Créer une relation saine et transparente de partenariat et de confiance entre l’Armée et les médias était l’objet de deux jours d’atelier tenus les 10 et 11 février 2022 à l’Ecole de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye. Organisées par la direction de l’information et des relations publiques (Dirpa), en partenariat avec le Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité (DCAF), ces deux journées ont permis aux patrons des médias d’échanger avec les autorités du ministère de la Défense sur la sensibilité de l’information militaire et sécuritaire pour la préservation de la cohésion sociale et nationale.
Les journées d’échange armée-presse avait pour objectifs spécifiques, entre autres, de créer un cadre de concertation et de confiance mutuelle entre l’armée et les directeurs de publications ; créer un environnement favorable aux actions des Forces armées maliennes, d’en assurer la compréhension auprès du groupe cible en vue d’obtenir leurs soutiens ; de susciter l’intérêt des médias au sujet des Forces de défense et de sécurité (FDS) afin d’augmenter les couvertures médiatiques positives ; d’augmenter l’estime des FAMa auprès des populations ; d’informer les auditoires internes et externes au sujet des missions régaliennes des FDS pour encourager leur soutien indéfectible ; de promouvoir les différents aspects de communication (institutionnelle, stratégique, opérationnelle et de crise) afin de stimuler leur intérêt des autorités militaires et d’augmenter le niveau de connaissance des différents auditoires ; de créer l’adhésion et l’engouement des médias pour la sortie de crise.
Durant les deux jours, les deux parties ont échangé sur des thèmes comme la communication institutionnelle des FAMa avec “le traitement de l’information sur des questions de défense et de sécurité”, “média et gouvernance du secteur de la sécurité” ; “historique des relations entre le peuple malien et son armée et entre les médias et l’armée, de l’indépendance à nos jours”, “quelles attentes des médias vis-à-vis des Famas et vis-versa” ; “comment améliorer la communication avec la population”.
Le but des journées d’échange est d’aider les FAMa dans “leur guerre d’information et de communication à outrance” à laquelle elles sont confrontées au-delà de la guerre non conventionnelle. “La recrudescence des agressions et attaques terroristes contre les Forces armées, soutenues par des campagnes de désinformation et d’intox visant à faire peur aux populations et à saper le moral des troupes deviennent virales, étant entendu que toutes les questions de défense et de sécurité suscitent, de nos jours, un intérêt particulier auprès des médias qui sont les relais avec les différentes opinions publiques. Comment contrer ces attaques à répétition contre les Forces armées maliennes ? Comment occuper sa place et marquer sa présence dans ce foisonnement d’infos, d’intox et de désinformations ? Comment transformer toutes les actions de l’armée malienne en victoires totales et éclatantes ? Voilà autant de questionnements qui trouveront leurs réponses dans une stratégie de communication proactive, dynamique mais surtout permanente et de proximité. C’est dans cette perspective que la direction de l’Information et des relations publiques (Dirpa) voudrait, en collaboration avec la communication du ministère de la Défense et des Anciens combattants et avec le soutien du Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité (DCAF), s’inscrire dans une dynamique de rapprochement entre l’institution militaire et les médias.
Cette opportunité médiatique permettra de susciter l’intérêt des hommes de médias afin de favoriser une couverture médiatique positive et aussi augmenter l’estime de l’opinion publique nationale et internationale pour les Forces de défense et de sécurité du Mali. La participation et les interactions des autorités militaires avec les représentants des médias vont avoir une grande influence sur le ton qu’auront les couvertures médiatiques. La perception des médias par rapport aux FSD est en général positive”, a déclaré le directeur de la Dirpa, le colonel Souleymane Dembélé à l’ouverture des journées.
L’armée et la presse : main dans la main
Dans sa communication sur le traitement de l’information sur des questions de défense et de sécurité, cas du Mali, Dr. Adama Diabaté (géopoliticien) a fait savoir que les médias et les journalistes sont devenus des acteurs de la guerre, surtout de la guerre médiatique qui fait partie de la guerre moderne. En période de guerre, a-t-il dit, les journalistes sont des compléments des militaires, pour la diffusion de bonnes informations.
“Le Mali mène une guerre par procuration pour les Occidentaux qui viennent piller les ressources du pays. Et les Maliens doivent faire cette guerre pour pouvoir vivre. Et les journalistes doivent faire la guerre de l’information en démystifiant l’ennemi avec responsabilité. Les journalistes doivent savoir édifier les populations dans un flot d’informations qui doivent être contextualisées avant diffusion”, a-t-il exhorté. Il a été reproché à la Dirpa sa lenteur à informer. Et son directeur de répondre que l’information militaire est contrôlée. Et l’armée n’est pas à 100 % disponible pour informer à temps.
