Alors même qu’il est contesté par une frange importante de la classe politique, notamment les partis politiques de l’Opposition, le Comité d’experts chargé de la rédaction de l’avant-projet de Loi constitutionnelle s’est déjà fixé un chronogramme et une méthodologie de travail. Le comité dirigé par Makan Moussa SISSOKO, déjà en pleine activité, compte remettre au Premier ministre le produit de son travail le 1er avril prochain, soit dans une cinquantaine de jours. Si cette volonté du Comité d’experts d’être dans le temps est louable, il n’en demeure pas moins qu’elle véhicule un optimisme excessif.
Le énième processus de révision de la Constitution du 25 Février 1992 semble loin d’être un pari gagné d’avance comme veulent le croire les plus hautes autorités du pays qui s’installent dans un ‘’autisme’’ très risqué. Et pour cause ? Bientôt un mois après la prise du décret portant création d’un Comité d’experts pour la réforme constitutionnelle, l’on est toujours au point mort, si l’on veut être en phase avec les instructions du Président de la République au Premier ministre : « tirer les enseignements des échecs des précédentes réformes et mener un processus de réforme ‘’méthodologique, participatif et inclusif’’ ». Déjà, ça tire dans tous les sens : un Comité d’experts contesté qui plane, un Cadre de concertation national (CCN) boudé par une importante partie de la classe politique. Voilà la triste réalité à laquelle l’on fait face, depuis une semaine.
La confusion
Le pire, c’est que malgré les cris de détresse lancés çà et là, les autorités en charge de définir les orientations du processus de la révision de la Constitution ne sont pas en train de prendre toute la mesure de la situation, comme c’était le cas en 2017. C’est dans cette confusion que le Comité d’experts mis en place par le PM, sur instruction du Président de la République, a dévoilé son chronogramme et sa méthodologie de travail. Il s’agit de : « la collecte et le partage d’informations pertinentes sur les révisions constitutionnelles récentes de l’espace UEMOA ; la consultation des institutions de la République (Assemblée nationale, Cours suprême, Cour constitutionnelle, Haute cour de justice, Haut conseil des collectivités et le Conseil économique, social et culturel) ; la consultation du chef de file de l’opposition ; la consultation des partis politiques et la majorité ; la consultation des partis politiques non alignés ». Le comité d’experts procédera, selon son chronogramme, également à la collecte et au partage des informations pertinentes sur l’équilibre entre les pouvoirs en France et dans tout autre pays ; la consultation des mouvements signataires de l’Accord pour la paix, à savoir CMA/Plateforme et autres ; la consultation des syndicats de la magistrature, les greffiers, les professions juridiques libérales, le SYNAC et le SYLMAT ; des rencontres avec les PTF ; des consultations avec les faîtières des collectivités (RM, ACCM, AMM) ; des consultations des centrales syndicales et les organisations professionnelles ; des consultations des organisations faîtières de la société civile…
Après toutes ces étapes, le Comité compte pouvoir rédiger l’avant-projet de loi portant révision de la constitution entre le 15 et le 22 mars, faire sa revue individuelle et collective et procéder à la rédaction du rapport de présentation. Et la remise de l’avant-projet de loi constitutionnelle au Premier ministre est prévue pour le 1er avril 2019, dans l’agenda établi par le Comité d’experts dévoilé à la presse mardi dernier. Le Comité, dans ce contexte veut, à tout prix, être dans le délai fixé par les autorités nationales en raison de différents impératifs : la fin du mandat des députés en juin (qui doivent statuer sur l’avant-projet élaboré), la pression de la communauté internationale qui accompagne le Mali dans cette réforme et les engagements pris dans l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.
Pour rappel, l’ONU envisage d’évaluer le chemin parcouru dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix en juin avant le renouvellement du mandat de la MINUSMA. Cette évaluation est décisive pour la suite de l’accompagnement des Nations-Unies dans le processus de paix au Mali.
Une course de vitesse
Au regard de l’ensemble de ces impératifs, il y a lieu de saluer la démarche du Comité d’expert, dont le président, Makan Moussa SISSOKO, reconnaît que le temps est le seul ‘’ennemi du Mali’’ dans ce processus. Aussi, au regard des levées de boucliers en 2017, il pourrait s’agir d’une course de vitesse et non de fond. Pour cela, le terrain doit être suffisamment nivelé pour éviter tout obstacle qui peut être fatal à la compétition. En promettant ainsi de remettre au PM, dès ce premier avril, l’avant-projet de loi constitutionnelle, le Comité est dans une logique objective, mais qui relève d’un optimisme démesuré. Pourrait-il être dans le délai ? Voilà la grande interrogation. Comme on le dit chez nous : « n’i ko i bè sama fèrèbô, i y e kumaba fô, n’i y’a kè, i ye koba kè, n’i y’a kè ».
En tout cas, les repositionnements actuels de la classe politique n’incitent pas particulièrement à l’optimisme. Déjà, l’URD qui avait annoncé les couleurs lors de la toute première rencontre du Cadre de concertation a clairement défini sa position, dans un document en date du 31 janvier dernier, avant de bouder la rencontre du CCN de ce 7 février 2019. Le principal parti de l’opposition est suivi, dans sa démarche, par plusieurs autres formations satellitaires qui rôdent autour de lui, notamment au sein du FSD.
Un colis encombrant
Le Cadre de concertation national créé par le PM et qualifié de ‘’camisole de force’’ par nombre d’acteurs du processus s’annonçait déjà comme un ‘’colis encombrant’’ pour le Comité d’experts au regard de sa mission. En effet, le CCN, selon son décret de création, a comme mission de ‘’formuler des propositions au Gouvernement sur les questions qui lui sont soumises’’. Il sera consulté sur plusieurs grandes questions, notamment : les orientations à donner au Comité d’Experts chargé de la révision constitutionnelle… Pour un Comité d’experts qui a déjà son chronogramme et sa méthodologie de travail, quelle peut être la place du CCN mis en place par SBM pour ‘’matérialiser la volonté du Gouvernement d’inclure toutes les forces vives de la nation dans le processus de révision constitutionnelle’’ ?
Attendons donc de voir !
PAR SIDI DAO
Info-matin