La crise anglophone qui agite actuellement le Cameroun tire son origine de l’histoire politique mouvementée de ce pays d’Afrique centrale, ancienne colonie allemande divisée après la Première guerre mondiale entre Français et Britanniques.
– Legs de 14-18
Après la défaite de l’Allemagne en 1918, la Société des Nations (SDN, ancêtre de l’ONU) confie les quatre cinquièmes du Kamerun à la tutelle de la France, le reste – la partie occidentale bordant le Nigeria – à la Grande-Bretagne.
Le 1er janvier 1960, le Cameroun devient indépendant. Un an plus tard, une partie du Cameroun sous tutelle britannique – le Nord majoritairement musulman – se prononce pour son rattachement au Nigeria. L’autre partie – Southern Cameroon – opte pour son rattachement au Cameroun francophone. Les deux entités forment une République fédérale à partir du 1er octobre 1961.
En 1972, un référendum met fin au fédéralisme. Les deux Etats fédérés disparaissent pour faire place à un seul Etat, avec une seule Assemblée nationale.
– Minorité anglophone
Très largement francophone, le Cameroun comprend actuellement dix régions dont deux majoritairement anglophones, le Nord-Ouest (capitale: Bamenda) et le Sud-Ouest (capitale: Buea). Les anglophones représentent environ 20% des 23 millions d’habitants.
Les autorités vantent régulièrement la réalité du bilinguisme, avec l’ouverture d’établissements scolaires bilingues anglais/français. Le pays est à la fois membre de la Francophonie et du Commonwealth.
Néanmoins, beaucoup d’anglophones se considèrent marginalisés voire discriminés par la majorité francophone et dénoncent un partage inéquitable de la richesse nationale.
A la télévision d’État CRTV, certaines éditions du journal télévisé mêlent l’anglais et le français en alternance, mais globalement le français domine dans les programmes de la chaîne.
Les anglophones se plaignent aussi de ne pas voir la couleur de l’argent des ressources exploitées chez eux, à commencer par le pétrole. Située à Limbé (sud-ouest anglophone), la Société nationale de raffinage (Sonara) est toujours dirigée par un francophone.
– ‘Unité’ contestée
Dans les années 90, les revendications anglophones se multiplient en faveur d’un référendum d’indépendance et, en 2001, le 40e anniversaire de l’unification est marqué par des manifestations interdites qui dégénèrent. Plusieurs personnes sont tuées et des leaders séparatistes arrêtés.
Les tensions actuelles ont commencé en novembre 2016 avec les revendications principalement des enseignants déplorant la nomination de francophones dans les régions anglophones, ou de juristes rejetant la suprématie du droit romain au détriment de la Common Law anglosaxonne.
Les leaders de la contestation demandent en majorité un retour au fédéralisme et, pour une minorité, l’indépendance et la proclamation d’un nouvel Etat qu’ils appellent l’Ambazonie.
L’exécutif, emmené par le président Paul Biya (depuis 1982) et son Premier ministre, anglophone, opposent une fin de non-recevoir à ces deux revendications.
– Violences et répression
En janvier 2017, plusieurs leaders anglophones sont arrêtés et accusés d’ »actes de terrorisme ». Les poursuites à leur encontre sont levées par le président Biya fin août.
Le 1er octobre, au moins 17 personnes sont tuées en marge d’une proclamation symbolique d’indépendance par des séparatistes. « Nous ne sommes plus les esclaves du Cameroun », déclare le « président » auto-proclamé d’Ambazonie, Sisiku Ayuk Tabe.
Fin 2017, les attaques contre les forces de sécurité se multiplient, tandis que les séparatistes accusent le gouvernement d’avoir « militarisé » les régions anglophones. Plus de 30.000 personnes ont fui au Nigeria au cours des derniers mois.
Début janvier 2017, Sisiku Ayuk Tabe et une large partie de ses lieutenants sont arrêtés au Nigeria voisin, à Abuja. Le 26 janvier, le Nigeria extrade 47 séparatistes anglophones, parmi lesquels Sisiku Ayuk Tabe, provoquant de nouvelles attaques ciblées contre les représentations de l’Etat camerounais.
– 2018, année présidentielle
A 84 ans, dont 35 au pouvoir, Paul Biya pourrait être candidat à un septième mandat lors de la présidentielle prévue avant la fin de l’année.
Le principal parti d’opposition, le parti anglophone du Social Democratic Front (SDF), a d’ores et déjà annoncé qu’il participerait aux élections, mais on ne sait pas encore si son leader, Ni John Fru Ndi, défiera M. Biya comme par trois fois dans le passé.