Ils ont un patronyme auréolé et veulent désormais se faire un prénom
Avec son installation au Flagstaff House, Nana Akufo-Addo deviendra le premier fils de président à être élu président du Ghana. Il rejoindra par la suite la longue lignée des dynasties politiques africaines des fils d’anciens présidents devenus Chefs d’Etat à leur tour. Uhuru Kenyatta au Kenya, Joseph Kabila en RDC, Faure Gnassingbé Eyadema au Togo, Ali Bongo Ondimba au Gabon ont déjà accompli leur « destinée ».Emboîtant le pas à leurs aînés, certains héritiers ou héritières de la nouvelle génération lorgnent le fauteuil paternel avec une appétence pour l’exercice du pouvoir, officieusement assumée ou prêtée, officiellement dissimulée, le plus souvent nourrie par les fantasmes et les rumeurs ou secrètement révélée lors des querelles de succession.
1- Teodorin Obiang Nguema [Guinée-Equatoriale], le dauphin flambeur
Teodoro Obiang Nguema Mangué de son vrai nom, n’est pas né avec une cuillère en or dans la bouche. Mais c’est bien avec un parachute doré que ce jeune homme de 47 ans a atterri dans la haute sphère des affaires politiques et économiques de la Guinée-Equatoriale. D’abord Conseiller spécial aux forêts de son père de 1995 à 1997, il devient ensuite ministre de l’Agriculture de 1997 à 2012. Entre 1997 et 2012, Obiang Junior est à la tête de la Société guinéenne d’exploitation forestière (Somagui), société étatique chargée de l’exploitation du bois précieux. C’est là qu’il aurait succombé au péché de mener grand train avec une vie luxueuse dans les plus grandes capitales occidentales. Il a aussi contracté la fièvre de la folie des grandeurs avec costumes griffés, montres de luxe et voitures très haut de gamme … sans compter l’impressionnant patrimoine immobilier qu’il s’est constitué et qui lui vaut d’être cité dans l’affaire dite des « Biens mal acquis ». Ce flambeur a de quoi croire qu’il a le sang bleu. Son père, Teodoro Obiang Nguema règne sur ce petit émirat pétrolier d’Afrique centrale d’à peine 655.00 habitants depuis bientôt 38 ans après avoir renversé son oncle, le fantasque Macias Nguema. A l’heure où il songe à prendre sa retraite, la « panthère aux aguets » a savamment préparé la perpétuation de son lignage familial par son fils. Consécration ultime, le fils de son père a été désigné en juin 2016, vice-président de la République chargé de la défense et de la sécurité, avec rang de chef d’Etat. Une balise lumineuse qui présage d’un atterrissage au Palais du Peuple à Malabo. (Crédits : Reuters)
2- Denis Christel Sassou Nguesso [Congo] : le prince du pétrole
L’ouverture de la succession de Denis Sassou Nguesso s’est éclipsée devant la vigoureuse contestation qui a accueilli la réélection en mars dernier du président congolais qui cumule déjà 32 ans au Palais de la Nation de Brazzaville. Mais le clan Sassou Nguesso le sait bien, avec cette contestation non encore contenue, l’Otchouembé (lutteur traditionnel en mbochi) n’a plus la même vigueur. En coulisses, le clan se prépare alors à l’après-Sassou et a sonné le regroupement des troupes en ordre de bataille. Mais quel visage consensuel pourrait assurer l’héritage Sassou ? Figure montante du Parti congolais du travail (PCT, crée par Sassou père), Denis Christel Sassou Nguesso cultive la discrétion au point de nier toute ambition de succession dynastique à la tête du Congo. Mais sa varappe spectaculaire dans l’engrenage économique du pays le place en pole position pour reprendre le gouvernail paternel. Formé dans une école militaire de Brazzaville puis en notariat en France, c’est dans le pétrole que ce jeune homme de 42 ans va tisser sa toile économique. Au sein de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) où il rentre en tant que stagiaire en 2001, Denis prend l’ascenseur à grande vitesse. Entre 2005 et 2009, « Kiki le pétrolier » comme on le surnomme devient administrateur de la Cotrade (filiale de la SNPC chargée de la commercialisation). Puis, en janvier 2011, il devient directeur général adjoint de l’aval pétrolier de la SNPC, ainsi que PDG de « SNPC Distribution » et administrateur général de la Congolaise de raffinage (Coraf). En politique, le fiston national réussit à s’emparer de la très tactique circonscription d’Oyo (le fief familial), en devenant en 2012 député du PCT qu’il a intégré en 2007. Un poste