Les conducteurs de ces engins sont en passe de ravir aux chauffeurs de Sotrama le titre peu enviable des plus dangereux de la capitale. Ils battent tous les records dans les accidents. D’où leur réputation de danger public
Saramani, taxi damu, ou encore sabouyouma et flamme… les mototaxis ont des appellations pittoresques. Ces engins à deux roues ont, depuis environ 3 ans, rejoint la galaxie des transports en commun de Bamako. à l’engouement qu’a suscité leur arrivée, succèdent inquiétude et désarroi. Depuis quelque temps, ces mototaxis sont impliquées dans de nombreux accidents de la route.
Les témoignages sur les cas d’accidents impliquant ces engins à deux roues sont tout aussi éloquents. Mme Diarra Rokia Bakayogo est institutrice dans une école à Niamana. Elle se rappelle avoir, un jour, compté cinq accidents engageant des mototaxis.
«Le pied d’une de mes voisines a été fracturé pendant qu’un mototaxi la transportait. C’est un moyen de transport confortable et rapide, mais avec la multiplication des cas d’accidents, je m’en méfie de plus en plus», confie cette mère de jumeaux. Pour elle, les conducteurs de mototaxi opérant sur l’axe Niamana sont du genre casse-cou. Car, argumente-t-elle, ils prennent le risque de faire le support à trois. «J’ai une fois vu deux femmes portant chacune un enfant au dos sur une mototaxi », s’étonne la pédagogue.
Son amertume est partagée par Amadou Dramé, conducteur indépendant. Il révèle que deux de ses collègues sont décédés le 21 mai dernier, suite à des accidents de la circulation. Ce jeune homme déplore le nombre croissant d’accidents provoqués par les mototaxis. Ce qui amène certains à craindre, selon lui, pour l’avenir même de ce travail.
Ces témoignages corroborent les statistiques de la protection civile sur le taux d’accidents impliquant ces nouveaux transports en commun. L’année dernière, révèlent les sapeurs-pompiers, les mototaxis à 2 roues étaient impliquées dans 78% des cas de décès provoqués par les accidents impliquant les engins à 2 roues, soit 359 sur 460 cas de décès. Selon le lieutenant-colonel sapeur-pompier, Bakary Dao, l’excès de vitesse et la méconnaissance du Code de la route par les conducteurs de mototaxis sont à l’origine de ces malheurs. Ces chocs, précise l’officier supérieur, surviennent souvent au niveau des carrefours où les règles sont exigeantes.
SUPPORT À TROIS- À cet égard, il invite les autorités municipales à l’application stricte des décisions prises comme la détention du permis de conduire, le port du casque, l’immatriculation des engins. Bakary Dao demande également d’organiser des formations sérieuses sur le Code de la route en faveur des conducteurs d’engins à 2 roues, tout en exigeant le respect du Code de la route.
Cela est nécessaire au regard des incivilités dont font montre les conducteurs dans l’exercice de leur profession. Ils se donnent la liberté du support à trois, en plus des bagages. Ce sont des adeptes de la vitesse excessive et l’appel téléphonique au guidon, etc. Fin mai, un conducteur de mototaxi qui téléphonait en conduisant a télescopé un motocycliste. Sa cliente a eu une fracture à la jambe, lui-même s’est gravement blessé.
à proximité d’un hôpital de la place, un conducteur indépendant est assis sous un parasol. Il se dit membre du syndicat des mototaxis à deux roues «Demeso». Sur un banc, est visible un morceau de carton sur lequel sont inscrits des noms. «Cette liste nous permet de mettre les clients à la disposition des chauffeurs, à tour de rôle», explique le syndicaliste de 39 ans, qui a requis l’anonymat.
DES STIMULANTS POUR CONDUIRE- Selon lui, l’intégration du secteur par toutes sortes de personnes avides d’argent est l’un des facteurs pouvant expliquer la hausse du nombre d’accidents. Selon lui, certains collègues exercent d’autres activités la nuit. La journée, ils prennent des stimulants pour pouvoir conduire, révèle-t-il.
Le trentenaire précise que les conducteurs indépendants étaient responsables de la majorité des cas d’accidents impliquant les mototaxis. Mais certains collègues employés par les agences provoquent de plus en plus des accidents de la circulation, nuance le syndicaliste qui explique cela par l’assouplissement dans le mode de recrutement qui prévalait auparavant au niveau des agences. La cause ? Selon lui, la ruée des sans emplois vers ce métier.
La société « Abba Immobilier » a mis en circulation, le 7 avril dernier, 300 mototaxis. Son responsable administratif et contentieux assure que des mesures sont prises à leur niveau pour éviter les accidents. Baba Dembélé explique : «Dès le début des activités, la société a signé un partenariat avec l’auto-école Kanaga pour la formation des conducteurs.
Le recrutement des candidats dépend des résultats d’évaluations faites par cette auto-école». Résultat : l’agence a enregistré un seul cas d’accident jusqu’ici. Il exhorte alors les conducteurs indépendants à réunir les conditions notamment la soumission à un test d’aptitude à conduire la moto, afin de préserver l’avenir du secteur qui, selon lui, est en danger.
Pour la directrice générale de l’Agence nationale de la sécurité routière (Anaser), le mode de transport «Taxi-moto à deux roues» a explosé en 2020 à cause des besoins sans cesse croissants de la mobilité urbaine. En cette période de pluie où la chaussée est glissante, l’Anaser conseille les conducteurs à adapter leur vitesse et leurs distances de sécurité pour freiner sans danger.
Dans les jours à venir, elle prévoit une vaste campagne de communication, de formation et de sensibilisation à l’endroit des conducteurs de mototaxis, annonce Mme Doumbia Diadji Sacko, qui précise que l’accent sera mis sur le port du casque par le conducteur et son passager et la limitation de la vitesse.
Des intentions qui cadrent avec les préoccupations des conducteurs indépendants. Ceux-ci invitent le gouvernement à faciliter l’accès au permis de conduire et à organiser des séances de formation sur le Code de la route à l’intention des conducteurs de mototaxis.
Rappelons que l’arrêté qui règlemente la circulation des mototaxis à 2 roues dans le District de Bamako date du 31 décembre 2020. Cette décision administrative précise que tout conducteur de mototaxi doit être âgé de 18 ans révolus, être équipé d’un rétroviseur au moins. La détention d’un permis de conduire de transport à jour, le respect strict du Code de la route et le port du casque sont, entre autres, conditions exigées pour conduire une mototaxi.
Mohamed D. DIAWARA