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« Contre les élections »

Ce titre provocateur renvoie à l’ouvrage, publié en 2014 par le Belge David Van Reybrouck, qui remet en question l’un des piliers de la démocratie représentative : les élections.

 

Il pourrait tout aussi être le slogan des partisans d’une transition longue au Mali. En effet, ceux-ci pour la plupart estiment que « c’est la faute de la démocratie représentative ».

L’ouvrage de Reybrouck (*) est d’une actualité remarquable en ce sens qu’il dresse un diagnostic sans concession de la démocratie représentative, exposant ses forces et ses faiblesses ainsi que les anciens et nouveaux défis auxquels elle est confrontée. L’auteur explore, à travers une analyse rigoureuse, les ressorts de ce qu’il appelle le « syndrome de fatigue démocratique ».

Sa lecture ferait un grand bien à tous ceux qui, aujourd’hui, s’interrogent sur la pertinence des élections comme mécanisme de désignation des gouvernants. Tous, opposants comme partisans du système électoral, y trouveraient des arguments à puiser pour défendre leurs positions respectives.

La solution et le problème

Au Mali, le débat actuel autour de la durée de la transition est aussi lié à une forme de « désenchantement électoral ». La campagne en faveur d’une prolongation de la transition n’a, d’ailleurs, pas hésité à surfer sur le sentiment anti-élections perceptible au sein d’une frange de la population. Celle-ci juge que les élections n’ont, jusque-là, pas permis de combler l’espoir d’une meilleure gouvernance et donc d’une vie meilleure. Bien au contraire, elles ont à certains égards contribué à accentuer la grave crise que traverse le pays.

Ce front anti-élections comprend une mosaïque d’acteurs aux objectifs et intérêts différents. Le réduire à une poignée d’individus « instrumentalisés » ou voulant s’attirer les faveurs des autorités en place est une erreur qui empêche non seulement de comprendre le phénomène du désenchantement électoral, mais aussi de trouver des solutions à un problème bien réel.

À vrai dire, la question électorale est au centre des débats sur le renforcement de la démocratie, depuis plusieurs décennies. Les taux de participation extrêmement bas aux différentes échéances électorales en ont fait une source d’interrogations.

L’élection est à la fois décrite comme le problème et la solution pour un meilleur fonctionnement démocratique et, partant, de l’efficacité ou de l’inefficacité du système démocratique. C’est d’ailleurs la perspective qu’il puisse être les deux à la fois qui nourrit la volonté de nombreux acteurs à procéder à une réforme électorale ambitieuse.

Deux visions

Les Assises nationales de la refondation (ANR), qui se sont tenues du 11 au 30 décembre 2021, auraient pu être un cadre propice à la réflexion autour de cette question. Malheureusement, elles n’auront pas permis d’aborder les problématiques de façon approfondie et de sortir des sentiers battus. La faute en revient au nombre élevé de thématiques, au temps imparti trop court et, probablement, à une méthodologie inadaptée.

Toutes les propositions relatives aux élections lors des ANR ont porté sur l’amélioration du système électoral, afin qu’il ne soit plus la cause de tensions voire de conflits sociopolitiques. Or, ce qui est remis en cause aujourd’hui par un certain nombre d’acteurs, y compris les anti-élections, c’est l’idée même que les élections constituent le seul moyen à travers lequel les plus méritants accèdent au pouvoir.

Par ailleurs, ce rituel suffit-il pour prendre en compte convenablement les choix parfois « capricieux » des citoyens ? Une partie de la réponse se trouve assurément dans la question.

Au-delà de la question de la durée de la transition, il est intéressant de voir que deux visions se dégagent et s’opposent. Entre une élite politique acquise au système électoral et une partie de la population de plus en plus dubitative sur la capacité de ce système à produire des gouvernants légitimes et efficaces, le combat semble engagé.

Tâchons d’en profiter pour améliorer notre fonctionnement démocratique en insufflant de nouvelles idées et en offrant de nouvelles perspectives à un système qui semble être à bout de souffle.


  • David Van Reybrouck, Contre les élections, Paris, Actes Sud, 2014, 220 p.

Source : Benbere

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