Sur l’historique des relations armée-peuple, Gaoussou Drabo de la Haute autorité de la communication (Hac) a souligné qu’avec la crise, l’armée doit changer son approche avec les médias en donnant les faits à temps, en évitant les détails mais en construisant des argumentaires. “Les militaires, tout comme les journalistes, doivent donner l’information, l’expliquer (pour éviter la désinformation) et persuader les citoyens. Cette méthode porte fruit”, a-t-il fait valoir.
Sur le challenge de la communication de l’armée, il a noté un changement, même si les FDS sont confrontées à un challenge comme les sondages d’opinion sur des situations importantes. Il a proposé d’aider à la réouverture des radios fermées à cause de la crise.
Sur le partenariat de la presse avec les Forces armées, il a proposé, entre autres, la spécialisation des journalistes en matière de défense et de sécurité ; la mise en place de la charte de bonne conduite dans les rédactions pour aider les journalistes à mieux travailler.
Sur sa vision d’une relation saine et transparente entre l’armée et les médias, l’établissement d’un cadre normatif de travail entre les deux entités, les attentes des médias pour les FAMa, Bandiougou Danté (le président de la Maison de la presse) a proposé, entre autres, la sécurisation des installations des médias, surtout à l’intérieur du pays dans les zones de conflit pour donner la confiance aux uns et aux autres ; l’anticipation dans la communication et l’accès à l’information à temps des Forces armées pour éviter les rumeurs ; la formation des hommes de médias pour qu’ils partagent les réalités des militaires ; la professionnalisation et la spécialisation des hommes de médias dans l’information, la communication et aux questions militaires.
Concernant l’amélioration des relations de l’armée avec les hommes de médias, le colonel-major à la retraite Diarran Koné a déclaré que les difficultés dans les relations entre l’armée et les hommes de médias résident dans l’ignorance, l’incapacité et la méchanceté. A ses dires, la société malienne doit s’organiser face à l’adversité et dans la crise afin de définir le rôle de chaque composante.
Sur la problématique journalistique en temps de guerre, il a dit que le rôle du journaliste est de protéger les Forces armées pour leur permettre de combattre l’ennemi. Pour cela, la liberté de mouvement et de production doit être sécurisée.
Selon lui, les acteurs de l’amélioration des relations armée-médias sont, entre autres, les populations car les informations sont d’abord destinées à ces populations dont les militaires font partie, les militaires, les politiques, etc.
Parlant des difficultés entre Forces armées et médias, il a affirmé que les militaires souffrent de l’incompréhension vis-à-vis des hommes de médias qui les affaiblissent avec de fausses informations et de l’intox. “Les militaires attendent des hommes de médias qu’ils recoupent les informations avant de les diffuser.
D’autres attentes des militaires venant des médias sont, entre autres, l’animation dans les journaux de rubriques permanentes destinées aux Forces armés ; l’accompagnement et l’engagement citoyen de la presse auprès des militaires. Pour cela, la presse doit bénéficier des badges et des dossiers de presse. Il n’y a pas d’armée sans population. L’armée et la population doivent aller ensemble”, a-t-il admis.
Pour Boubacar Théra de DCAF, la sécurité va au-delà de la sécurité humaine. La réforme de la sécurité et le contrôle démocratique de la sécurité font partie intégrante de la sécurité. Comme rôle des médias dans l’amélioration de la gouvernance du secteur de la sécurité, il a cité le rôle d’information des citoyens par les médias, le rôle de surveillance démocratique en faisant la lumière sur les abus et cas de mauvaise gestion des institutions du secteur de la sécurité. Il a proposé de réinventer la Dirpa et de mieux l’organiser et réformer pour que les médias et les militaires puissent se retrouver pour travailler la main dans la main.
L’inspecteur général adjoint des armées, le général de brigade Bréhima Diabaté et les chefs d’Etat-major de l’Armée de l’air (le général de brigade Alou Boï Diarra), de l’Armée de terre (le général de bridage Félix Diallo), de la Garde nationale (le général de brigade Elysée Jean Dao) et le général de brigade Moussa Toumani Koné (directeur de la sécurité militaire) ont communiqué respectivement sur “l’Inspection générale des armées et services : quelles missions au sein des Famas ?” ; “L’Armée de terre : la vision stratégique” ; “Quelle vision pour l’Armée de l’air de demain ?” ; “La Garde nationale : organisation, missions et perspectives d’avenir” ; “La lutte contre le terrorisme dans un contexte d’insécurité régionale : cas du Mali”.
A la cérémonie de clôture, Alexis Ndayizeye (DCAF) s’est réjoui du déroulement de l’atelier qui, à ses dires, va tisser un partenariat entre l’armée et les médias.
Siaka Doumbia
Source: Aujourd’hui-Mali