d’observation pour la répétition générale avant sa projection devant la lumière des projecteurs pour la succession. Dans cette route presque tracée, le jeune homme traîne ses frasques de flambeur à la vie de nabab avec ses dépenses somptuaires en montres, voitures, villas de luxes largement commentées par la presse et les ONG internationales qui l’accusent de détournement d’argent public notamment dans l’affaire dite des « Biens mal acquis ». Autre boulet traîné par Sassou fils, des accusations longtemps démenties sans véritablement convaincre, faisant état du monnayage par Denis Christel des contrats d’attribution de marchés dans les concessions minières avec des sociétés étrangères. Ce qui fait de lui, l’homme incontournable du régime de son père. Mais la résistance promet d’être féroce avec la toute-puissance grandissante sans bruit de Jean Dominique Okemba, le neveu du président et cousin de Denis Christel, accusé de mener en coulisses des campagnes de sape de la popularité de l’enfant prodigue. Mais de son fauteuil présidentiel, Denis Sassou Nguesso observe prudemment ces altercations familiales de positionnement pour sa succession. Dans sa botte secrète pour doucher froidement les ambitions des hommes de la famille: ses filles. Judith, la défunte épouse d’Ali Bongo était semble-t-il la fille préférée du président. A sa mort, ses autres filles sont montées dans l’estime présidentielle. Julienne est à la tête d’une société de location d’avions. L’Honorable député Claudia, gestionnaire d’un empire agricole et dans la construction, est sa chargée de communication et met au pas les ministres. Les discrètes Cendrine, qui règne dans l’hôtellerie et la restauration haut de gamme et, Ninelle, faitière dans la location des tentes pour l’évènementiel, ne sont pas sans ambition. Quatre « filles de.. » dont une pourrait être déposée sur le fauteuil par le père au grand dam de leur frère. (Crédits : Reuters)
3- Karim Keïta [Mali] : l’Honorable fils surpuissant de la République
Pour freiner ses ambitions, ses détracteurs lui rappellent à l’occasion l’incroyable ascension suivie de la chute de Karim Wade, fils de l’ancien président sénégalais, passé des dorures du palais de la République aux grilles d’une cellule de la prison urbaine de Dakar. De quoi créer un effet miroir pour Karim Keïta, le fils aîné du président Ibrahim Boubacar Keïta ? Dans un pays où la tradition orale est encore très ancrée, le récit n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Karim Keïta a retenu le récit agité en épouvantail à ses desseins politiques et a choisi l’opposé de la route de son « homonyme » du pays voisin. Là où Wade fils a choisi de gravir les échelons dans l’administration de son père, Keïta fils cultive du haut de ses 36 ans, le mirage de passer par la légitimité populaire en briguant un poste de député dans la commune II de Bamako sous le parrainage du parti de son père. « L’escalier plutôt que l’ascenseur », résument ses pourfendeurs. La montée des marches est allée vite, très vite. Quasi-méconnu au Mali avant l’élection de son père, Karim Keïta a passé la moitié de sa vie dans les capitales occidentales entre la France, la Belgique et le Canada où il s’est formé au commerce international. En 2006, il marque son retour au Mali pour se lancer dans les affaires. Ce jeune bon vivant crée « Rent a Car », sa société de locations de voitures de luxe qui lui permet de se rapprocher de la crème de la société malienne. Parallèlement, il lance aussi l’agence Konijane Strategic Partners (KSP), spécialisée dans le conseil stratégique aux entreprises et qui lui permet d’étoffer son carnet d’adresses. La période de lancement de ses entreprises coïncide avec la campagne pour la présidentielle de 2007 dans laquelle le jeune homme joue le rôle de chargé de com’ et met en place des comités de soutien. Mais son père échoue à se faire élire. Ce n’est que 6 ans plus tard qu’IBK est porté sur le fauteuil du Palais de Koulouba. Longtemps dans l’ombre, Karim Keïta est projeté aux devant des projecteurs en devenant le conseiller de son père, l’un des plus influents, pestent ses opposants. Puis bravant le veto paternel et défiant les ténors de son parti qui ruminent pour lui une rancune de chameau, Karim se présente à la députation dans la commune II de Bamako. Courtisé devant son père, craint dans