Du 5 au 6 novembre, la capitale sénégalaise accueillera la 5e édition du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. Le développement durable du Sahel sera le grand thème de cette rencontre.
Mais les participants au Forum pourront-ils faire l’économie de débattre sur les enjeux sécuritaires du jour ?
De notre envoyé spécial à Dakar,
C’est la problématique de l’opérationnalisation du lien entre la sécurité et le développement qui sera le fil rouge de la 5e édition du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité qui s’ouvre ce lundi 5 novembre dans la capitale sénégalaise. « Il existe aujourd’hui un consensus parmi tous les acteurs pour dire que la réponse militaire contre le terrorisme, qui a commencé avec la guerre au Mali en 2013, était certes nécessaire, mais pas suffisante pour stabiliser la région et mettre en place une sortie de crise durable », soutient Hugo Sada, conseiller du président de la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS), qui est l’opérateur logistique du Forum.
« Alors, comment fait-on ? » Telle est la question à laquelle les participants à la rencontre de Dakar seront invités à répondre. « Nous savons tous qu’il n’y a guère de recette miracle, mais il fallait lancer la réflexion », ajoute pour sa part le colonel Frédéric Garnier, responsable Afrique à la Direction générale des relations internationales et stratégiques (DGRIS), au ministère des Armées qui, en collaboration avec le Sénégal, organise et finance le Forum.
Origines
« Cette collaboration franco-sénégalaise s’inscrit dans la continuité des engagements pris lors du sommet Afrique-France de l’Elysée en 2013, puis celui de Bamako en 2017 », rappelle Frédéric Garnier. « Cette initiative, poursuit le colonel, partait d’un constat, partagé d’ailleurs par la France et ses partenaires africains, qu’il manquait une grande enceinte de réflexion stratégique sur les questions de sécurité du continent. Il y a cinq ans l’Afrique n’avait rien d’équivalent aux Manama (Moyen-Orient) et Shangri-La (Asie du Sud-Est) Dialogue, où les décideurs africains et leurs partenaires puissent échanger sur des thèmes liés à la paix et la sécurité sur le continent. »
La première édition du Forum de Dakar a eu lieu en 2014. Et manifestement, ça marche, comme ne manquent pas de souligner les organisateurs. Ils rappellent que les quatre premières éditions qui se sont succédé depuis la première année ont chaque fois rassemblé plus de 500 participants venus du monde entier, dont des chefs d’Etat. En 2017, deux chefs d’Etat (Paul Kagame du Rwanda et IBK du Mali) avaient fait le déplacement.
Hugo Sada pointe pour sa part la qualité des débats que les dernières éditions du Forum ont accueillis. « Ces discussions ont permis, souligne-t-il, d’éclaircir les problématiques, notamment celles du terrorisme et de l’extrémisme violents qui ont été longuement abordés l’année dernière pendant les plénières, les conférences et les ateliers ». « Ces débats ont surtout énormément fait avancer, ajoute Hugo Sada, la prise de conscience des limites de la logique du tout-sécuritaire ».
Thématiques de l’édition 2018
Le programme du Forum de Dakar 2018 propose trois thématiques, liées à la problématique du développement soulignée lors des précédentes éditions : protection de droits et libertés dans le contexte de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, coopération internationale pour une paix durable et partenariats multilatéraux en matière de renseignement et lutte contre le cyberterrorisme.
Rappelons que, faisant suite à son annonce phare au Forum de Dakar 2017, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian va inaugurer cette année au Sénégal une école de cybersécurité à vocation régionale. Selon les professionnels, l’Afrique est mal-préparée face aux cybermenaces. Impulsée par la France et portée par le Sénégal, cette école devrait aider à changer les mentalités par rapport aux menaces numériques en formant les jeunes.
Enfin, les spécialistes de la paix et sécurité réunis à Dakar cette année ne pourront pas faire l’économie des discussions sur les grands enjeux sécuritaires africains du moment que sont la dégradation de la situation sécuritaire au Burkina et au Mali, l’opérationnalisation encore retardée du G5 et le redéploiement souhaité par le président Macron du dispositif Barkhane.
« Le contexte dans lequel se déroulera ce 5e Forum est pour le moins inquiétant », se lamente Jakkie Cilliers du think-tank sud-africain Institut d’études de sécurité (ISS), partenaire du Forum de Dakar depuis un an. « Le Sahel et l’Afrique centrale sont aujourd’hui les deux maillons faibles en termes de paix et de sécurité, déclare le chercheur sud-africain, alors que la situation semble s’être nettement améliorée en Afrique orientale, voire dans la région de Corne de l’Afrique. La France, qui est présente sur le terrain, tente de rétablir la stabilité au Sahel, mais ses ressources sont limitées. Dans ce contexte, l’un des grands enjeux de ce Forum sera de s’assurer que la communauté internationale prenne toute sa part dans le financement de la lutte contre le terrorisme et que cela ne soit pas uniquement le fardeau de la France. C’est sans doute ce que la ministre de la Défense française Florence Parly va réclamer, sinon à la tribune, certainement dans les coulisses du Forum de Dakar ».
S’agissant de la montée en force du groupement G5 Sahel, Jackie Cilliers se déclare plutôt « sceptique » à propos de l’utilité de promouvoir « artificiellement » une énième structure dans la région, « alors que les pays du G5 sont déjà membres de la Cédéao ». « Attention, prévient-il, à ne pas transformer le G5 en une nouvelle entité économique, ce qui pourrait à terme fragiliser la Cédéao et toute la région. »
Avec des orateurs comme Jackie Cilliers qui pourrait apporter la contradiction à la tribune du Forum, les débats promettent d’être vifs, contradictoires et riches.
RFI