Le cas de Yacouba Isaac Zida
Mi-mars, le président de la République a abrogé le décret de nomination d’Isaac Zida comme ambassadeur du Burkina Faso à Washington. Actuellement à Ottawa, au Canada, auprès de sa famille, l’ancien Premier ministre est par ailleurs pointé du doigt pour des allégations d’actes de corruption lorsqu’il était à la tête du gouvernement. Alors que tout le monde s’interroge sur l’avenir de l’ex-homme fort du régime de transition, Roch Marc Christian Kaboré a rapidement été questionné sur le sujet lors de sa conférence de presse sur ses 100 premiers jours au pouvoir, dimanche 3 avril à Bobo-Dioulasso.
« À aucun moment, le conseil des ministres n’a nommé le Premier ministre comme ambassadeur aux États-Unis. Ça a été une très grande surprise pour nous de découvrir cela dans le Journal officiel. Nous devons mettre fin à cette manipulation et cela appartient aux prérogatives du chef de l’État que je suis », a affirmé Kaboré. « Le général Zida a demandé une permission qui a expiré depuis le 19 mars. Il n’est pas encore rentré. En tout état de cause, il n’a pas d’autre choix que de rentrer (…) Nous n’avons pas besoin de lui donner des injonctions pour cela. Quelqu’un qui assume de hautes responsabilités de l’État doit s’assumer et faire face à ses responsabilités (…) Il doit voir la nécessité lui-même de rentrer d’ici avril pour pouvoir lever le voile de nuages qui plane sur sa gestion et sur les différents points qui ont été évoqués. »
La gestion des Koglweogo
Roch Marc Christian Kaboré a également été interrogé sur la gestion des Koglweogo, ces milices d’autodéfense qui ont essaimé ces derniers mois dans les campagnes, pour, selon elles, palier les lacunes d’un État incapable d’assurer la sécurité dans leurs villages. Seul problème : elles agissent hors de tout cadre légal, procèdent à une justice expéditive et certaines commettent de graves violations des droits de l’homme.
« Nous sommes en République, personne n’est au dessus des lois. S’ils doivent eux même rendre la justice, prendre des taxes, je pense qu’ils seront traduits devant la justice, a asséné le président. En ce qui concerne l’État nous n’allons pas laisser se poursuivre les dérives qui vont à l’encontre des droits de l’Homme (…) Il faut des passerelles pour qu’ils comprennent que leur rôle n’est pas d’être des justiciers ou de prendre des taxes. »
Le mandat d’arrêt international contre Guillaume Soro
Accusé d’être impliqué dans la tentative de coup d’État contre le régime de transition, à la mi-septembre 2015, à Ouagadougou, Guillaume Soro est visé depuis le début de janvier par un mandat d’arrêt international émis par la justice militaire burkinabè. Suspecté d’avoir soutenu les putschistes, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne nie catégoriquement.
Lors de son point presse, Roch Marc Christian Kaboré a indiqué que le mandat d’arrêt contre Guillaume Soro – tout comme celui contre Blaise Compaoré – était toujours « en vigueur ». Mais il a aussi rappelé qu’il n’avait pas totalement enterré la voie diplomatique. « Les mandats d’arrêts ne doivent pas altérer les rapports d’amitié et de fraternité entre les peuples ivoirien et burkinabè. Malgré cela nos rapports sont excellents. Même si nous voulions faire la bagarre avec la Côte d’Ivoire, nous serions tous les deux perdants. »
« Le seul problème a été qu’en tant que président du Faso, je n’ai pas été saisi de l’émission d’un mandat d’arrêt dans ce sens, a ajouté Kaboré. C’est de retour de Cotonou, où je suis allé à la conférence des chefs d’État de l’UEMOA, que j’ai appris comme tout citoyen qu’il y avait un mandat d’arrêt contre le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire (…) Il aurait été bon, dans le cadre de la coopération entre les institutions, que nous soyons au moins informés avant que ces actes ne puissent être posés. »
Sa visite à Paris et la coopération sécuritaire avec la France
Attendu à Paris du 5 au 7 avril pour sa première visite officielle hors d’Afrique, Roch Marc Christian Kaboré a été interrogé sur ce déplacement rapide chez l’ancien colonisateur, affirmant qu’il ne faisait qu’honorer l’invitation adressée par le Premier ministre français, Manuel Valls, lors de sa visite au Burkina après l’attentat de Ouagadougou, le 15 janvier. « Nous n’avons d’allégeance vis-à-vis de personne. Nous y allons parce que nous discutons des intérêts du Burkina Faso. Cela doit être clair. C’est vrai que nous avons des relations qui datent de la colonie avec la France, mais il est hors de question pour nous d’y aller en termes d’allégeance. »
Le chef de l’État est aussi revenu sur l’annonce par Bernard Cazeneuve, le ministre français de l’Intérieur, d’un déploiement d’une unité du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) à Ouagadougou après l’attentat de Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire. Tandis que les autorités burkinabè affirmaient ne pas être informées d’une telle décision, les autorités françaises ont rapidement rétro-pédalé, évoquant finalement des discussions en cours pour mettre en place une équipe réduite de formateurs à Ouaga et non une unité complète d’intervention comme l’avait laissé entendre Cazeneuve.
« Concernant le déploiement du GIGN, nous avons eu cette information comme vous sur France Inter. Nous avons considéré que nous ne nous sentions pas concernés. Le minimum dans cette matière, c’est d’informer les plus hautes autorités du pays et de voir s’il y a la possibilité ou non de le faire. Toute information que nous apprenons par la radio n’engage que ceux qui font leurs déclarations et ne nous engagent pas, puisque de façon officielle, nous n’avons pas été saisis sur ce déploiement. Et nous avons d’ailleurs, le même jour, dit à l’ambassadeur de France tout notre mécontentement sur cette procédure. »
Source: jeune Afrique