C’est un discours qui fera date à Bruxelles. Et les apprentis diplomates européens, que l’Union européenne (UE) entend désormais former dans sa propre académie en cours de déploiement, pourront désormais l’étudier. Lundi 10 octobre, Josep Borrell, le haut représentant de l’UE, s’est adressé aux quelque 135 ambassadeurs de l’UE pour l’ouverture de leur conférence annuelle, qui se termine vendredi 14 octobre. Et il leur a donné à la fois une leçon de géopolitique, de lucidité face aux faiblesses de l’UE, mais également une séance de motivation, avec quelques piques parfois assez peu diplomatiques.

« Ce n’est pas un moment pour vous envoyer des fleurs, pour vous dire que vous êtes beaux et que vous travaillez bien (…). C’est un moment où nous devons parler ensemble de ce qui n’a pas “assez” fonctionné », a attaqué le diplomate catalan, à la tête du service européen d’action extérieure de l’UE depuis 2019.

Et une chose semble claire : le corps diplomatique européen n’est aujourd’hui pas assez réactif. « Je devrais être l’homme le mieux informé de la planète, [mais] quelquefois j’en sais plus sur ce qui arrive en lisant la presse qu’en parcourant vos rapports. » Et d’enfoncer le clou : « Je suis le “ministre des affaires étrangères de l’Europe”. Agissez comme si vous travailliez pour une ambassade nationale : envoyez un télégramme, un câble, un mail – rapidement, rapidement, s’il vous plaît. Réagissez. »

Sur le fond, le haut représentant de l’Union européenne a donné une master class de géopolitique des défis auxquels l’Europe fait face. Il a déroulé son analyse d’un continent pris dans une « radicale incertitude » et aujourd’hui par trop dépendant des puissances américaine, chinoise et… russe. « Nous avons découplé les sources de notre prospérité des sources de notre sécurité », a-t-il déclaré, citant l’analyse du chercheur Olivier Schmidt, professeur du centre d’études de guerre de l’université du Danemark du Sud.

« Les ajustements seront très durs »

Rappelant comment l’UE a construit sa richesse et son développement récent sur un prix de l’énergie – issue le plus souvent de Russie – très faible et sur le commerce – exportations de machines et importations de bien à bas prix – avec la Chine. « Je pense que les travailleurs chinois, et leurs salaires bas, ont fait plus pour contenir l’inflation que toutes les actions des banques centrales » mondiales…

La guerre en Ukraine remet bien sûr en cause les liens de dépendance avec la Russie, comme l’Europe le vit déjà en voyant les prix de l’énergie exploser. Après la crise due au Covid-19 et la reconduction pour un troisième mandat de Xi Jinping, les liens avec la Chine se distendent également fortement. « Les ajustements seront très durs », prédit-il.

Source: Le Monde