Prises de position surprenantes, déclarations intempestives, mensongères, voire subversives, agitations orchestrées, invectives déraisonnées, violences verbales et physiques… sur fond de déchirures politiques et risques sécuritaires élevés. Le Tableau, loin d’être exhaustif, décrit le contexte de notre Mali, celui de ces trois mois.
En absence d’un consensus (faute de cadre de concertation véritable) sur les défis majeurs auxquels est confronté le pays et aux enjeux qu’il doit faire face (notamment au nord et au centre ou la Majorité et l’opposition ont trouvé prétexte et occasion pour se livrer à un combat de coqs à l’occasion de la réforme constitutionnelle proposée par le président de la République).
Depuis juin, chaque camp se compte et mobilise ses troupes pour des démonstrations sporadiques et spasmodiques dites de force. Tandis que l’opposition semble avoir élu domicile à la Bourse de travail et trouvé à travers les Mouvements de jeunesse une inépuisable source de fantassins qu’elle utilise et instrumentalise à souhait (comme ce fut le cas jeudi pour l’accueil de Ras Bath), la majorité bigarrée jusqu’ici, somnolente laisse l’initiative au seul parti présidentiel de mener la danse et de donner la réplique à travers des meetings (comme c’était le cas ce week-end à Koutiala et Kayes).
Derrière l’apparente bipolarisation de l’échiquier politique en OUI et en NON, le charivari qui accompagne la révision constitutionnelle initiée par le président IBK ne permet guère une lecture objective, en tout cas prospective, du positionnement des acteurs politiques.
La fracture, la contradiction n’est pas que perceptible au niveau de l’affirmation et de l’affichage du OUI ou du NON, elle est aussi dans le choix des stratégies de masse, pour ne pas dire de mobilisation, dans les objectifs, dans les agendas.
L’enjeu des uns n’étant qu’un tremplin pour les autres, il va s’en dire que l’option du court terme pourrait ne pas être un viatique à l’ambition de ceux qui tirent les marrons du feu. Ce qui apparaît aujourd’hui comme un Mouvement coordonné, résolument déterminé pouvant être grippé sur des approches inconciliables ou des objectifs non partagés. Parce que, au-delà de la confrontation entre le OUI et le NON, profile une bataille plus feutrée celle de 2018.
Les manifs çà et là organisées ne sont, dans cette perspective, que l’instrumentalisation ou l’orchestration d’une guerre d’ambition et de positionnement. Ce qui se joue aujourd’hui n’étant qu’une instrumentalisation (voire une manipulation) des troupes pour mieux se positionner. Consciemment ou inconsciemment, celles-ci participent à une bataille avant la lettre.
Dans les deux camps, la stratégie semble à bout de souffle. Dans le camp du OUI, des voix se démarquent (pour l’instant en sourdine) de l’unanimisme autour de la candidature du président IBK. Les déclarations et manœuvres de certains leaders ou partis encore les membres de la majorité ne laissent aucun doute sur leur candidature en 2018 (Adéma, Yéléma, Codem, Mpr, Apm-Maliko…).
Quant au camp du NON, outre les problèmes d’encadrement de la masse (qui est loin d’être acquise à l’opposition : il s’agit de frustrés et de déçus y compris du régime qui suivent plutôt Ras bath), il pourra difficilement surmonter et survivre à la suite inéluctable à trouver à l’équation du leadership. Sur qui peuvent-ils aujourd’hui s’accorder ? Légalement, c’est Soumi, mais en termes de légitimité, la foule est avec le Rasta. Or, le Rasta a été clair dans une vidéo à Paris pour dire que 2018 ne l’intéresse pas.
Les autres vont-ils s’effacer pour Soumi ? Rien n’est moins sûr. Mieux, les cancans de Bamako disent autres choses (nous y reviendrons).
Comme on le voit, la crise de confiance aidant, les leaders du NON auront tous les problèmes du monde à transformer ce mouvement de colère contre le régime du président IBK en une vraie alternative pour 2018. Pour cause ? Si aujourd’hui, la philharmonique est parfaite pour dire NON à IBK (c’est le seul accord), il reste à convaincre les différents mouvements à s’aligner derrière une bannière parmi au moins une dizaine qui aspire à déboulonner IBK de la colline du pouvoir en 2018. Outre la fissure entre les différents mouvements sur leur compagnonnage avec les politiques, il reste à les convaincre de transformer leurs fans en militants. Ce qui est loin d’être gagné également même pour le Rasta.
Ce n’est pas le seul camp du Non qui est confronté à un problème de crise de confiance et de leadership, comme on l’a vu. Outre l’ambition de certains leaders de la majorité de jouer leurs propres cartes en 2018, on ne peut, d’une part, ignorer les conflits (même latents) internes de leadership au niveau du RPM (des voix réclament de plus en plus un congrès extraordinaire) et d’autre part négliger la distance inquiétante entre le président IBK et son parti ainsi que sa majorité présidentielle.
Comme on peut le voir, la clarification n’est pas pour demain.
Affaire à suivre
Par Sidi Dao
Source: info-matin