Au Mali, le foncier est devenu une bombe qui, si les Autorités n’en prennent pas garde, risque d’exploser à tout moment ou pire, devenir une source de conflit de générations. Les parents meurent, s’en vont en laissant comme héritage des litiges fonciers qu’ils n’ont pas pu résoudre au moment de leur vivant. Au lieu de semer la discorde entre Maliens par des combats interminables, l’État doit prendre ses responsabilités et sanctionner les vrais coupables qui sont les maires, préfets, sous-préfets et commandants. Bref, les agents de l’État.
Aujourd’hui, nos tribunaux sont truffés de dossiers concernant les conflits fonciers. À tout moment, une personne peut sortir du néant pour vous informer que la terre que vous occupez ne vous appartient pas. Lui a des documents qui l’attestent au moment où vous en possédez aussi. Par conséquent, l’ampleur et la densité des problèmes fonciers sont plus grandes que cela peut conduire un moment à des affrontements violents.
D’où vient alors cette confusion?
Au terme de nos enquêtes, nous pouvons dire que la terre est devenue une marchandise pour les officiers de l’État, un moyen de s’enrichir sur le dos des Maliens. Une arme redoutable qui fait très mal aux populations maliennes. Tous les conflits fonciers émanent de l’indélicatesse, le manque de communication vraisemblablement basé sur la légèreté de ces agents de l’État.
Face à cette problématique, IBK comme ses prédécesseurs s’est penché sur les difficultés que peut générer l’acquisition d’un terrain afin de trouver des solutions durables. Mais en vain. Le phénomène persiste !
Force est de constater que ces différentes démarches, même loyales, n’ont pu avoir des effets escomptés. Alors ne faudrait-il pas que l’on s’attaque sur l’origine même du mal dans l’unique but de régler une fois pour toutes ces problèmes fonciers ?
Toutefois, il est vrai que des dispositions sont prises au Mali en vue de délivrer des documents fonciers notamment, le Titre foncier qui permet à l’acquéreur de sécuriser sa propriété foncière et aux autorités d’assurer une bonne tenue des livres fonciers. De ce fait, les agents du service domanial s’organisent le plus souvent pour délimiter et matérialiser le terrain attribué par des levés topographiques, des poses de bornes , des plaques portant le nom et l’adresse du propriétaire. Mais le grand problème, c’est le fait que commandant, préfet ou sous-préfet, maire ou autres, font leur business sans se concerter. Au finish, un terrain peut parfois être attribué à deux ou trois personnes par différents donateurs.
Manque de communication entre les administrateurs
Il se trouve que lors d’une attribution de lot de terrain par l’un des officiers de l’État, généralement, ce dernier ne contacte pas les autres pour savoir si le terrain n’est pas déjà attribué. Il le vend sans aucune concertation ou vérification. Donc chacun fait comme bon lui semble. Le Commandant ne contacte pas le maire, celui- ci ne contacte pas le préfet, le préfet ne contacte pas le sous-préfet, qui ne contacte pas le préfet, etc, etc, etc!!! Comment peut-on travailler sur le même domaine sans se concerter ?
Ou comment se fait-il que deux, trois personnes se retrouvent sur le même numéro de lotissement ou que le terrain du voisin vient empiéter le sien?
Pourtant, la logique veut que si deux personnes rentrent en collision sur le même terrain, la faute incombe à celui qui est à la base du désastre, c’est-à-dire l’agent de l’État.
Pourquoi ce sont les victimes de ces maires, préfets, et autres qui s’entretuent devant les tribunaux et que les vrais coupables empochent d’énormes sommes sans s’inquiéter ?
Pourtant, il suffit de suivre les procédures pour éviter les problèmes, car les vérifications soutiennent et attestent qu’il n’y a pas d’autre titre ou immatriculation sur le terrain.
Aussi, deux représentants de l’État qui ont simultanément attribué le même terrain à des personnes différentes doivent assumer et ainsi répondent à la place des acquéreurs devant les tribunaux.
