Il est temps de reconnaître que la plus part des dirigeants et responsables maliens sont très forts dans le contournement de la réalité. Quand il s’agit d’amadouer les gens, c’est-à-dire, leur adresser de belles paroles pour plaire à tout le monde, nos dirigeants sont forts dans ça « dè »! Ces dirigeants se sont spécialisés dans la fertilisation du « Mousalaha » qui stérilise le développement du Mali.
Mohamed Sokona, président Commission dialogue et réconciliation
Savoir cacher la réalité des choses et faire voir le contraire aux gens pour avoir leur faveur, nos dirigeants politiques et administratifs sont aussi très à l’aise dans de tel exercice simulateur.
Le jour où, dans le domaine du jeu de cache-cache, il y aura un championnat mondial de simulation, de sournoiserie et d’hypocrisie, le Mali, à travers ses dirigeants, sera détenteur des trophées pendant de longues années.
La preuve, depuis plus de 20 ans, nos dirigeants successifs sont parvenus à dissimuler, les diverses atrocités socioéconomiques dont souffrent de nombreux maliens, sous les masques d’une démocratie trompeuse et ruineuse. Ainsi, ils se sont attelés à faire croire au monde entier que le Mali est un exemple de démocratie et de bonne gouvernance en Afrique. Les fondateurs et animateurs du journal Option ont toujours été par leurs écrits et propos parmi les pourfendeurs de l’autocratie, l’injustice et l’impunité de ces dirigeants maliens trop malins. C’est le coup d’État révélateur du 22 mars 2012 contre ATT qui a prouvé que les dénonciateurs d’abus de pouvoirs ne sont ni des jaloux ni des fous comme le Pouvoir et ses prébendiers les qualifiaient.
Dès après ce renversement du régime d’ATT, les putschistes, des dirigeants de partis politiques et de nombreux acteurs sociaux des associations et mouvements démocratiques ont réclamé avec insistance la tenue d’une concertation nationale en vain. Car, les anciens tenants du pouvoir ATT, devenus des dirigeants transitoires du pays, sont parvenus à bloquer l’idée d’une telle conférence nationale qui devrait aboutir à l’éclosion d’un espace de justice sociale légitime et légale pour le démarrage d’un Mali nouveau. Cette concertation nationale a été volontairement jetée dans la poubelle des oubliettes.
Dans la mesure où il est toujours très difficile de se débarrasser des vieilles mauvaises habitudes comme la perversité et l’impunité, les dirigeants ont initié un exercice compensatoire en ignorant les termes vérité et justice dans leur nouvelle trouvaille qu’est cette Commission Dialogue et Réconciliation. Celle-ci remplace maintenant le Conseil national de la transition dont la création avait été annoncée en grande pompe par le très cher clément président porteur d’écharpe dans son message à la nation. Comment peut-on vouloir parvenir à une Réconciliation consistante par l’organisation d’un Dialogue complaisant dépourvu de toute vérité et justice conciliantes?
Il n’est pas question ici de mettre en doute les valeurs intrinsèques des trois responsables, nommés par décret présidentiel annoncé le samedi 30 mars dernier auxquels s’ajouteront une trentaine d’autres personnes pour compléter la composition de cette Commission.
À la présidence, Monsieur Mohamed Salia Sokona, qui est né en Guinée le 19 août 1947 a exercé les fonctions de ministre de la Défense, d’ambassadeur du Mali au Burkina Faso, au Niger, en France, au Vatican et en Espagne. Avec en poche un diplôme de l’ÉNA ( École Normale d’Administration), monsieur Sokona a fait la supervision des opérations concernant les déplacements des populations maliennes dans le sud de l’Algérie, en Mauritanie et au Burkina Faso. Selon ses connaissances, il est un homme compétent qu’on peut considérer comme ressortissant du sud du Mali.
Quand à la 1ere vice-présidence, elle est occupée par madame Traoré Oumou Touré, une femme bien connue dans les milieux des associations et mouvements démocratiques de la société civile malienne. Femme engagée, qu’on peut considérer comme féministe, Oumou qui est née en 1959 à Niafunké, s’est, depuis belles lurettes, impliquée remarquablement dans toutes les luttes d’émancipation des femmes maliennes. Cette constance dans la défense des droits de la femme lui a valu la présidence de la CAFO (Coordination des associations et ONG Féminines du Mali) fondée depuis 22 ans. Elle fut aussi la première à diriger la plate-forme nationale de la société civile. Humaniste convaincue, Oumou CAFO a une soif de «Justice pour tous» qui a favorisé son élection comme 7eme vice-présidente de la CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante).
Le troisième responsable, en sa qualité de 2eme vice-président, est monsieur Mety Mohamed Ag Rhissa. Il est un touareg né en 1956 à Tellabit proche de l’historique ville d’Aguel-Hoc, où une centaine de militaires maliens a été égorgée par des rebelles en janvier 2012 dans la région de Kidal. Enseignant de profession, Mety Mohamed Ag Rhissa a aussi reçu la formation de douanier. Ces deux occupations lui ont permis de travailler dans chacune des huit régions du Mali. À noter surtout que monsieur Ag Rhissa est l’ancien chef du MPA (Mouvement Populaire de l’Azawad, par lequel il a participé à l’élaboration du Pacte national de 1991. Donc, Mety Mohamed Ag Rhuissa pourra jouer un important rôle dans le rapprochement les rebelles de Kidal et les autorités du pays.
Ainsi la somme des expériences de travail socio-administratif de ces trois responsables de ladite Commission ne devrait être que rentable pour le Mali. Mais, c’est un trio de fonceurs pour un boulot enfonceur dans les profondeurs d’une simulation de réconciliation.
Quelque soit la force de leur détermination et la fertilité de leur imagination, ce trio ne pourra faire la réalisation de cette réconciliation sans passer par l’application judicieuse de la vérité et de la justice dans le processus de dialogue.
Quand le dialogue manque de sincérité et de vérité, il devient un monologue. Alors qu’un monologue, dominant lors des échanges d’idées, transforme les discussions en dialogue de sourds dans le marché de dupes. Dupés, les maliens l’ont suffisamment été pendant ces 20 dernières années dans le grand marché de la démocratie cagoulée et musclée à la malienne. Vraiment, ça suffit maintenant !
Lacine Diawara, Option.