Il est à côté. Pas loin, au Sénégal, où il dirige depuis mars 2016 la Bank of Africa. Lui, c’est Mamadou Igor Diarra, 50 ans, né à Kryvy Rih en Ukraine, d’une mère ukrainienne et d’un papa malien. Son amour du pays est né lorsqu’il a mis les pieds pour la première fois au lycée Askia Mohamed de Bamako. Après de grandes études sanctionnées par un diplôme d’ingénieur commercial en Belgique, il est rentré et s’est attelé à la lourde tâche de fonder et de renforcer des banques maliennes, comme la Banque de développement du Mali (BDM SA), une institution dans ce pays, puis et surtout la Banque internationale pour le Mali qu’il va réussir à privatiser grâce à une prise de participation de 51 % du capital par le groupe marocain Attijariwafa Bank, après un détour par la politique de 2008 à 2010 sous la présidence Amadou Toumani Touré, au poste de ministre de l’Énergie, des Mines et de l’Eau, et sous IBK, de 2015 à 2016. Entre-temps, ayant tissé des liens très importants avec le groupe marocain BMCE d’Othman Benjelloun, il a été nommé directeur général de la BOA au Mali. Poursuivant sa carrière de banquier, le voilà maintenant au pays de la Téranga où il dirige BOA Sénégal. À l’occasion d’un passage éclair à Paris, il s’est confié au Point Afrique.
Le Point Afrique : désormais basé au Sénégal, à la tête de la BOA, quelles observations faites-vous des économies ouest-africaines ?
Mamadou Igor Diarra : les économies de la région créent de la richesse et se portent relativement bien, si on exclut le Nigeria et son problème de dépendance aux cours du pétrole. Mais lorsque je dis que celles-ci se portent bien, c’est toujours à l’intérieur de leurs propres limites. Car les freins à plus de croissance restent toujours les mêmes : pas assez de régionalisation et des cadres réglementaires insuffisamment incitateurs. Trop de freins et de contraintes empêchent une fluidité pourtant fondamentale pour des économies plus réactives. Le carcan est trop serré pour libérer des énergies qui sont pourtant bien réelles, qui ne demandent qu’à se révéler. En résumé que l’on pourrait, que l’on devrait beaucoup mieux faire, mais que l’on ne s’en sort pas trop mal non plus, compte tenu de la configuration actuelle.
Comment trouvez-vous aujourd’hui l’équilibre des banques africaines ? Est-ce qu’il n’y a pas un problème du fait qu’elles sont souvent à capitaux étrangers ?
C’est vrai que la situation s’est radicalement modifiée en seulement quelques années. Comme chacun le sait, le repositionnement stratégique des banques françaises qui dominaient alors le marché a correspondu avec une politique volontariste du royaume du Maroc en direction de nos pays. Le résultat est là aujourd’hui, le marché bancaire de l’UEMOA est dominé par les groupes bancaires marocains.
Est-ce un problème ?
En termes de modernisation du secteur, de progrès dans la bancarisation, de baisse des taux et d’amélioration du service, c’est positif et cela profite au plus grand nombre. En termes plus politiques, je pense que c’est une question qui ne sera jamais tranchée : où placer le curseur entre le marché et la souveraineté ? Bien sûr, on peut regretter que les groupes bancaires d’Afrique de l’Ouest ne soient pas plus forts, mais c’est surtout la loi du marché qui est la plus forte. Et puis n’oublions pas que si les capitaux ne sont pas toujours majoritairement d’origine subsaharienne, la majorité des équipes, elles, le sont. Il en est de même des dirigeants, dont je fais partie depuis plusieurs années.
Justement où en est la BOA en Afrique ?
Le groupe BOA se porte bien et ses filiales sont très dynamiques dans les 17 pays où nous sommes représentés. La banque amorce une nouvelle croissance. Elle a su renforcer ses fondamentaux et sa profitabilité. Elle contribue de façon significative à l’essor de sa maison mère BMCE Bank of Africa, tout en contribuant à l’économie et la croissance de plusieurs pays en Afrique.