Comme dans une marche prétorienne, ils avancent vers Koulouba. « Ils », ce sont ces vingt quatre (24) postulants, qui aspirent tous, après ce premier quinquennat du Président sortant, à être élevé à la dignité de juge suprême des Maliens, de chef suprême des armées, de chef de l’Etat du Mali, de Président de cette République, troisième du nom. Chacun selon son rythme, chacun avec ses munitions, chacun avec son étendard qu’il espère hisser au-dessus de cette colline déjà mythique, une sorte d’Olympe du haut duquel « l’élu » gouverne, fera régner l’ordre et la justice ou narguera les misères de la populace dont le suffrage lui aura pourtant servi de tremplin.
Convoitée depuis le départ des colonisateurs blancs qui l’ont érigée en symbole du pouvoir suprême, Koulouba demeure aujourd’hui, plus que tout autre, le point de convergence de tous les intérêts, de toutes les attentions. Et pour cause !
Le désir de l’alternance des uns et le souhait de la continuité pour un second et ultime mandat à la tête du pays du locataire de Koulouba rend le jeu présidentiel plus ouvert qu’il ne l’a jamais été par le passé.
Au regard donc du bilan, présenté élogieux par le camp présidentiel, et de la perspective prometteuse et/ou sombre selon le camp de la majorité ou de l’opposition, la nation entière fait face à une échéance très disputée et en même temps très largement ouverte. Vingt quatre candidats pour un fauteuil, une particularité malienne mais aussi un record au plan africain. On ne va sûrement pas mettre cette « inflation présidentielle » sur le compte de la vitalité et de la bonne santé démocratique du Mali.
Au contraire, l’explication rationnelle tient à l’affaiblissement et à la division des partis politiques, mais surtout, d’après des observateurs avertis du landernau politique, au désir des candidats (en tout cas plupart d’entre eux) de se servir plutôt que de servir.
Par ailleurs, les relents de la crise politico-sécuritaire auxquels notre pays peine à se sortir, au lieu de rassembler les politiques, les ont plus divisés, plus isolés. Le débat politique de l’après, sinon sur le premier quinquennat du président sortant s’est bien plus apparenté à une querelle de chiffonniers, une confrontation subjective, un conflit de personnes qu’à une véritable réflexion politique sur le bilan et les programmes de société, pour ne pas dire à une espèce de dérision et de discrédit mutuels qu’à un véritable débat d’idées ou d’idéologies politiques pour faire avancer la démocratie et l’Etat de Droit.
Résultat : les regroupements créés durant ces cinq années sont devenus des champs en friches.
Des grands partis se sabordent, se dévoient, armes et bagages, pour être des fantassins des têtes d’affiche, si ce n’est pour se transformer en bétail électoral d’un candidat, le plus souvent sur la simple base de relations de camaraderie du Chef de parti avec X ou Y.
Qu’est-ce qu’ils ont de commun ? Changer de système ou contribuer à faire élire un homme à travers lequel leur salut peut certainement passer ? Leur désir de gagner et partager les délices du pouvoir ou leur soif de faire le bonheur du Mali et des Maliens ?
Voilà qui cache mal et impose aux politiques l’équation de l’ancrage démocratique et de la remise sur les rails du processus du même nom.
Sur ce débat et l’enjeu démocratique qui le sous-tend, tous les partants à l’élection présidentielle du 29 juillet devraient s’accorder sur un constat ou tout au moins en être conscients : après tant années de convulsions démocratiques, de crises à répétition qui ont mis à mal le vivre ensemble et la cohésion nationale, les Maliens veulent enfin une seule chose :
Que les promesses soient tenues.
Est-ce difficile pour quelqu’un qui aspire à une telle dignité d’être soi-même, le Soudanais d’avant-hier et le Malien d’hier qui ne triche pas, qui ne ment pas, qui n’a qu’une seule parole ?
Que les vertus de la chefferie et de la chevalerie maliennes soient restaurées. Un Chef dans notre culture (du moins celui qui est digne de ce grand nom) n’est rien d’autre que celui qui est capable d’être à cheval sur les vertus sociales et d’être juste envers et contre tout.
Que le perçu concorde avec le vécu.
Si on posait la question à n’importe quel malien ou malienne qui ne fait pas partie de la caste mafieuse de savoir ce qu’il ou elle souhaiterait pour son pays, il ne fait aucun doute qu’il ou elle répondrait qu’il ou elle voudrait voir le Mali régi par un État de droit, que les magistrats y fassent leur travail de manière honorable et en toute indépendance, que notre économie soit performante et diversifiée, nos universités classées parmi les 100 premières universités dans le monde, que nos hôpitaux soient des lieux où les malades sont réellement soignés et non pas stockés en attendant qu’ils décèdent, etc., etc. Oui, tous les Maliens savent très bien ce qu’ils veulent pour leur pays
Ce qu’ils attendent pour leur futur immédiat, ce n’est certainement pas une valse, un défilé de costume cravate ou de bazin arboré par nos honorables présidentiables, emportés et portés par l’ivresse et les délices d’un pouvoir, et qui ne voient que leur petite personne ou carrière. Mais ce dont ils attendent de leur futur Commandant en Chef, leur souverain (pour être conforme à la sémantique malienne – Fama, Mansa Kè -), c’est de le voir incarner leur ambition et fait siens leurs préoccupations, leurs espoirs de vivre heureux, dignes et fiers dans un pays qui recouvre sa dignité et son honneur dans le concert des Nations.
Par Mohamed D. DIAWARA
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