l’ombre, détesté en secret, Karim devient l’Honorable député de la très stratégique circonscription. Les portes de l’Assemblée ouvertes, il réussit à s’emparer du poste stratégique de président de la « commission de la Défense et de la sécurité » en évinçant l’influent général Niamé Keïta, ancien inspecteur général de police. De son nouveau poste d’observation, « Kathio » comme on le surnomme garde un œil sur les affaires militaires d’un Mali qui restructure son armée et renforce sa sécurité. Sacrilège ultime pointent certains, parachutage en règle, s’étouffent les autres. Devenu chouchou des médias où il n’a pas toujours eu bonne presse, Karim Keïta s’acheminerait donc vers une place au Palais de Koulouba, crachant même sur un poste de ministre qui pourrait faire craindre le syndrome Wade fils. Mais dans les couloirs des salons du pouvoir, il s’est fait beaucoup d’ennemis déclarés ou pas qui risquent de surgir en embuscade. Mais de quoi pourrait avoir peur l’Honorable fils le plus puissant du Mali ? Après tout son père est président de la République et son beau-père est le président de l’Assemblée nationale, le deuxième homme fort du pays. Sûr de son fait, ce Karim n’entend pas du tout connaître la même fortune que Wade fils ! (Crédits : Reuters)
4- Muhoozi Kainerugaba Museveni [Ouganda], le sur-gradé à la vitesse grand V
Dans un futur proche, les épaules de Muhoozi Kainerugaba ne seront plus assez larges pour porter tous les grades dont son père ne cesse de le flanquer . Quand on est officier de l’armée ougandaise, on gravit les échelons pour passer aux grades supérieurs. Mais quand on est le fils de Yoweri Kaguta Museveni (au pouvoir depuis 30 ans), on prend l’ascenseur des promotions pour survoler tous les grades. Et l’ascension de la carrière de Muhoozi s’est faite de façon éclatante. Du poste de second-lieutenant qu’il occupait en 2000, Museveni fils est devenu colonel dans la hiérarchie militaire du régime de son président de père en 2001. Ce dernier le promeut un an plus tard au rang de brigadier avant de lui confier le poste de commandement des forces spéciales, l’unité d’élite chargée de la sécurité présidentielle et des hauts dignitaires ougandais. Le fils du commandant en chef des armées a été élevé à un nouveau grade en mai 2016 : celui de major-général. Une position de toute puissance qui lui permet de rejoindre sinon surpasser les hiérarques de la rébellion qui porta son père au pouvoir en 1986. En dépit des démentis, un câble diplomatique américain avait confirmé la volonté de Yoweri Kaguta Museveni de se faire remplacer par son fils sur le fauteuil du « State House ». Ceci explique cela ! (Crédits : Reuters)
5- Mohamed Alpha Condé [Guinée] : le fils unique et l’ombre de son père
En atterrissant au Palais Sékoutoureya de Conakry après un quart de siècle d’opposition, Alpha Condé a ramené dans ses valises son seul et unique fils : Mohamed. Le jeune homme aujourd’hui âgé de 46 ans se retrouve alors au cœur de l’appareil d’Etat avec son rôle officiel de conseiller spécial du président de la République. Un titre qui sonne vide mais qui est pourtant un véritable catapultage au cœur des grandes décisions du pays. Un catapultage qui n’occulte le fait que Condé fils est bardé de diplômes. Après des études en France, il choisit les Etats-Unis où il se perfectionne avec un MBA en études commerciales dans la Thunderbird School of Global Management en Arizona. Il fera aussi l’application de ses connaissances sur le terrain en travaillant pour plusieurs multinationales occidentales au Royaume-Uni, au Brésil et aux Etats-Unis. Une expérience qui lui permet de gonfler son carnet d’adresses avant de l’ouvrir à son père pour son élection. Décrit comme discret voire invisible, ce conseiller du président est également chargé de mission pour des dossiers sensibles notamment dans les affaires minières. Une responsabilité qui lui a valu une volée de bois vert et des accusations d’infractions financières notamment abus de biens sociaux et détournements de fonds publics pour lesquels il a été visé par une procédure judiciaire en France. Le fils du président guinéen aurait bénéficié de prestations haut de gamme (voitures et logements de luxe, pots de vin…) offertes par des entreprises françaises en échange de faveur dans le secteur minier. Durant l’exil de son père, Mohamed Alpha Condé a appris la lutte politique. C’est désormais à la gestion aux affaires que le Professeur initie son fils en le traînant dans toutes les visites d’Etat. Certaines indiscrétions indiquent même que l’enfant unique est devenu l’ombre qui surgit presque toujours derrière son père et qu’il a son mot à dire dans toutes les affaires du pays, des choix de l’équipe gouvernementale aux contrats des appels d’offres de l’Etat. Des mauvaises langues présentent cela comme une façon pour Alpha Condé de présenter son fils aux grands de ce monde dans le but de recueillir les soutiens nécessaires à un objectif plus sibyllin. Suffisant pour certains qui voient dans ce passage de témoin familial, un projet de dévolution monarchique du pouvoir du vieux lion de Conakry (78 ans) à son fils unique ! (Crédits : Reuters)
6- Un Dos Santos peut en cacher un (ou une) autre [Angola], le « Dallas » à l’angolaise
Au sein du clan Dos Santos qui compte pas moins de neuf enfants, Isabel Dos Santos est la figure la plus connue. Mais la princesse Crésus de son père, première femme milliardaire d’Afrique a clairement indiqué qu’elle n’est pas intéressée par les affaires politiques et aurait même bravé la longue insistance de son père pour son entrée en politique. A 43 ans, Isabel qui est de mère azerbaïdjanaise, est aujourd’hui acculée pour s’être portée à la tête de la Sonangol, la société pétrolière nationale malgré sa fortune personnelle estimée à 3,5 milliards de dollars. La princesse n’a pas dit son dernier mot et assure qu’elle ne quittera pas l’Angola même après le départ de son père. Résolue à observer le jeu politique qu’elle veut influencer de façon subtile, elle garde un œil sur le trône à Luanda. Dans son ombre un de ses demi-frères et une de ses demi-sœurs se préparent à la succession de leur père, José Edouardo Dos Santos. Après 37 ans de règne à la tête de la pétro-république d’Afrique centrale, ce dernier, second plus ancien président encore au pouvoir, a annoncé sa retraite politique pour l’été 2017. Logiquement, João Lourenço, le ministre de la Défense, devenu depuis le dernier congrès, vice-président du parti devrait lui succéder à la tête du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA). Si ce dernier remporte les élections législatives d’août 2017, il deviendra le deuxième président de l’histoire angolaise. Mais les ambitions du 2ème homme fort du pays pourrait entrer en collision avec l’appétence de deux membres de la dynastie Dos Santos qui lorgnent le fauteuil que leur père va laisser vacant. Il y a d’abord, José Filomeno de Sousa dos Santos. Issu du second mariage du président angolais et surnommé Zenu, le jeune homme aujourd’hui âgé de 39 ans a grandi dans l’ombre de sa mère, diplomate en Suède, puis en Suisse avant de rentrer en 2001. Banquier d’assurances bien formé, Zenu se place sous l’aile de son président de père pour prendre le cric paternel afin de monter dans les échelons supérieurs. En 2013, il entre dans le conseil d’administration de la banque d’investissements Kwanza en tant que conseiller. Ce n’était qu’un tremplin puisque le jeune homme est propulsé à la tête du Fonds souverain d’Angola (FSDA), doté d’une force de frappe financière de 5 milliards de dollars avec un portefeuille pour le pétrole, les mines, l’immobilier, l’agriculture et le tourisme. José Filomeno a également fait son entrée au comité central du MPLA. Au moindre couac de Lourenço, ce père de 3 filles pourrait lui ravir la vedette… Ensuite, Welwitschia Dos Santos, sa demi-sœur issue d’une autre union a aussi semé ses jalons pour s’orienter vers le palais président. Surnommée « Tchizé », la jeune femme de 40 ans est à la tête d’un empire médiatique qui s’étend de la deuxième chaîne de télévision publique à la gestion des revues people Caras et Revista Tropical en passant par Semba Comunicaçao, un éditeur de publicité. Avec sa société West Side Investments, cette femme d’affaires formée aux Etats-Unis détient des participations dans l’industrie du diamant et dans l’automobile. Elle est également membre du comité central du MPLA, dans la section « jeunes ». Elle se verrait bien comme la première femme présidente d’Angola. De là à imaginer une querelle familiale pour le pouvoir digne de la série américaine Dallas, il n’y a qu’un pas. (Crédits : Reuters)
Source : latribune