En alimentant les foyers de tension, la prolifération de ce type d’armes contribue largement à l’instabilité dans la sous-région
Il y a moins de deux décennies, le contrôle des armes légères et de petit calibre ne préoccupait pas beaucoup la communauté internationale. Ce sont seulement les armes de destruction massive (armes nucléaires, biologiques, chimiques, etc) qui faisaient l’objet d’une attention particulière. Mais de plus en plus, le centre de préoccupation s’est étendu aux armes de petit calibre. Il faut dire que les ravages que celles-ci provoquent aujourd’hui sont énormes. Leur disponibilité et leur faible coût d’accès sont à l’origine de drames humains à travers le monde. La prolifération de cette catégorie d’armes prolonge les conflits et les rend plus violents et en empêche la résolution. Elle nuit au respect du droit international humanitaire, menace les gouvernements légitimes, favorise le terrorisme, entretient la criminalité organisée et transfrontalière. Parallèlement à ces conflits armés internes, la période est propice à une recrudescence du grand banditisme et de la grande criminalité transfrontalière en Afrique. Pour beaucoup de groupes de gangs et de bandits, l’exercice de la violence est devenu le gagne-pain. Partout, des citoyens ordinaires s’organisent pour assurer leur auto-défense collective ou individuelle, aggravant ainsi l’accumulation et le débridement du port des armes de petit calibre.
Dans ces conditions, la détention d’armes n’est plus un monopole de l’Etat et de ses émanations. C’est ce processus de perte de monopole par les Etat et la multiplication conséquente des centres des pouvoirs armés, qu’il est convenu de qualifier de phénomène de prolifération des armes légères et de petit calibre. Les statistiques retiennent qu’il y aurait entre 600 à 800 millions d’armes légères en circulation dans le monde, hors du champ de contrôle des Etats, dont 30 millions en Afrique au sud du Sahara et 8 millions en Afrique de l’Ouest. Cette situation fait de notre sous-région l’une des plus instables du continent. Face à cette situation, la sous-région s’est mobilisée depuis quelques années. Diverses initiatives ont été prises pour combattre le phénomène.
Notre pays s’est ainsi doté d’une Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères et d’un plan d’action. Un nouveau plan couvrant la période 2014-2018 est en chantier. Le projet de document est au centre d’un atelier de validation qui s’est ouvert hier au Centre international des conférences de Bamako.
La cérémonie d’ouverture était présidée par le secrétaire général adjoint de la Présidence de la République, Seydou Nourou Kéïta. Celui-ci avait à ses côtés le directeur du Centre régional des Nations unies pour la paix et le désarmement (UNRC), Marco Kalbuch, le président du Haut conseil des collectivités, Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, et la président de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères, le général Coulibaly Kani Diabaté.
L’événement a regroupé outre les membres de la Commission, des représentants des départements ministériels sectoriels et de la Société civile, impliqués dans la lutte contre les armes légères.
Dans son intervention introductive, le général Kani Diabaté a rappelé que si les Nations unies reconnaissent aux Etats le droit de se doter des armes pour assurer leur sécurité, ce droit est soumis à des conventions internationales rendant contraignante leur libre circulation. Or, il se trouve que les Etats perdent le monopole de la fabrication et de la possession de ces outils de défense. Dans nos pays, beaucoup de fabricants, notamment artisanaux, sont ignorés des autorités en charge de la question. En outre la multiplication des conflits armés dans le monde en général et dans notre sous-région en particulier, peut être également à l’origine de la prolifération des armes légères et de petit calibre.
Ainsi beaucoup d’armes non identifiés circulent à l’intérieur de nos frontières faisant des ravages. Au regard de cette situation, la CEDEAO a élaboré une Convention très contraignante pour réglementer l’acquisition et la circulation des armes de petit calibre à l’intérieur de notre espace communautaire. Celle-ci met l’accent sur l’ensemble du processus d’acquisition de ces armes, en particulier la fabrication.
Marco Kalbuch a, pour sa part, observé que le commerce illicite des armes légères à l’origine de leur prolifération, est de nature à endeuiller nombre de nos familles et à couper le sommeil aux gouvernants. C’est conscient de ces défis dont l’ampleur de la menace dépasse nos seules frontières, que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté le Traité sur le commerce des armes qui réglemente le commerce international des armes conventionnelles. Le Mali fait partie des premiers pays à adopter ce dispositif législatif et règlementaire. L’UNREC aide notre pays à se conformer à cette législation internationale. Assurant que cet organisme onusien est très satisfait de sa collaboration avec la Commission nationale, Marco Kalbuch a assuré que ce partenariat allait se poursuivre.
Quant au secrétaire général adjoint de la Présidence, il a déploré la mauvaise gouvernance sécuritaire à l’origine de la prolifération des armes légères dans notre pays. Ce qui a favorisé la persistance des rebellions et l’installation de groupes djihadistes sur notre territoire qui ont transformé le pays en un couloir de passage de la drogue à l’instar du reste de la bande sahélo-saharienne.
Seydou Nourou Keïta a confirmé la détermination des autorités nationales à circonscrire le phénomène. La création de la Commission nationale témoigne de cette volonté. Relevant que la prolifération des armes légères expose les populations des pays infectés et compromet dangereusement la réconciliation dans les pays en proie au conflit, il a estimé qu’en dépit de la reconnaissance du droit des Etats à se doter des armes pour se défendre, il n’en demeure pas moins que le circuit commercial soit libre de tout contrôle. D’où son appel à une réglementation plus stricte de la circulation de ce genre d’armes qui deviennent de plus préoccupants au même titre que les armes non conventionnelles. C’est face à la menace que le Secrétaire général des Nations unies, à la demande du Mali, a invité la Communauté internationale à ouvrir une nouvelle ère de micro-désarmement.
L’atelier de deux jours s’inscrit donc dans le prolongement de cette initiative. Durant la session, les participants se penchent sur l’examen du projet de plan d’action 2014-2018 et son budget estimatif. Ils vont émettre des recommandations visant à améliorer le projet soumis à leur examen. C’est après ce processus de validation que le plan deviendra le bréviaire de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre.
A. O. DIALLO