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Burkina Faso : « le Fespaco est la voix du cinéma africain » dixit Abdoul Karim Sango

« Les festivaliers viendront en sécurité et repartiront en sécurité ». Le Fespaco, le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, fêtera entre le 23 février et le 2 mars son cinquantenaire dans une situation sécuritaire tendue. Le ministre burkinabè de la Culture, des Arts et du Tourisme, Abdoul Karim Sango, a reçu RFI pour expliquer le rôle et la place du plus grand festival du continent africain, mais aussi pour parler de la sécurité des festivaliers face aux attentats de plus en plus récurrents au Burkina Faso. Il aborde également le défi des plateformes comme Netflix pour le cinéma africain, répond sur la restitution des œuvres d’art africaines promise par le président français et commente la Saison des cultures africaines 2020. Entretien. 

Abdoul Karim Sango : C’est un grand moment de la vie et de l’histoire du Burkina Faso. Le Fespaco se tient à Ouagadougou, mais c’est un événement panafricain par sa dénomination. Aujourd’hui, sur le continent, on ne trouve pas un festival de cinéma de la dimension du Fespaco.RFI : Créé en 1969, le Fespaco célèbre cette année son cinquantenaire. Que représente ce festival panafricain du film africain aujourd’hui pour le Burkina Faso ?

Au moment où partout dans le monde, l’extrémisme violent prend le pas sur les valeurs partagées des nations civilisées que sont la démocratie, la liberté, l’égalité, la justice sociale, la fraternité, le cinéma – à travers le Fespaco – doit plus que jamais jouer son rôle d’éducation des populations. Notamment auprès de la franche la plus jeune qui est aujourd’hui la cible privilégiée des prophètes des nouveaux temps.

Nous voudrons profiter de ce cinquantenaire pour lancer ce message au monde : ce qu’il se passe aujourd’hui, ce n’est pas un problème de chaque nation. C’est la civilisation qu’on a tenté de construire après les deux premières guerres mondiales qui est en train d’être progressivement mise en cause. Et le cinéma doit nous aider à déconstruire le discours de ces prophètes de malheur.

Quel rôle le Fespaco a-t-il à jouer dans le concert des plus grands festivals de cinéma au monde, à côté de Toronto ou Cannes ?

Le Fespaco est la voix du cinéma africain, puisque ce qui constitue aujourd’hui la vraie menace dans ce monde est cette tendance à la mondialisation, à l’uniformisation des mœurs, des pensées. Si le Fespaco n’est pas là, à côté de Cannes ou à côté du cinéma latino-américain, la quête de la diversité culturelle perdra tout son sens. Donc, plus que jamais, le Fespaco doit avoir sa place pour refléter la diversité du monde.

Ces derniers jours et semaines, le Burkina a connu des attaques très meurtrières dans le nord du pays. Ces dernières années (2016, 2017, 2018), des attentats commis à Ouagadougou, dans la capitale, avaient aussi ciblé des lieux très fréquentés par les étrangers. Comment allez-vous garantir la sécurité des festivaliers du Fespaco 2019 ?

Nous savons que c’est une grosse préoccupation de nos amis. Mais le gouvernement du Burkina Faso a pris toutes les mesures pour assurer la sécurité des festivaliers, qui viendront en sécurité et qui repartiront en sécurité. Le Burkina est un pays qui a une longue tradition de ces événements culturels.

Jamais un seul événement, même ces dix dernières années, n’a suscité de problèmes d’insécurité. Au Burkina, nous avons développé une expertise dans la réalisation de la sécurité autour de ce type d’événement. Donc, nous ne sommes pas inquiets et nous voulons rassurer nos amis qu’ils peuvent venir au Burkina Faso, célébrer la fête du cinéma africain, et repartir en toute sécurité.

Après la chute du président Blaise Compaoré, en 2014, il y avait une certaine effervescence culturelle à observer, dans le théâtre, la danse, les arts plastiques, le cinéma… Selon vous, quel rôle devrait jouer la culture dans la transformation de la société ?

Le Burkina, c’est le pays de la culture par excellence sur le continent. Cette dynamique s’est amplifiée, parce que le Burkina, aujourd’hui, est un pays de liberté, parce que les artistes, pour créer, ont besoin de liberté. Or, au Burkina, aujourd’hui, les gens sont libres. C’est pour cela que nos amis doivent comprendre que ce n’est pas le Burkina qui fait l’objet de l’attaque, c’est le modèle de société que les Burkinabè ont choisi, autour de la liberté, la démocratie et l’égalité.

Économiquement, le cinéma en Afrique de l’Ouest est toujours très fragile. Pour développer l’industrie cinématographique et la distribution des films africains, misez-vous plutôt sur le financement de salles climatisées à la Gaumont ou Vivendi ou plaidez-vous en faveur de salles en plein air, un modèle préconisé par le cinéaste sénégalais Moussa Touré ?

