Après son putsch manqué, l’ex-garde prétorienne a été dissoute. La réintégration de ses hommes dans l’armée régulière est désormais un enjeu crucial.
L’affrontement entre militaires que tout le monde redoutait n’a pas eu lieu. Mais l’usage de la force a tout de même été nécessaire pour faire plier les derniers récalcitrants. Le 29 septembre, sur ordre des autorités de la transition remises en selle quelques jours plus tôt, plusieurs unités de l’armée « loyaliste » ont lancé l’assaut sur le camp Naaba Koom, la caserne de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP), dont près de 200 membres refusaient d’obtempérer à l’ordre de désarmement. Cette offensive a scellé le sort du régiment d’élite, qui, en tentant de prendre le pouvoir par les armes, a finalement fait tomber lui-même l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête depuis près d’un an.
Sur les quelque 1 350 hommes qui le composaient (soit 10 % des effectifs de l’armée), presque tous ont déjà été redéployés dans différents corps. Une trentaine manquent à l’appel et sont désormais considérés comme des déserteurs. Enfin, une quinzaine de gradés soupçonnés d’avoir fait partie des meneurs du coup d’État ont été arrêtés par la gendarmerie et sont interrogés par la justice militaire.
Les primes du RSP
Le général Gilbert Diendéré, le chef des putschistes, ainsi que Djibrill Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré, ont eux été inculpés d’« attentat à la sûreté de l’État », placés sous mandat de dépôt et déférés à la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca). « L’enquête se poursuit. Si certains membres de l’ex-RSP sont cités comme suspects, ils pourront eux aussi être arrêtés », prévient une source sécuritaire.
Les hommes du RSP ont longtemps bénéficié des largesses de l’ex-président, qui avait l’habitude de leur distribuer régulièrement des primes, notamment en fin d’année. Pratique à laquelle les autorités de la transition ont mis fin, s’attirant l’animosité des intéressés
L’intégration de ces soldats dans les différentes garnisons du pays s’annonce délicate. Outre qu’ils pourraient pâtir de leur image de putschistes, ils pourraient faire les frais de vieilles rancunes, nées de la rivalité qui les opposait au reste de l’armée. Ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré, ce régiment créé en 1995 et décrit comme une « armée dans l’armée » était le mieux formé, le mieux équipé et aussi le mieux payé. Ses hommes ont longtemps bénéficié des largesses de l’ex-président, qui avait l’habitude de leur distribuer régulièrement des primes, notamment en fin d’année. Pratique à laquelle les autorités de la transition ont mis fin, s’attirant l’animosité des intéressés.
Difficile intégration
Après avoir longtemps suscité la méfiance et la jalousie de leurs frères d’armes, les militaires de l’ex-RSP, dont certains ne cachaient pas leur sentiment de supériorité, se retrouvent aujourd’hui en position de faiblesse. Les liens étroits qu’entretiennent les officiers et sous-officiers de ces différents corps depuis leurs années de formation seront décisifs pour éviter que les vaincus soient victimes de brimades et préserver la cohésion des forces armées. Conscientes de la difficulté de cette intégration, les autorités de transition, le lieutenant-colonel et Premier ministre Yacouba Isaac Zida en tête, ont appelé les unités qui recevront des anciens du RSP à les accueillir « en toute fraternité ».
Le RSP était la seule unité d’élite en pointe dans la lutte antiterroriste. C’est une erreur de l’avoir dissous aussi brutalement dans le contexte actuel, s’inquiète une source diplomatique occidentale
À l’heure où le pays fait face à une menace terroriste accrue à ses frontières avec le Niger et avec le Mali, nombre d’observateurs s’interrogent sur la capacité de l’armée burkinabè, réputée l’une des plus compétentes de la sous-région, à surmonter un tel choc interne. « Le RSP était la seule unité d’élite en pointe dans la lutte antiterroriste. C’est une erreur de l’avoir dissous aussi brutalement dans le contexte actuel », s’inquiète une source diplomatique occidentale. La plupart de ses hommes – tout comme leur armement dernier cri, redistribué au sein de l’armée – sont pourtant toujours là. Reste à tirer le meilleur parti de leurs compétences.
Source: Jeune Afrique