent achète tout et bouleverse l’équilibre social.
Dans l’administration malienne, la confidentialité du bulletin de salaire est un autre facteur qui favorise l’esprit du gain facile. Lorsqu’un salarié par exemple « cache », jusqu’à son épouse, ce qu’il gagne, c’est pour quelles raisons ? Pourtant, une épouse responsable qui sait le niveau de revenus de son mari est la première à s’insurger quand elle voit son conjoint mener un train de vie au-dessus de son gain.
En effet, lorsque Monsieur gagne 50 000 CFA par mois, Madame s’inquiétera lorsque les dépenses font chaque mois le triple du salaire. Ou elle sonne l’alarme, ou s’apprête à continuer la route sans son mari, tôt ou tard.
La magouille prend le nom « d’affaires »
Des jeunes commerçants dans des boutiques vides, sans sourciller, vous disent qu’ils sont des hommes d’affaires, alors qu’ils préparent des coups bas contre les institutions financières et/ou de l’Etat. Personne ne s’offusque de voir « le sans emploi » d’hier rouler en « 4 phases » aujourd’hui. C’est plus tard qu’on se rend compte devant l’ardoise laissée aux banques et au TRESOR public.
Les « huis clos » de commissions de dépouillements de marchés sont aussi synonymes d’enrichissement illicite.
La non transparence et la loi du silence sont facteurs d’enrichissement, sans commune mesure, des intervenants dans l’attribution des gros marchés. Les cadeaux aux décideurs : corruption qui ne dit pas son nom. La question qui se pose ce n’est pas de savoir si un décideur doit ou non recevoir un cadeau, mais bien de cerner ledit cadeau.
Un cadeau prélevé sur le bien public donné à un responsable est destiné à un usage public et non privé du destinataire.
Ainsi, lorsqu’un Emir fait don d’argent à un Président, l’argent doit être versé au TRESOR Public.
Un cadeau fait à un salarié ne doit pas dépasser un certain quota de revenu.
En effet, il est compréhensible qu’un paysan donne un poulet (1 500 CFA) à un commandant de cercle qui gagne 100 000 CFA par mois, mais ça devient suspect, si l’éleveur du village lui donne un bœuf (150 000 CFA) dont le prix dépasse son salaire.
En somme, la corruption est notre compagne de tous les jours, dans les bureaux, les usines, dans les écoles, partout où il y a signe de vie… d’un Malien.
Pour la combattre, il faut faire une « révision » de nos mœurs.
Un travail de longue haleine, qui doit commencer par une forte sensibilisation et une humiliation de ceux qui se prêtent au phénomène.
Malick Camara
SOURCE: Le 26 Mars