Un graffiti dans le centre de Kidal. Sur la droite, le drapeau de l’Azawad. | Sylvain Cherkaoui / COSMOS pour Le Monde
Ni un village, ni une ville, ni une région, encore moins un « pays ».
L’Azawad n’est rien d’autre qu’un ancien lieu de pâturage où, depuis maintenant un demi-siècle, il n’y a plus, la moindre herbe qui pousse.
Le temps implacable, les très faibles pluviométries et les vents de sable ont même fini par effacer définitivement ce minable espace au nom duquel certains psychopathes ont entaché de sang l’histoire du Mali indépendant.
A peine l’indépendance nationale acquise en 1960, certaines composantes des populations du nord du Mali avaient pris les armes pour réclamer un territoire : l’Azawad.
Une rébellion vite réprimée et qui a attendu les années 1990 pour se manifester de nouveau.
Depuis, des morts et des blessés ont été enregistrés par centaines pour une histoire méconnue de beaucoup. Souvent des mêmes acteurs de cette guerre insensée.
Pour mieux apprécier le phénomène, un géographe chercheur au Centre Ahmed Baba de Tombouctou, un éminent historien de la ville des 333 Saints, nous a édifié sur ce que c’est que l’Azawad et comment certains de nos frères en sont venus aux armes pour une portion de terre hostile d’ailleurs à toute vie humaine.
En effet, selon San Chirfi Alpha, géographe chercheur au Centre Ahmed Baba de Tombouctou, l’Azawad ou « terre de pâturage », existe bel et bien, mais seulement du point de vue géographique.
C’est une sorte de région naturelle, une bande désertique située au nord de Tombouctou entre Araouane et Taoudenit.
L’Azawak donc n’est qu’une composante du relief dans le nord du pays tout comme l’Adrar des Ifoghas, ou encore les falaises de Bandiagara, les monts mandingues, les collines de Koulikoro dans le reste du pays.
Aussi, parallèlement à l’azawad qui se limite à Araouane, commence une autre vallée sèche dénommée Azawak qui s’étend de Ménaka à Ansongo.
L’Azawad donc, selon le chercheur San Chirfi n’est qu’un élément du sahel où jadis, deux types d’activités étaient pratiquées : l’élevage autour des oasis et une agriculture insignifiante des nomades.
Quant à une population dite de l’Azawad, soutient le chercheur, elle n’existait et n’existe toujours pas dans la mesure où, 80% de ceux qui occupaient l’Azawad étaient des nomades, donc en constant mouvement.
Toutefois, explique pour sa part l’historien Abdourahamane Abdou Maïga, l’Azawad n’a jamais constitué historiquement un terroir, car ne constituant depuis toujours qu’une de zone de transit pour les caravanes commercialisant le sel gemme entre l’Algérie et Tombouctou.
D’ailleurs, ajoute l’historien, du point de vue concentration humaine, l’Azawad n’avait jamais été habité et ne l’est pas encore en dehors de ses limites Taoudenit et Araouane.
Quelle lutte pour quelle libération ?
Pourquoi donc, pour une zone désertique, inhabitable, des frères touaregs ont-ils pris les armes ?
L’histoire remonte selon Abdourahamane Abdou Maïga, en l’an 1957, trois ans avant l’accession de notre pays à la souveraineté nationale, quand, désespéré, le colonisateur français tentait de créer l’organisation commune des Etats sahariens. C’est alors qu’un Cadi d’Arouane Mohamed Maouloud avait été coopté par le colon qui faisait ses bagages et qui avait alerté : « Bientôt le Soudan ira à l’indépendance. Si les touaregs ne luttaient pas, ils seront sous la domination noire. Il faut créer un Etat saharien entre l’Algérie et la Mauritanie. C’est-à-dire un Etat dans l’Etat malien ».
Le colonisateur français venait de semer les prémices d’une division dans notre pays. Et ce sera, grâce aux efforts conjugués de plusieurs patriotes maliens notamment de Mahamane Alassane de Tombouctou que l’idée sécessionniste avait été combattue et le dessein de création d’un Etat saharien était tombé dans l’oubli.
Ce ne sera hélas pas pour longtemps car trois ans après l’accession de notre pays à l’indépendance, en 1963, des groupuscules touareg s’étaient organisés dans l’espoir de pouvoir créer un Etat à part entière dans un autre : le Mali.
La rébellion qui avait alors vu le jour, a été systématiquement démantelée par la 1ère République conduite par Modibo Kéïta. Mais, après, explique l’historien Maïga, d’autres groupuscules, touaregs et arabes, aidés par certains Etats voisins, se sont réorganisés à partir de juin 1990 pour reprendre les armes.
Boubacar Sankaré