Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Carnet de liaison des « Ante Abana » du 11 juin 2017 : Kônô koulou djèlé de bè bii fô !

Kônô koulou djèlé de bè bii fô !

libre expression edito exprime

La Plateforme Ante Abana va de l’éclat de l’alliance à l’étiolement de la désunion, mais renait sans cesse dans les luttes et les espérances du Mali chaque fois que la coupe est pleine. L’espoir renait avec son esprit de lutte qui tranche avec le fatalisme d’antan, mais sa vie de rose et de phénix pose un problème ardu aux patriotes maliens : changer le système changera ce que les gens font, mais changer ce que les gens font ne changera pas le système. La coexistence des partis et des associations pourrait changer ce que les gens font, pourrait-elle faire plus et survivre ? Autrement dit, alternance ou alternative est également insuffisant : juste un autre président à la place de l’ancien n’est pas un combat, c’est un forfait. Le vrai combat est qu’il faut altérer le système actuel par un changement réel de la gouvernance dans son personnel et ses pratiques.

On implorerait en vain le temps de suspendre son vol pour Ante Abana ! Par la logique de sa crise de croissance, cette force citoyenne s’effrite par différences de vues, tel avec le différé de Ras Bath et du Cdr, et par différences de tactiques, tels avec « Faso Kanu », « Mali Te Tila », « Collectif Mains Propres », « Jeunesse de Gao », « Trop c’est Trop », « On a Tout Compris – Wati Sera », « Ça Suffit », « Biprem – Fasoko », « Tal-B », « Master Soumi », « Mylmo », « le Recam », « Tabalé », etc., chacun dans ses manifestations propres, occupant le Consulat du Mali à Paris, devant l’Ambassade de France à Bamako, contre les destructions violentes des kiosques à Bamako ou contre l’installation des autorités intérimaires à Gao, etc. Cette floraison frondeuse – des centaines d’associations et des dizaines de partis et syndicats, dont certains éphémères marqués par l’aphorisme « made in China » ! – reflète l’enjeu primordial d’un pays en dérive depuis un demi-siècle et la ferveur de ses enfants de le sauver de l’abime. Que faire ?

L’effondrement de l’État est au cœur de la crise du Mali. La faillite du pouvoir et l’incapacité de l’opposition de diriger la colère du peuple contre lui se comprennent quand le peuple les perçoit identiquement car ayant gouverné des décennies avec les mêmes gens. Un État vidé aussi par la corruption de « peaux noires » ne pouvant plus couvrir leurs « masques blancs » par maints images et symboles. L’image de la situation ubuesque d’un pays pauvre parmi les pauvres mis en coupe réglée par un train de vie épicurien et continûment aéroporté. L’image d’un autre pays en secoureur, qui veut tenir son rang parmi les riches par le jeu trouble de soutien à un groupuscule du pays aidé contre le gouvernement qu’il a pourtant aidé à mettre en place. Sans doute doit-on vérifier le savoir-faire ou la motivation d’un tel pays pouvant autrement tout avoir loyalement ! Est-ce le signe indigent du père fouettard « intraitable » qui n’est que le supplétif de la politique d’une plus grande puissance avec son allié régional liant sécurité, énergie et matières premières ? Il y a le symbole onusien galvaudé par l’arnaque d’un accord de paix. Il y a aussi le symbole de l’amitié des peuples cousant en fil blanc des voisins sur fond noir de mauvaise foi. Voilà où mène le talent inné de dirigeants de ce monde qu’il faudra sauver par le savoir-faire de ceux qui ont le plus à perdre dans ce jeu de dupes : les associations citoyennes maliennes ! Quoi faire ?

