De l’eau potable avec une alimentation saine dans un environnement propre sont essentiels pour la bonne santé physique et morale de tout un chacun. Ces besoins vitaux sont de nos jours devenus un luxe pour les personnes déplacées et refugiées dans des quartiers périphériques de Bamako. Dans ce reportage, nous vous faisons découvrir en profondeur le calvaire quotidien de ces personnes qui ont fui leurs villages à cause de l’insécurité et qui manquent aujourd’hui de services sociaux de base.
Lundi, 03 octobre 2022. Il est 09 heures et nous sommes au camp des réfugiés de Niamana, un quartier périphérique de Bamako. A l’entrée, il faut marcher sur des cailloux déposés par les occupants du Camp pour pouvoir éviter les eaux usées qui coulent jusqu’aux installations leur servant d’abris.
Arrivés sur place, nous nous présentons, puis nous demandons à parler à un des responsables du camp. Aussitôt, un homme se démarque et nous installe sous un hangar à deux mètres de l’entrée. Lui, c’est Souley Dicko. « Assez-vous ici, je vais appeler le doyen », nous dit-il. Pendant qu’il va chercher un des responsables pour s’entretenir avec nous, nous faisons déjà nos premiers constats sur place. Des enfants assis par terre devant des chaumières installées au milieu de déchets de bétails. A côté d’eux, des seaux d’eau ouverts à l’air libre. Pire, des femmes cuisinent au milieu de ces eaux souillées pleines de vers, au-dessus desquelles voltigent mouches et moustiques.
Quelques minutes après, M. Souley Dicko revient accompagné d’un sexagénaire. Il s’appelle Issa Traoré. Après les salutations d’usage, ensemble, nous effectuons une petite visite guidée sur le site. Partout, le constat est presque le même. Une vie de misère. Impossible de parler de bonne nutrition ou de l’eau potable. Certes, un forage y est installé, mais les conditions de transport et la gestion de l’eau dans les abris ne garantissent pas du tout sa propreté.
« Nous vivons avec les animaux »
Pour en savoir davantage, nous demandons au chef de camp de nous parler des conditions de vie des habitants au plan alimentaire, nutritionnel et sanitaire. Pour lui, c’est bien l’essentiel même qui leur manque. « Tout d’abord, notre priorité aujourd’hui consiste à avoir de quoi manger à suffisance. Je vais vous le faire, à notre arrivée ici, il y a quatre ans, beaucoup d’associations couraient pour prendre de nos nouvelles et nous apportaient parfois des aides alimentaires afin qu’on puisse manger et dormir convenablement, mais vous voyez vous-mêmes nos installations… Ce sont des cases en petites pièces dans lesquelles vit toute une famille. L’humidité est constante parce que nous vivons avec les animaux sur place et il y a beaucoup d’ordures, déchets liquides ou solides. Aujourd’hui, nous ne voyons aucune de ces associations. Voilà pourquoi, la plupart des familles se sont organisées pour effectuer de petits travaux, mais entre la distance avec la ville et la précarité des activités sur le site, ce n’est pas tout le monde qui arrive à s’en sortir », témoigne le chef du camp.
De l’eau mais…!
Si les réfugiés du site sont en manque d’une bonne alimentation, leur accès à l’eau potable aussi laisse à désirer. Certes, un forage est mis à leur disposition, mais le conditionnement de l’eau est un véritable désastre. Des seaux remplis d’eau sont toujours ouverts à l’air libre à longueur de journée, avec tous les risques de contamination. « Nous avons certes une source d’eau qui nous a été offerte par une organisation où nous nous approvisionnons en eau, mais le problème est que nous sommes nombreux à nous ravitailler au même forage et les femmes sont obligées d’en prendre en quantité pour conservation. Et là, ce n’est pas tout le monde qui a les récipients nécessaires pour bien conditionner l’eau. Nos espaces sont assez exigus et à l’extérieur ce sont des tas d’ordures et des insectes », déplore Aïchata Bocoum, une femme du camp.
Elle estime aussi que le plus important est d’avoir de quoi à ⁰0manger et à soigner les enfants qui tombent régulièrement malade. « Nous sommes loin de nos localités d’origine et le plus urgent, c’est d’avoir de quoi à manger pour pouvoir continuer de survivre avec nos enfants. Beaucoup de gens n’arrivent pas à assurer ça ici et c’est ce qui est difficile. Aussi, il faut noter que nos enfants tombent régulièrement malades et nous n’avons pas les moyens nécessaires pour les soigner. Au début, nous avions des cartes de réfugiés à présenter dans les hôpitaux une fois que nous tombions malade, mais actuellement les hôpitaux disent que ces cartes n’ont pas de valeur et si on veut être soigné, il faut payer de l’argent, ce que nous n’arrivons pas à faire. Voilà pourquoi beaucoup se limitent au traitement traditionnel qui est souvent inefficace face à certaines maladies », ajoute Mme Bocoum.
Les mêmes réalités un peu partout !
Au camp des réfugiés de Faladiè, le constat est presque le même. Partout, ces déplacés sont frappés par les mêmes réalités. Il s’agit de l’insuffisance alimentaire ; du manque d’eau potable et du non accès aux soins de santé de qualité.
Allaye Guindo vivait au camp de refuge de Koulikoro avec sa petite famille depuis qu’ils ont fui la guerre en 2019. Il y a une année, il a déménagé au camp de Faladiè pour faire le commerce de bétails. Pour lui, la situation des réfugiés dans les deux camps qu’il a connus est un véritable carcan. « Ici (Faladiè) c’est encore mieux. Vous pouvez mener des petites activités, moi par exemple, je suis venu ici pour faire du commerce de bétails. J’intercepte les animaux venus des villages et les revends pour avoir un petit bénéfice. Cela me permet de ne pas trop dépendre des dons », nous a-t-il confié.
Puis, M. Guindo ajoute : « Si je dois expliquer comment vivent les réfugiés dans les camps, je dirai qu’ils vivent très mal. Toutes les nécessités nous manquent. Que ce soit la bonne alimentation ; l’eau potable et l’accès au soin de santé. Regardez vous-même, comment il peut y avoir de bonne santé dans un tel environnement ? Comment une nourriture préparée dans cet environnement peut-être saine ? Je pense que vous avez vous-même cette réponse. Le pire, c’est le cas de nos enfants. Chaque matin, nous sortons pour chercher un peu d’argent et nos enfants que nous n’avons pas pu inscrire à l’école restent à la maison seuls ou souvent avec des vieilles personnes immobiles. Dans l’ensemble, je dirai que la situation est extrêmement difficile mais notre plus grand souhait est de pouvoir faire retourner la famille dans nos villages. Mais malheureusement, la plupart de ces villages sont occupés ou saccagés », explique-t-il.
Ayant fui leurs localités respectives à cause de l’insécurité, ces réfugiés, en manque de presque tous les services sociaux de base, ne rêvent que d’une chose : retourner chez eux et reprendre leurs activités quotidiennes. Pour y parvenir, les autorités de la transition doivent naturellement les protéger ainsi que leurs biens.
Amadou Kodio
Source : Ziré