Les tribunaux ne maitrisent pas les conflits fonciers
Lorsque le Tribunal est saisi par exemple d’un cas de conflit entre deux personnes réclamant le même terrain, selon un agent des Domaines, les juges ayant à charge les affaires domaniales ne maîtrisant pas les dossiers trancheraient en général en faveur du plus offrant. « Le tribunal ne sait rien sur l’attribution desdits terrains conflictuels. Les juges tranchent en général en faveur du plus offrant sur un problème qu’il ne maitrise aucunement. Ils se basent parfois sur l’ancienneté. Or le juge doit faire appel aux agents de l’État qui sont concernés par l’affaire. Cela peut être le préfet, le sous-préfet ou le maire afin de répondre et de s’expliquer sur le problème. La seule faute qui doit impliquer un usager, c’est dans les cas de faux et usages de faux. Lorsque la personne falsifie les documents pour s’approprier le terrain. Avec les informations, il n’y aura jamais de soucis. Les Maliens se haïssent pour des faits qui ne sont ni de la faute de l’un ni de l’autre. C’est l’État qui doit s’assumer puisque ce sont ces agents mal intentionnés qui ont failli à leur mission régalienne. Au lieu que nous impliquons que les vrais coupables, ils mettent dos à dos les Maliens jusqu’à l’affrontement parfois violent. Nous devons comprendre que les vrais bandits sont les officiers de l’État et de ce fait, porter plainte contre eux ». Il continue en déplorant que le vrai problème, c’est lorsque la victime porte plainte au tribunal. Le préfet ou le maire de son bureau appelle le juge qui s’occupe du dossier, et avec quelques hectares de terres offerts, ce dernier classe l’affaire. Et de nous révéler qu’au niveau du Domaine, quand les agents reçoivent une correspondance pour vérification, ils ont toujours des réponses favorables qui disent qu’il n’y a aucun problème sur l’endroit. Et ce n’est pas sans complication. Car l’un pense que l’autre est venu prendre son terrain et l’autre avec son document en bonne et due forme, revendique cette partie de terre, nous explique cet agent.
Cas d’un homme que l’on nommera Togola
Togola est un expatrié qui a fait ses études hors du Mali. À son arrivée au Mali, les membres de la famille du préfet de Kati sont venus lui proposer des lots de terrain. Intéressé par l’offre, il achète alors 43 parcelles d’une valeur allant à des dizaines de millions. Confiant, un jour il décida de se rendre au bureau du domaine et du cadastre de Kati pour contrôler les documents en sa possession. Après vérification, on lui fait savoir que ses dossiers sont des faux. Surpris et réticent, il fustige et assure le personnel que c’est impossible d’autant plus qu’il se soit déplacé lui-même pour faire les décharges dans les mêmes bureaux. Quand les fouilles au niveau des différents bureaux ont été approfondies, des souches portant de fausses signatures d’un ancien préfet décédé ont été découvertes. Que n’eurent été la consternation et la réticente de Togola.
À la foulée, il passe voir le commandant Keita qui l’assure de lui mettre dans ses droits. Mais chose étonnante, le commandant s’est retourné contre l’agent responsable de la révélation des fausses signatures. Selon, lui, ce dernier ne devrait pas en parler. Togola est resté un an en faisant les va-et-vient entre Bamako et Kati pour suivre l’évolution de sa situation qui n’a pas bougé d’un iota. Tantôt on le balance vers le service contentieux, tantôt vers d’autres services.
Les menaces peuvent persuader
Bien que la loi interdise de menacer quiconque, à fortiori un agent de l’État dans l’exercice de ses fonctions, Togola voyant ses chances d’être en possession de son dû s’affaiblir , il a choisi la manière forte pour montrer sa détermination.
C’est ainsi qu’un beau jour il débarque dans le bureau du préfet et profère des menaces à son encontre, ses enfants et tous ses proches qui sont mêlés de près ou de loin dans l’affaire. Plus encore, il lui fait comprendre que même au cas où le tribunal est saisi de l’affaire et que la décision lui soit défavorable, d’une manière ou d’une autre, il récupèrera ses terrains. Dans le cas contraire, il tuera toute la famille du préfet à commencer par ceux qui sont à l’origine de cette magouille.
Le préfet effrayé lui dit qu’un bon musulman ne parle pas ainsi. Mais quand même à partir de ce jour, le préfet a pris les choses en main, car la situation a accéléré. Togola, pour bien faire comprendre qu’il est au sérieux, avait même envoyé des gros bras pour intimider les enfants du préfet. Aujourd’hui, il est aux anges, il a pu récupérer l’intégralité de ses lots de terrain.
De toute évidence, il est temps que l’État s’assume et prenne des décisions concrètes pour responsabiliser ses agents qui doivent accomplir convenablement la mission qui leur est assignée au lieu de créer des conflits entre Maliens, ce qui ne fera qu’attiser la haine. Autant pour les populations d’être informées sur le contenu des textes et lois applicables en matière foncière. Ainsi, ira mieux le Mali.
BATHILY SADIO
LE COMBAT