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Chronique Satirique : des urnes et de l’estomac

Mamadou Diamoutani ceni vote election

La démocratie et les élections sont bien bonnes mais en Afrique, les lois de l’estomac passent avant tout. A preuve…

En démocratie, il faut, paraît-il, une alternance au pouvoir, donc des élections. Mais comme, en Afrique, le chef veut rester chef, l’alternance n’intervient que par miracle. Par conséquent, si vous voulez voir des élections vraiment bidonnées, faites un tour en Afrique noire ! Sur ce continent entré dans la démocratie par les trous de souris, il y a des spécialistes en matière de scrutin à la sauce gombo.

Lansana Conté,  l’ancien président de la Guinée, était un expert du genre. Les mauvaises langues racontent qu’un jour, son ministre de l’Intérieur est venu le voir, la mine sombre comme un ciel pluvieux. « Monsieur le président, lui annonce le ministre, les résultats ne sont pas bons: vous allez perdre la présidentielle! ». Réplique immédiate de Conté : « Pas question! Vous m’aviez prédit la victoire au premier tour; alors, allez vous débrouiller mais dites-vous bien que j’ai gagné ! ». De peur de recevoir dans la figure une volée de babouches présidentielles, le pauvre ministre se rend illico à la télé pour proclamer, sans autre forme de procès, la réélection  de Conté avec un score soviétique. Bien entendu, une forte commande de gaz lacrymogène suit cette proclamation que les opposants, syndicalistes, étudiants et consorts contestent à grand bruit.

Omar Bongo, l’ancien président gabonais, avait lui aussi le sens des élections taillées sur mesure. Ne disait-il pas tout haut que « personne n’organise des élections pour les perdre » ? Le père Mba Abessolé, alors leader de l’opposition, l’apprendra à ses dépens. Après avoir perdu scrutin sur scrutin, il finit par se rallier à la mouvance présidentielle pour ne pas crever de faim. Les conseils de l’estomac sont toujours les meilleurs, n’est-ce pas ? Les biologistes l’ignorent, mais moi, je vous le révèle : c’est l’estomac, et non pas le cerveau, qui dirige le corps humain tout entier. Vous en doutez ? Passez donc trois jours sans manger ni boire : vous verrez si vos bras, vos jambes et votre noble cerveau fonctionnent encore ! En revanche, un fou qui, par définition, n’a plus ni tête ni cerveau, garde la force de gambader et de piailler dans les rues…

C’est parce qu’il connaît le poids de l’estomac que le président nigérien, Mahamadou Issoufou, vient, au lendemain de sa réélection, de proposer à l’opposition un gouvernement d’union nationale. Issoufou avait trouvé un moyen fort commode de rempiler à la tête de l’Etat: jeter en prison son rival, Hama Amadou, juste à la veille de la présidentielle. Du coup, au second tour du scrutin, Issoufou n’avait à affronter que lui-même; il s’est donc auto-battu avec 92% des voix. Et maintenant qu’il a abattu le gibier, il se réserve la douce et tendre chair, offrant les pattes, les boyaux et les cornes aux opposants. Vous croyez qu’ils refuseront le marché, ces braves crieurs professionnels ? Que non !  Voyez-vous, un opposant, en terre africaine, a tellement faim qu’il n’a presque jamais le coeur à refuser le premier plat venu, même s’il contient une bonne dose de potasse. Et s’il lui arrive de refuser la moindre offre du genre, son parti éclate aussitôt, ses compagnons préférant aller manger à sa place. Dans le cas nigérien, les tracas de l’opposant Hama Amadou ne se limitent d’ailleurs pas aux trois repas quotidiens. Il traîne aussi des histoires de bébés volés que le président Issoufou lui a collés sur le dos. Du coup, Hama n’a plus qu’un souhait: retrouver la liberté. Si, par-dessus le marché, il obtient un quelque chose-machin avec « rang de ministre », nul ne le blâmera.

