Pour la première fois en monde musulman 19 religieuses et religieux vont être béatifiés ce samedi 8 décembre. La cérémonie va se dérouler à Oran à 13h au sanctuaire de Notre-Dame de Santa Cruz. Tous ont été assassinés dans les années 1990, la décennie noire en Algérie qui a fait plus de 150 000 victimes parmi lesquels 114 imams.
Ils sont 19 à être proclamés bienheureux ce samedi 8 décembre à Oran. L’Eglise catholique voit en eux des martyrs, ce qui veut dire témoins dans le langage chrétien, parce qu’assassinés au nom de leur foi chrétienne et de leur attachement à un peuple qu’ils n’ont pas voulu quitter quand celui était plongé dans la tourmente d’une effroyable guerre civile.
Affrontements entre l’armée et le GIA, le Groupe islamique armé, assassinats ciblés, c’est dans ce contexte politico-religieux qu’entre 1994 à 1996, six religieuses et treize religieux ont trouvé la mort. Parmi eux, les sept moines du monastère de Tibéhirine et Mgr Pierre Claverie évêque d’Oran.
C’est bien la mémoire non cicatrisée de cette décennie noire, sujet tabou en Algérie, qui fait de cette béatification un évènement exceptionnel mais dont la réception peut s’avérer délicate : en somme, pourquoi faire de ces religieux des saints quand en face 150 000 civils ont perdu la vie ? En faisant le choix d’Oran plutôt que du Vatican, l’Eglise honore aussi la mémoire de ces dizaines de milliers d’Algériens morts pour s’être opposés à la violence et au radicalisme.
Une messe rassemblant 1 300 personnes
La messe va se tenir dans l’église Santa Cruz sur les hauteurs d’Oran en présence environ de 1 300 personnes, les familles, les membres des congrégations des religieuses et des religieux, ceux de la petite Eglise d’Algérie. De nombreux imams ont été également invités.
Mais cette béatification délicate reste un sujet délicat notamment concernant la façon dont elle va être reçue par le peuple algérien. « Le risque, c’est que tout d’un coup en Algérie ou dans le monde musulman, on se dise : “voilà une Eglise qui se gausse de ses 19 victimes quand nous on en a eu 200 000”, dont une centaine d’imams, ce qui ne se sait pas du tout en France, soulignait il y a quelques mois Mgr Jean-Paul Vesco l’évêque d’Oran. L’imam de la mosquée qui était au bas de la Casbah, lors du prêche du vendredi suivant l’assassinat du frère Henri Vergès et de la Soeur Paul Hélène, a dénoncé cet assassinat et il a lui même été assassiné. Si c’est de cela dont on parle, alors évidemment, c’est plein de sens ».
C’est précisément le message de cette béatification exceptionnelle, une première en terre d’islam : des hommes et des femmes d’église ont été tués aux côtés de musulmans qui rejetaient la radicalisation et la violence .
RFI