Les 50 ans du Fespaco vont nous permettre de faire un choix clair. Il faut sortir du cinéma de symbole. Il faut que les acteurs du monde du cinéma puissent vivre véritablement de ce métier. Le cinéma est une grosse industrie qui génère beaucoup de ressources. Il faut qu’on en sorte de cette forme de dépendance des acteurs du cinéma vis-à-vis des États qui sont confrontés à beaucoup d’autres difficultés.

Donc, il y a une sorte de rareté de ressources. Notre sujet à nous : il faut que le cinéma s’ouvre vers des hommes d’affaires. Et on ne peut pas faire un business si l’on n’a pas de salles de cinéma. Mais on peut avoir des salles climatisées à côté de cinémas populaires, avec un système de tarification qui permet à chacun avec ses moyens d’accéder aux films.

On connait le scepticisme du Festival de Cannes par rapport à Netflix. La diffusion de films en ligne, est-ce une chance ou une menace pour le cinéma africain ?

Il ne sert à rien de produire des films qu’on ne peut pas distribuer. Une des difficultés des producteurs de films africains est la distribution. Aujourd’hui, une bonne proportion des gens sont connectés. Tout est aujourd’hui numérisé. Aller contre cela, cela veut dire se battre contre des moulins à vent.

En revanche, ce qui est important – que ce soit Netflix ou une autre plateforme – : quel est le mécanisme pour garantir les droits des producteurs et des acteurs ? Je serai plus volontiers – et nous y travaillons – à la réalisation d’une plateforme de diffusion de films africains. Une plateforme africaine.

A Ouagadougou, en novembre 2017, le président français Macron avait promis la restitution du patrimoine africain en Afrique. Depuis la remise du rapport Savoy-Sarr en novembre dernier, le débat fait rage en France. Est-ce que le Burkina Faso a fait une demande de restitution d’œuvres d’art auprès de l’État français ?

Le Burkina y travaille en ce moment. Au cours de l’année 2019, la requête du Burkina va être introduite auprès des autorités françaises. Lors du dernier séjour du président du Burkina Faso ici en France, c’est une question qui a été débattue avec le président Emmanuel Macron, qui a réaffirmé son engagement.

Ce mardi 15 janvier, je rencontrerai mon homologue français, le ministre de la Culture. C’est une question qui va s’inviter. Ce que je veux dire : au-delà de tous les débats passionnés autour de la question, c’est d’abord une question de principe. Ce sont des biens qui appartiennent à des Africains. Personne ne l’a contesté. C’est en cela que le président français a eu du mérite d’affirmer cette restitution.

Avez-vous déjà une idée concernant le nombre d’œuvres d’art dont vous demandez la restitution ?

Le rapport indique qu’il y a plus d’un millier d’œuvres [1 088 œuvres, ndlr]. Nous allons faire l’inventaire d’ici là. La requête va être introduite avant la fin du premier semestre de 2019.

En 2020, il y aura une Saison des cultures africaines en France. Le Burkina va-t-il y participer ?

J’ai eu l’honneur de recevoir la commissaire générale de la Saison des cultures africaines 2020, N’Goné Fall, à Ouagadougou. Nous avons échangé sur ce projet qui a été en partie aussi lancé à partir d’Ouagadougou… Donc, naturellement, le Burkina Faso, avec les autres pays africains, va y prendre part. Je pense que c’est une idée géniale du président Macron, parce que la France et nous, l’Afrique, nous avons besoin de nous parler davantage. Et la meilleure façon de se parler, c’est de rapprocher les cultures des uns et des autres.

FESPACO 2019 : LA LISTE DE LA COMPÉTITION FICTION LONG MÉTRAGE
– Five Fingers for Marseilles, de Michael Matthews (Afrique du Sud)

– Sew The Winter To My Skin, de Jahmil X. T. Qubeka (Afrique du Sud)

– Ila Akhir Ezzaman (Jusqu’à la fin des temps), de Yasmine Chouikh (Afrique du Sud)

– Desrances, d’Apolline Traoré (Burkina Faso)

– Duga (Les Charognards), d’Abdoulaye Dao et Hervé Eric Lengani (Burkina Faso)

– Hakilitan (Mémoire en fuite), d’Issiaka Konaté (Burkina Faso)

– Miraculous Weapons (Les armes miraculeuses), de Jean-Pierre Bekolo (Cameroun)

– Resolution, de Boris Oue et Marcel Sagne (Côte d’Ivoire)

– Karma, de Khaled Youssef (Egypte)

– Keteke, de Peter Sedufia (Ghana)

– Rafiki, de Wanuri Kahui (Kenya)

– Barkomo (La Grotte), d’Aboubacar Bablé Draba & Boucary Ombotimbé (Mali)

– Indigo, de Selma Bargach (Maroc)

– Mabata Bata, de Joao Luis Sol de Carvalho (Mozambique)

– Hakkunde, d’Oluseyi Asurf Amuwa (Nigeria)

– The Mercy of the Jungle, de Joel Karekezi (Rwanda)

– Akasha, de Hajooj Kuka (Soudan)

– T-Junction, d’Amil Shivji (Tanzanie)

– Fatwa, de Mahmoud Ben Mahmoud (Tunisie)

– Regarde-moi (Look at me), de Nejib Belkadhi (Tunisie)

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