Le président congolais, Dénis Sassou Nguesso, n’a pas, lui, la générosité de son homologue nigérien. Mais il a des méthodes tout aussi efficaces. Le jour du scrutin présidentiel, il a fait couper le téléphone et l’internet dans tout le pays (rien que ça!). Il a également fermé les frontières, qu’elles soient terrestres, aériennes, maritimes ou souterraines. Cérise sur le…bâton, il a déployé dans la rue l’armée, la police, la gendarmerie, la garde, voire les agents des Eaux et Forêts. Il ne lui restait plus qu’à débrancher le réseau d’eau et d’électricité des électeurs pour contraindre les électeurs à choisir le bon bulletin de vote ! Dans ce contexte de terrorisme électoral, Sassou pouvait, sans crainte, proclamer les résultats qu’il voulait; il n’y a pas manqué puisqu’il s’est déclaré réélu, dès le premier tour, avec 60,3% des voix. Savourant sa « victoire » devant le petit écran, le grand chef de plastronner : « On peut dire, à présent, que le peuple congolais a gagné en maturité et en responsabilité et qu’il a pris son destin en main ». Traduction en français congolais: s’il n’avait pas réélu Sassou, le peuple serait resté immature et irresponsable et son indépendance aurait laissé à désirer. En autorisant l’hôte du palais à y rester cinq ans de plus, le peuple sort de son obscurantisme et redevient indépendant. J’avoue que les plus brillants sophistes grecs n’auraient pas désavoué une telle subtilité de pensée et de langage ! Après tout, Sassou sait ce qu’il en coûte de quitter le pouvoir. Lorsque, dans les années 90, il s’y est risqué, les démocrates sincères et patriotes convaincus qui lui ont succédé sont imprudemment allés le tirer de sa retraite à coups de canon. Soutenu par des mercenaires angolais et son gendre gabonais, le général a mis en déroute son adversaire, Pascal Lissouba, qui, depuis cette mésaventure, est retourné à ses chères études d’histoire…

Quant au président burundais, Pierre Nkurunziza, il ne s’est pas encombré de formalités pour arracher un 3ème mandat. La Constitution et les accords de paix d’Arusha qui limitent à deux le nombre des mandats ? Il s’en fiche ! Le correspondant de RFI qui aimait railler les manigances du pouvoir ? Bastonné nuitamment le 2 août 2015 ! Le défenseur des droits de l’homme, Pierre-Claver Mbonimpa, qui pourfendait les élections ?  Blessé par balles, le 3 août 2015, par des inconnus en moto ! Ce qu’on ignorait, c’est que Nkurunziza s’était muni d’une bombe atomique secrète : il avait acheté son principal opposant, Agathon Rwasa. A la grande stupeur des militants qui, la veille, marchaient et criaient à ses côtés, le compère Rwasa a soudain cessé de râler contre le pouvoir et a siégé, le 28 juillet 2015, à la première session de l’Assemblée nationale. Pour quelqu’un qui avait boycotté la présidentielle et refusé d’en reconnaître les résultats, cette volte-face force l’admiration. Il est vrai que quand on a bien mangé comme Rwasa, on est capable de tous les exploits!

En fait de voltes-faces, l’opposant béninois Adrien Houngbédji, président du Parti du Renouveau Démocratique (PRD), en connaît un rayon. A la veille de la présidentielle, il se range derrière le candidat du pouvoir, Lionel Zinzou. Et il avance un argumentaire sorti tout droit de l’estomac: « Nous nous sommes réunis et avons dit: 25 ans d’opposition (c’est déjà trop!)… Allons-nous faire 5 autres, 10 autres années d’opposition ? Non ! Nous allons choisir Lionel Zinsou. Pour une raison simple : nous ne sommes contre personne, mais nous voulons participer à la gestion du pouvoir. Et pour nous, celui qui a les meilleures chances, c’est celui qui est soutenu par le FCBE (parti au pouvoir), la première force politique du pays ». Malheureusement pour Houngbédji, Zinzou est battu à plate couture. Dès qu’il l’apprend, notre ami nomade change de navire. Et de discours : « Maintenant, nous sommes avec le président élu, Patrice Talon. Tout le groupe parlementaire du PRD va se mettre ensemble avec les autres députés pour accompagner les réformes qu’engagera le président Patrice Talon. Ça l’aidera à constituer une majorité parlementaire qu’il n’a pas aujourd’hui ». A ceux qui lui reprochent son « revirement », Houngbédji répond: « A l’étape où nous sommes, tout est à plat. On ne sait pas qui est de l’opposition, qui est de la mouvance…Nous n’avons pas fait de revirement puisque, à notre conseil national du 22 février 2014, nous avons décidé de participer au pouvoir d’Etat, quel que soit le président élu. Nos militants n’ont pas suivi notre consigne de vote qui consistait à voter pour Lionel Zinsou. Mais ils ont voté plutôt pour Patrice Talon. Nous, on doit écouter le signal de ces militants qui demandent fortement qu’on soit avec Talon! ».

A croire que ce génie de Houngbédji se tenait dans tous les isoloirs !

 

Tiékorobani

 

Source: proces-verbal

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