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Conférence à Paris sur la lutte contre le financement du groupe EI et d’Al-Qaïda

Ce mercredi matin 25 avril s’ouvre à Paris « No Money For Terror », pas d’argent pour le terrorisme. La Conférence internationale de lutte contre le financement du groupe EI et d’al-Qaïda a été voulue par le président français Emmanuel Macron qui a réuni pour l’occasion 70 Etats et une vingtaine d’organisations internationales – y compris bien sûr le FMI et la Banque mondiale. L’ONU, le G7, le G20 seront aussi représentés. Un format inédit donc, et deux jours de conférence pour s’attaquer plus efficacement au financement du groupe EI et d’al-Qaïda, qui disposent encore aujourd’hui de sommes d’argent considérables.

« Ne nous reposons pas sur les pertes de territoire subies par l’organisation Etat islamique », c’est le message que veut envoyer le président français Emmanuel Macron avec cette conférence : l’organisation EI dispose toujours d’un véritable trésor de guerre, c’est à cet argent qu’il faut s’attaquer si l’on veut s’en débarrasser durablement – même chose pour al-Qaïda. Et la réponse doit être internationale. De fait, les cinq continents sont représentés à ce rendez-vous, tous les pays arabes sont là – sauf la Syrie qui n’a pas été invitée.

Pas de chef d’Etat par contre, le rendez-vous se veut ministériel, avec les « praticiens » de cette lutte contre le terrorisme et son financement : ministres de l’Intérieur, de la Justice, des Finances, de l’Economie. Quelque 450 experts venus du monde entier seront également présents, la première journée leur sera d’ailleurs consacrée.

Au menu, les flux financiers des groupes terroristes qui fonctionnent sur l’économie de l’argent liquide, mais utilisent aussi les techniques les plus anonymes et sophistiquées de transferts de fonds : cartes prépayées, portefeuilles électroniques, financements participatifs. L’Elysée aimerait aller plus loin vers la levée de l’anonymat des transactions financières, et plus largement « adapter le combat ». Car les groupes terroristes, très pragmatiques, s’adaptent eux au pays dans lesquels ils s’implantent. D’où la nécessité d’une réflexion globale, mais aussi d’agir au cas par cas, pays par pays, région par région.

Boko Haram, un financement « par le bas »

Plusieurs pays africains sont associés à cette conférence. Que ce soit en Libye, au Mali, au Nigeria ou encore en Algérie, les stratégies terroristes pour se financer ne sont pas les mêmes mais le constat existe : les combattants sont bien équipés, parfois autant que les armées locales qui leur font face. Ces capacités militaires sont une preuve de la circulation de l’argent.

Au Sahel, les rançons payées par les Etats occidentaux pour libérer leurs otages ont jusqu’ici constitué une manne importante, source de convoitise et de rivalités locales. Les combattants bénéficient aussi de financements en nature. Les batailles livrées dans le désert permettent régulièrement aux terroristes de repartir avec des véhicules et de l’armement.

 

Au Niger, le 4 octobre dernier, les hommes du groupe d’Abou Walid Al Sahraoui ont ainsi saisi du matériel américain après une embuscade meurtrière. Plus au sud au Nigeria, Boko Haram se finance aussi essentiellement « par le bas », comme disent les experts : vol de bétail, racket, taxes prélevées sur des barrages routiers. La secte islamiste privilégie les échanges en argent liquide, pour éviter toute traçabilité.

Les transactions bancaires dans le viseur des organisations occidentales restent marginales pour ces groupes terroristes qui se servent aussi souvent sur les trafics de drogue, de migrants et de pétrole de contrebande.

Ivoire et charbon, le trafic lucratif des shebabs

En Somalie, la principale source d’argent des shebabs repose sur le trafic, notamment de charbon. Selon l’ONU, le groupe récupérait entre 122 et 162 millions d’euros par an, grâce à son exportation illégale. Le combustible partirait des ports du sud de la Somalie sur de petits bateaux en direction des Emirats arabes unis surtout.

Malgré un embargo onusien, les terroristes somaliens feraient sortir la marchandise en soudoyant les militaires kényans déployés dans la zone, des faits démentis par Nairobi.

Les shebabs prélèvent aussi des taxes sur le commerce de sucre, la production agricole et le bétail, selon l’ONU. Le sucre rapporterait par exemple jusqu’à 16 millions d’euros par an.

Sur les routes somaliennes, les barrages routiers tenus par les islamistes sont nombreux. Chaque transporteur doit s’acquitter d’une taxe, y compris ceux qui convoient de l’aide humanitaire.

Autre trafic : l’ivoire. Selon l’ONG Elephant Action League, les shebabs ne tuent pas les pachydermes, mais certains trafiquants au Kenya préfèrent passer par les islamistes pour minimiser les risques.

Le pillage sur le terrain lors d’attaque contre des bases militaires ou des entrepôts humanitaires est également lucratif. Enfin, le groupe reçoit de l’argent envoyé par ses sympathisants à travers le monde.

Cette manne permet aux shebabs de payer notamment leurs combattants qui seraient plus de 5 000, selon les experts. Or, chacun recevrait 100 à 500 dollars, ce qui signifie au minimum 500 000 dollars à trouver chaque mois.

■ En Irak, 250 millions de dollars d’avoirs ont été gelés

L’Irak, appuyé par les puissances occidentales, traque l’argent de l’EI : 250 millions de dollars d’avoirs ont été gelés. Dans ce pays l’organisation jihadiste a créé un vaste réseau de sociétés-écrans.

« En juin 2016 Daech, change de stratégie. Le groupe passe du califat qui contrôle des territoires à une organisation de l’ombre, analyse le chercheur irakien Hicham al-Hachemi, expert des mouvements jihadistes, contacté à Bagdad par RFI.  En Irak, l’organisation terroriste lance  alors des investissements dans cinq secteurs : la pisciculture, les concessions automobiles, les bureaux de change, le commerce de céréales et la drogue. Selon la doctrine de Daech, il est permis de vendre de la drogue pour empoisonner l’ennemi. Pour ses sociétés, Daech a utilisé des intermédiaires qui n’étaient fichés nulle part. Il y a même des chiites dans le lot. Personne n’était au courant que ces entreprises appartenaient en réalité à Daech. Avec l’aide du Trésor américain, du Trésor britannique et d’importants services de renseignements européens, les autorités irakiennes ont pu remonter le fil et geler plus de 250 millions de dollars, qui étaient investis à Bagdad et dans plusieurs autres provinces du sud de l’Irak. »

RFI

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