La corruption et la délinquance financière sont des fléaux qui tuent l’économie et entravent l’essor des pays dits en développement. Malgré la multiplicité des services de contrôle, le mal persiste. Le réalisateur Djibril Kouyaté a eu le bon réflexe en montant un scénario sur le fléau de la corruption dans la série “Walaha”. Ce film à épisodes a révélé au grand public, le prototype du fonctionnaire que l’opinion nationale et les bailleurs de fonds désirent pour l’administration malienne. C’est-à-dire un cadre intègre et engagé pour la réussite du service qu’il dirige. C’est pourquoi, son acteur principal, Amion, a forcé l’administration des Maliens. Sorti de nulle part, il a créé la sensation et a donné une notoriété au film. De son vrai nom Badra Alou Sissoko, Amion a un diplôme supérieur en journalisme, reporter, caméra, photo obtenu en 2000. Contrairement à ce que nous pensions, il est plutôt un collaborateur extérieur de l’ORTM. Sinon il a sa propre entreprise de communication pour faire les reportages des grands événements sociaux, culturels et sportifs.C’est un homme modeste et aimable, que nous avons rencontré dans le cadre de notre rubrique commune “Que sont-ils devenus ?” Comment le choix du réalisateur Kouyaté s’est porté sur lui dans le film Walaha ? Qu’est-ce qu’il a ressenti face à cette grande responsabilité? Etait-il convaincu de son talent pour relever le défi ? Comment a-t-il a gagné le pari sans être un comédien de la tempe de feu Balla Moussa Kéïta ? Quelles ont été les retombées des films dans lesquels il a joués ? Le grand photographe nous déballe tout !
oilà un homme calme, discret et gentil avec tout le monde. Sa célébrité après le film Walaha n’a eu aucun impact sur son comportement de tous les jours. Pourquoi ? Amion dit que son éducation ne lui permet pas d’être hautain, ou extravaguant. C’est à dire il sait qui il est, d’où il vient, et où il va. Parce qu’entre la vie et la mort, l’homme doit adorer le bon dieu, servir ses parents, son entourage avec respect et soumission, afin de laisser une belle image pour ses enfants. Quelle leçon de morale !
“Le cachet des artistes maliens est faible par rapport à leur talent”
Badra Alou Sissoko dit Amion est photographe et collaborateur de Radio Mali, puis de l’ORTM depuis 1978. Leurs relations ont été toujours les meilleures. Pour des raisons personnelles, il n’a pas voulu accepter d’être embauché par Bozola. Il a sa propre entreprise dénommée “Préférence Production”. Ce qui lui a permis d’avoir des contrats en France, en Allemagne, au Niger et en Côte d’Ivoire.
Comment parvient-il à concilier le cinéma et ses activités professionnelles ?
Amion soutient que les deux sont indissociables : le film bouge, la photo fixe. Chaque fois que le tournage du film coïncide avec ses contrats, il trouve les moyens d’arranger son emploi du temps. Autrement dit, il concilie les deux activités, sans problème. Cependant, il regrette qu’au Mali, aucun comédien ne peut vivre de son art. Parce que le cachet des artistes est faible par rapport à leur talent. En comparaison à leurs homologues du Burkina Faso, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Togo, qui vivent de leurs métiers, les comédiens maliens ne peuvent pas vivre de leur art. Seul l’amour du métier les retient. Amion a profité de cette brèche, pour aborder l’aspect des retombées financières du film Walaha.
Certes, il n’a pas gagné l’argent au sens réel du terme, mais Amion reconnait que le film Walaha lui a tout donné. Un trésor qui lui a ouvert toutes les portes au Mali, en Afrique, et même en Europe. La preuve en est qu’il a inspiré un autre cinéaste, Souleymane Cissé, qui a porté son choix sur lui, quand son acteur initial a eu de la peine à s’accommoder au scénario d’un de ses films, dès les premiers instants de la répétition.
En effet, dans le film Miyé, Amion a également créé la sensation, par ses atouts à interpréter ses rôles. Classé meilleur film africain aux festivals de Cannes, en France et de Hollywood, aux Etats Unis, cette deuxième expérience de Badra Alou Sissoko a été une occasion pour lui de rencontrer de grandes personnalités du cinéma mondial, de monter sur le tapis rouge étalé pour la circonstance, un rêve de tous les acteurs et artistes.
C’est la série Walaha du réalisateur Djibril Kouyaté qui a propulsé Badra Alou Sissoko dit Amion au-devant de la scène jusqu’à ce qu’il se tape une célébrité au sein de l’opinion nationale et internationale. Quel y a été son rôle ?
La vérité du destin !