La médiation des patriotes s’impose entre les associations citoyennes en lutte, pour les habituer aux vérités les unes des autres tirées des souffrances populaires. Tout comme la médiation physique des chefs traditionnels et religieux est venue récemment au secours de son pouvoir, le présent article est une médiation virtuelle de la raison entre les associations utilisant la presse et les réseaux sociaux au secours de la patrie en danger. Son principe directeur est qu’il y a maintes façons de parler des problèmes des maliens mais une seule de les défendre sûrement, celle des différents Ante Abana, pour leur résolution. D’un côté, des politiciens ont apporté une tradition d’opposition parfois effective. De l’autre, les mouvements par leurs dénonciations courageuses et crédibles profilent déjà un idéal et une philosophie politiques originaux. Une mosaïque certes lézardée en surface, ce qui favorise a priori le statu quo, mais dont les saillies sont moins de rupture que de suture se prêtant volontiers aux retrouvailles citoyennes dès la moindre hostilité. Le présent article veut requérir la réflexion et la réaction de chacun des dirigeants des Ante Abana, d’où son titre, car la meilleure façon de se débarrasser d’un problème est de le résoudre.

Mon article de début juillet prônait de sortir de l’impasse de l’aveuglement et l’irréflexion par (1) renoncer à la révision constitutionnelle, (2) écouter les maliens et arrêter les dépenses extravagantes, (3) diminuer radicalement le train de vie de l’État, (4) équiper les Famas, et (5) sinon, céder la place à un autre pour arrêter l’hémorragie ! Le point (1) a été observé même si « surseoir » était aussi imparfait que dépassé par la solennité d’une adresse présidentielle arbitrée par les chefs traditionnels et religieux ainsi que les protestataires. La netteté de la reddition rend d’ailleurs désuet un vocabulaire qui renvoie un message de faiblesse et d’inadéquation dans ce vieux pays impérial où l’épique de la bravoure dans l’adversité est particulièrement primée. La rentrée de Ras Bath à Bamako le 3 août 2017 a été scellée du triomphe de l’accueil déterminé et sans précédent des Ante Abana qui sonne désormais comme un glas.

D’évidence le pouvoir a changé de pôle ce jour, au nez d’une opposition politique exsangue qui ne pouvait le saisir, face à une réalité citoyenne redoutable qui se hâte très lentement de le saisir. Le régime pourra ainsi le gager par la scène télévisée évoquée et amortir les ultimatums des Ante Abana des 15 puis 17 août 2017. Mais tout indique qu’il s’agit plutôt d’une faillite sans dépôt de bilan. La réalité dépasse certes la fiction mise en scène mais cette dernière peut néanmoins servir à la reconstruire, car ne dit-on pas que la fiction est la part de vérité existant en chaque mensonge ? Aussi les échafaudages pour construire un soi-disant front du « oui » indiquent-ils la continuation de la gouvernance de l’impasse, ignorant les trois autres points de l’article cité, ouvrant ainsi la voie au cinquième point sur l’alternance. Il faut donc dénouer l’écheveau de la mauvaise gouvernance, et le dernier avatar d’escroquerie aux dépens de Tiken Jah Fakoly, est un rappel que le combat des Ante Abana doit puiser loin dans l’héritage du Mali dont les mystiques des passés impériaux et de la volonté de vivre digne et libre.

Trois messages pour l’avenir

Le premier message est qu’il ne suffit pas de dénoncer ou de lever foule, il faut les traduire par un projet politique porté par un leader. Lutter contre l’injustice et pour le bien-être général ne s’arrête pas à dénoncer les méfaits ni acculer les dirigeants ou avoir des élections propres. Il doit conduire à l’avènement de forces politiques nouvelles de justice et de promotion collective. Tant mieux si un parti l’incarnait mais ce serait loterie car jusqu’à récemment seule la force de mobilisation des religieux pouvait trancher entre les politiciens. Aujourd’hui, c’est la conscience citoyenne des Ante Abana qui tranche car les foules mobilisées ne peuvent autant l’être par les religieux et a fortiori par les partis ! La force de leur cohésion tient à son plus faible maillon, au réalisme et à la souplesse. L’arbitrage de leurs conflits sera par les forces d’avant-garde de la jeunesse qui seules diront la vérité des acteurs et non couper la poire en deux ! Couper un éléphant en deux ne produit pas deux petits éléphants ! Il faudra alors dépasser le système douillet actuel de l’argent public et des appareils électoraux des politiques. Plutôt que des consensus aliénants autour de ténors qui ne peuvent être que rois sans le roi, il faudra interpeller les gens capables de bâtir une authentique conscience humaine.

Le deuxième message concerne le choix des dirigeants. Le choix passif dans l’offre existante de candidats ou dans leurs programmes est un leurre. Avec « le Mali d’abord » et autres « inchallah », chacun sait où mène le choix d’un politicien sur ses intentions ! N’importe qui peut aligner des déclarations de bonnes intentions, mais un programme est par définition une réflexion collective du peuple en lutte. Il faudra désormais susciter de nouvelles vocations présidentielles plus à mêmes de mettre au pouvoir les valeurs du vrai changement. On ne peut prétendre ne pas connaître les maliens valables, car chaque dirigeant de mouvement connait les éléments valables de son groupe, qui connaissent à leur tour d’autres, ainsi de suite jusqu’à quadriller les maliens sur quelque point de la planète que ce soit. Il faudra aussi jauger le slogan de « lutter pour la démocratie » de la classe politique, les candidats valables parmi eux se singulariseront du reste par leur absence de cynisme et leur volonté de mettre les idées avant l’ambition personnelle. En bref, un patriote doit être à jour idéologiquement et politiquement sur son pays et son temps, et un mouvement doit savoir à chaque instant qui pourra incarner sa lutte dans la conduite du pays.

Le dernier message est la nécessité d’une alliance intergénérationnelle. Il est bien connu qu’un seul doigt ne peut prendre de caillou ou qu’une pluie ne fait l’hivernage. Toute la jeunesse a fait son travail, celui de vaincre la peur et l’inertie, et s’être dressée contre l’injustice tyrannique et l’occupation extérieure. Elle doit réaliser qu’elle est hissée sur les épaules de moins jeunes pour mieux continuer sa route, car une seule composante du peuple ne peut construire un pays. Même si la stratégie est constamment émergente, l’esprit de campagne reste le même : célébrer et honorer la vie des gens et développer une conscience communautaire entre les générations et entre les différents secteurs de la société. La vision d’une communauté intergénérationnelle vient en valorisant les jeunes, honorant leur expérience et créant des occasions de contribuer au soutien des générations à venir. La détermination, les rêves ambitieux et la prise de risque sont des éléments importants à la réussite de l’entreprise sociale. En côtoyant la clarté et la confusion des personnes, on se construit des points de repères. Cette conscience historique est le ciment qui réunit les individus d’un peuple et qui fait qu’un peuple n’est pas une population, c’est-à-dire un agrégat d’individus sans lien. C’est cette conscience que l’on doit restituer, restaurer.

Etre ensemble, rester ensemble et travailler ensemble

Le succès ne dépend pas d’un seul événement, tout comme la catastrophe ne dépend pas d’une seule défaillance. Qu’il s’agisse de lévriers afghans ou de servals touareg, aucun problème ne peut résister à l’assaut de la pensée soutenue. Les Ante Abana doivent s’être rendus compte qu’aucune armée ne peut résister à la force d’une idée dont le temps est venu. Mais, à attendre que l’herbe pousse, le bœuf meurt de faim ! La justice sociale et l’alternance ne peuvent attendre au Mali. Les partis ont des structures prêtes, mais les activistes et protestataires de la nouvelle conscience citoyenne doivent préparer les leurs. Même si aucune personne n’est parfaite, une équipe peut l’être. Dès qu’il s’agit de prendre un pouvoir, les « démocrates convaincus et patriotes sincères » iront à leur plus petit commun dénominateur de se coopter, quitte à agoniser entre négociations avec « les djihadistes du centre » et tenter d’usurper les luttes des jeunes. Heureusement que l’augure de Modibo Keita se réalise enfin : « Jeunes du Mali, le Mali ne sera que ce que vous en ferez » ! En la matière, comme le dit le proverbe arabe, celui qui veut faire quelque chose trouve un moyen et celui qui ne veut rien faire trouve une excuse.

La conscience citoyenne s’est faite en luttant contre les dérives et le conflit au nord du Mali. Les jeunes demandent aux amis étrangers de clarifier leur position dans ce conflit. Ils ne peuvent croire en aucune génération spontanée aujourd’hui de la longue histoire de l’islam en leurs contrées, malgré les échos de l’arc d’Afghanistan à l’Irak ! Ils ne sont dupes d’aucune mode terroriste et disent que Mnla, Hcua ou Cma ne sont que noms et ombres fictionnels ! Ils défient les politiciens Ante Abana à dénoncer les interférences extérieures comme ils l’ont fait avec le projet de révision constitutionnelle. L’heure n’est plus aux lamentations et complaintes fatalistes et il est temps de faire face aux déguerpissements, aux scandales de marchés publics, aux comportements obscènes du personnel politique et étatique, aux fatalités des « pharmacies par terre » et grèves sauvages, à la justice vénale et l’impunité, à l’insécurité et au désespoir de l’immigration, en un mot, à la gestion étatique gabégique sans lendemain…

Les dirigeants des Ante Abana doivent réaliser que l’initiative de créer leurs divers mouvements n’en fait pas leur propriété, sous peine de rater comme certains partis politiques le dourouni ou le katakatani. C’est l’expression de la vérité dans leur rôle de porte-parole qui crée l’adhésion. Les bambaras ne disent-ils pas que la force de motion du poisson témoigne plus de la force de l’eau ? Aussi est-il temps de crier l’outrage fait au peuple quand on gouverne et gère mal ! Les religieux, les autorités et prévaricateurs de tout poil avaient crié outrage quand les activistes dont Ras Bath, politiciens et consorts, ont dénoncé les mensonges, vols et scandales par lesquels ils ont détruit la vie de millions de citoyens. Il faudra plutôt scander l’outrage au peuple quand on crée des foules à 2.000 francs pour un « oui » imaginaire ou quand on parle d’insécurité résiduelle ! La jeunesse doit aller au-delà des sit-ins et « foires de dénonciations » et faire payer des criminels qui se drapent dans le mensonge de république pour abuser les autres. Les Ante Abana pourront être une sentinelle des valeurs collectives comme Y’en a Marre au Sénégal et Balai Citoyen au Burkina Faso, contre le népotisme, le clientélisme politique, la corruption et l’impunité.

Les Ante Abana doivent savoir qu’il vaut mieux se sentir en danger que se croire en sécurité, et que les absents ne sont jamais sans faute ni les présents sans excuse. Ils doivent se garder que le choc des ambitions ne l’emporte souvent sur le conflit des idéaux. Si tous réalisent qu’on ne peut lire le noir sur du noir ni du blanc sur du blanc et que l’un a besoin de l’autre pour s’affirmer, on peut alors espérer le prompt ralliement citoyen contre toute provocation. Le temps qui fait son œuvre est, comme on dit, l’ombre du mouvement. Les calculs et positionnements politiciens ont mis le danger en mouvement, opposant la fougue juvénile des uns aux autres pour mieux taire leur raison commune, comme jadis ils ont pu infecter et dissoudre l’esprit de rébellion des maliens dans le mauvais nom des putschistes de mars 2012. Si la classe politique est disqualifiée, qui prendre ? Prendre tout sauf elle ! Les honnêtes femmes et les honnêtes hommes ne finissent pas, voilà pourquoi le peuple peut encore s’indigner. En cette période de connectivité complexe, il est possible d’accélérer l’engagement du public et d’accroitre la portée des initiatives. Etre ensemble est un début, rester ensemble, un progrès, et travailler ensemble un succès.

Amadou Cisse, abscisse1@gmail.com

Washington, DC, USA, https://www.facebook.com/amadou.cisse.5872

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance