Une plainte pour « complicité de crimes de guerre » en Ukraine a été déposée contre TotalEnergies, jeudi 13 octobre, auprès du Parquet national antiterroriste, par les associations Razom We Stand et Darwin Climax Coalitions, respectivement ukrainienne et française, selon les informations du Monde confirmées par les plaignants. Les deux ONG accusent le groupe français d’avoir exploité un gisement de gaz ayant servi à fabriquer du kérosène utilisé par des avions russes dans leurs bombardements en Ukraine, notamment sur le théâtre de Marioupol, où l’attaque avait causé la mort d’environ 600 personnes.
Dans la plainte consultée par Le Monde, Razom We Stand et Darwin Climax Coalitions affirment que TotalEnergies a « contribué à fournir au gouvernement russe les moyens nécessaires à la commission des crimes de guerre ». « Nous, Ukrainiens, sommes bombardés quotidiennement par l’armée russe, déclare Svitlana Romanko, directrice de Razom We Stand. Avec cette plainte, nous espérons bien démontrer le lien qui existe entre TotalEnergies et cette guerre. »
Contacté par Le Monde, le groupe français s’insurge contre des accusations « outrancières et diffamatoires ». « Etre “complice de crimes de guerre”, c’est fournir une aide directe à un Etat ou à une organisation criminelle auteurs des crimes, relève le groupe. Ces accusations contre notre compagnie, qui conduit ses opérations dans le strict respect de la politique de l’Union européenne et des mesures de sanctions européennes applicables, sont particulièrement graves et infondées. »
« Risques juridiques »
Cette plainte fait suite aux révélations du Monde et de l’ONG Global Witness publiées en août, selon lesquelles TotalEnergies était actionnaire à hauteur de 49 % du gisement de gaz de Termokarstovoïe, en Sibérie. Le gisement produit un condensat de gaz stabilisé dans une usine de transformation qui ravitaille elle-même une raffinerie… Et c’est cette dernière qui vend du kérosène à l’armée de l’air russe. Elle approvisionne en particulier deux bases militaires, à Morozovskaïa et à Malchevo, chacune abritant un escadron d’avions de combat multirôle. Ces unités sont accusées par les ONG Amnesty International et Human Rights Watch d’avoir frappé la population civile ukrainienne.
« Nous avons signalé à TotalEnergies, dès mars 2022, les risques juridiques qui pesaient sur elle si elle décidait de poursuivre ses activités, et notamment de complicité des crimes perpétrés par le régime russe, note Clara Gonzales, juriste à Greenpeace France. Nous soutenons l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur les faits, en particulier concernant la fourniture de carburants à l’armée de l’air russe. »