À Paris, mardi, la communauté internationale doit se « remobiliser » sur le climat, estime le Malien Seyni Nafo, chef du groupe Afrique aux négociations de l’ONU, soulignant que pour le continent, c’est une « question de développement ». Les fonds publics internationaux doivent, plaide-t-il, financer en priorité les mesures permettant aux pays de résister aux chocs (digues, systèmes météo…), pas toujours rentables mais vitales.
Catherine Hours : Qu’attendez-vous du sommet climat à Paris ?
Seyni Nafo : Le premier enjeu est le maintien de la dynamique politique. 2015 et 2016 ont été extraordinaires : il y a eu l’accord de Paris, puis son entrée en vigueur. En 2017, l’administration américaine a pris la décision de quitter l’accord. Il est important que la communauté internationale se remobilise. Il faudra voir le degré de représentation de la centaine de pays invités, que le message soit clair que la lutte contre le dérèglement climatique est toujours une priorité. Ensuite, la finance est un sujet primordial. Nous n’en sommes plus aux négociations mais à la mise en œuvre, ce qu’on ne peut faire sans carburant.
Quelles sont les demandes africaines de ce point de vue ?
L’Afrique a besoin que les fonds publics aillent en priorité aux mesures d’adaptation aux impacts du réchauffement. Car les autres mesures (celles destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre, dans l’énergie, les transports, l’industrie), le secteur privé et le marché vont s’en charger. Mais l’adaptation, ce sont généralement des secteurs à faible potentiel de rendement financier. Or l’idéologie actuelle des pays développés, c’est que les ressources publiques sont rares, il faut les utiliser prioritairement pour créer un effet levier sur les ressources privées. Et cela concerne peu l’adaptation. On espère qu’à Paris, il y aura au moins une confirmation de la volonté des pays développés, pour plus d’adaptation dans les pays les plus vulnérables. Pour nous il y a urgence, pour ne pas anéantir les gains de croissance des dix dernières années. Le climat est une question de développement pour l’Afrique.
Vous êtes conseiller spécial climat auprès du président malien. Qu’en est-il de votre pays ?
Il nous faut développer les énergies renouvelables. Le Mali ne produit pas d’hydrocarbures, le prix de l’électricité y est élevé et nécessite peut-être 100 millions de dollars de subventions annuelles. Pour nous, les énergies propres, ce ne sont pas simplement pour réduire les émissions mais bien pour se développer. Une autre priorité est l’agriculture. Le Mali est enclavé au cœur du Sahel. Le climat renforce le processus de désertification. Il faut investir pour l’irrigation et des services d’information météorologique permettant de planifier la gestion de la ressource en eau. Les attentes sont fortes, mais le chemin est long, notamment du fait des règles de procédure d’accès aux financements climat. Parfois il faut 18 mois, 2 ans pour voir aboutir un projet. On travaille avec le Fonds vert à des accès simplifiés, il faut des procédures plus diligentes au niveau des bailleurs internationaux. On est tous conscients que c’est de l’argent public et qu’il faut rendre des comptes, mais il faut trouver un juste milieu.