Ce devait être une émission consacrée aux crises internationales, à la guerre en Ukraine, à l’énergie et au climat. Las. Il aura fallu à peine trente minutes d’entretien sur France 2, mercredi 12 octobre, pour qu’Emmanuel Macron se fasse rattraper par la crise des carburants en France. « Ceci n’a rien à voir avec la guerre. Il y a eu des débats salariaux, et ils ont tardé », s’est agacé le chef de l’Etat, en appelant « à la responsabilité » les acteurs privés. « On a toujours tendance à mettre le singe sur l’épaule du gouvernement. On ne peut pas se substituer à tout le monde », a-t-il fustigé, en renvoyant dos à dos la direction de TotalEnergies qui a, dit-il, « enfin » ouvert des négociations, et la CGT, qui doit « permettre au pays de fonctionner ».

Dénonçant « un esprit de facilité » qui consisterait à accuser le pouvoir exécutif, le président de la République juge que « chacun doit être à sa place et prendre toutes ses responsabilités ». Le gouvernement n’aurait donc pas, pense-t-il, mal anticipé les pénuries qui pénalisent depuis plus de dix jours les Français, dans l’impossibilité d’utiliser leurs véhicules. « Non, non et non, c’est trop facile ! (…) Le dialogue social, nous y croyons », a insisté Emmanuel Macron, qui avait misé sur la redistribution volontaire des marges par les groupes pétroliers, plutôt que sur une taxation de leurs bénéfices exceptionnels dus à la guerre en Ukraine. TotalEnergies « doit augmenter les salaires », insistait jeudi le ministre de l’économie Bruno Le Maire, sur RTL, attestant du changement de ton du gouvernement à l’égard de la major.

En ces temps d’incertitudes, le chef de l’Etat appelle les Français « à se serrer les coudes » mais peine à esquisser une solution pour sortir de l’impasse. La crise des carburants a piégé le gouvernement. Après deux semaines de tensions, six des huit raffineries françaises étaient en grève, mercredi soir. Le mouvement s’étend à présent à plusieurs centrales nucléaires et aux transports en commun dans certaines villes. La panique se ressent. Cette crise s’est muée en une gigantesque partie de ball-trap entre ministres, où chacun se renvoie la faute en tentant d’éviter les balles.

Tout commence le 27 septembre. La CGT annonce une grève dans les raffineries TotalEnergies pour obtenir des hausses de salaires. Le lendemain, celle du Havre (Seine-Maritime), la plus importante de France, a débuté sa mise à l’arrêt. Mais la direction du groupe pétrolier se veut rassurante : il n’y aura pas de rupture d’approvisionnement, promet-elle, grâce à des stocks permettant de tenir entre vingt jours et un mois. Le même jour, l’entreprise annonce verser à ses actionnaires 2,6 milliards d’euros en dividendes exceptionnels, sans susciter aucune réaction de l’exécutif.