Directeur d’une compagnie aérienne engloutie sous le poids des dettes, Amion se lance dans la gueule du loup, dans sa tentative de redressement de l’entreprise. Il faisait face à des frondeurs, qui pensaient que le nouveau directeur est en train de les étouffer. Parce qu’il a mis fin aux anciennes pratiques mafieuses. Rejoint par la deuxième femme d’Amion, et soutenu par le ministre de tutelle, ce groupe de frondeurs a eu raison de l’homme. Il sera relevé, arrêté et jeté en prison. Ces dernières images du film ont laissé les téléspectateurs sur leur faim, par rapport à sa suite. Un coup d’essai, devenu un coup de maître, dit-on. Comment le choix du réalisateur Djibril Kouyaté s’est-il porté sur Badra Alou Sissoko ? L’acteur explique : “Un jour, j’étais de passage à l’ORTM quand Abdramane Somé me demanda de faire un tour dans la salle de casting, où se tenait une réunion. Il n’a pas fait d’autres commentaires. Mon respect à son égard m’obligea à aller dans ladite salle. Effectivement, s’y tenait une réunion au cours de laquelle le réalisateur Djibril Kouyaté devrait choisir l’acteur principal. Quand je suis rentré, subitement, Kouyaté s’est levé pour dire que l’acteur dont il rêvait est venu. Il m’appela par le sobriquet Amion. Pour n’avoir rien compris, je suis resté figé, estomaqué. Il m’installa et m’expliqua ses intentions. Mon cœur a failli s’arrêter. Je lui ai dit que je connais la caméra et la photo, mais pas le film. Il m’a convaincu d’accepter ses propositions. Au moment de nous séparer, nous avons échangé les numéros. A peine j’arrive à la maison, Djibril Kouyaté me dit au téléphone qu’à travers son film je serai le comédien le plus populaire du Mali. Dieu merci, tout s’est bien passé, grâce au soutien de ma famille, de mes amis. Mieux, le film m’a donné une célébrité incroyable. Partout où je pars, on m’interpelle sur le film. Des clubs de soutien se sont créés partout. C’est là où j’ai compris que le temps a donné raison à mon ainé Djibril Kouyaté, paix à son âme”.
Après ce coup d’essai, Badra Alou Sissoko a joué dans d’autres films : Kabala, Toile d’araignée, Sidagamie etc. …
Dans la vie, Badra Alou Sissoko dit Amion aime la franchise et le travail pour assurer son indépendance. Il déteste le mensonge et le dédain.
Les confidences de Momo
Il est marié avec 6 enfants, dont 3 filles. C’est d’ailleurs le cinquième, du nom de Mohamed Sissoko dit Momo, qui nous a tenus en haleine pendant au moins trente minutes. A notre arrivée aux environs de 10H30, son père n’était pas sur place. Assis à la porte pour attendre notre héros du jour, son fils Momo nous bombarda de questions.
Pourtant âgé seulement de 6 ans et maniant le Français comme un universitaire, il nous informa que son père a trois véhicules dont deux sont stationnés en France. Lui-même fait la 3ème A dans une école française. Pour parler de son avenir, contrairement à son père, Momo projette d’être un joueur du FC Bayern. A la question de savoir, qui est son père que nous ne connaissons pas assez, l’enfant ne s’est point gêné de savoir si réellement nous sommes nés au Mali. Son interrogation peut paraitre arrogante ou discourtoise vis-à-vis d’un tonton, mais il s’est précipité de dire que tout le Mali connait son père. Parce qu’il s’appelle Amion, il a tourné dans Walaha, Miyé et autres. Devant notre insistance à ne pas connaitre son vieux, le fiston Mohamed alla jusqu’à nous proposer de consulter Google dans notre téléphone, en tapant le nom d’un des films. C’est sur ces entre faits que son père apparait de l’autre bout du carré, et brusquement Mohamed nous sauta au cou pour montrer Amion, qui a compris que le jeunot nous fatiguait par ses “faux” débats. L’attitude du petit Mohamed met en évidence cette folie de grandeur qui atteint tous les enfants à son âge. Cela nous a permis néanmoins d’être patients pour attendre son papa.
Pour parler des perspectives, Badra Alou Sissoko dit Amion compte dans l’avenir ouvrir une école de formation de comédiens et de réalisateurs.
Sur le plan cinématographique, il a déjà sous la main une dizaine de scénarios écrits, le moment venu il cherchera des bailleurs pour les réaliser.
Comme bons souvenirs, il retient le festival de Cannes. Le fait qu’une de ses nièces soit poignardée à la suite d’une mauvaise interprétation du rôle qu’il a joué dans le film Walaha constitue un très mauvais souvenir de sa vie.
O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali