Depuis quelques semaines, les réseaux sociaux s’enflamment avec les relents d’un accord probable entre le gouvernement du Mali et la société de sécurité privée russe Wagner.
Dès l’annonce de la nouvelle, la Coordination des mouvements de l’Azawad, l’un des principaux groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, a clairement affiché dans un communiqué sa ferme opposition à cette décision qu’elle juge maladroite et aventureuse. La CMA dit tenir l’Etat malien pour responsable des conséquences d’un recours aux services d’une milice étrangère pour assurer sa sécurité au Mali.
Plus loin, le groupe armé en profite pour évoquer la sulfureuse réputation des paramilitaires russes et s’inquiète d’un alourdissement du tribut que les populations du Nord ont déjà payé à la crise, en cas d’intervention de mercenaires.
Autant dire que les groupes armés constitutifs de la CMA annonçaient ainsi les couleurs d’une posture défensive, à en juger par certaines sources qui indiquent que des concertations et mesures sont déjà en cours pour affronter toute éventualité.
C’est ainsi que la plupart des congrès prévus en ce mois d’octobre sont curieusement reportés, probablement pour des besoins d’organisation et de stratégie.
Le groupe Wagner viendra-t-il achever un processus de paix déjà en agonies depuis années ? En tout cas, par-delà les appréhensions qu’elle suscite du côté de la CMA, la milice russe n’est pas non plus la bienvenue aux yeux de la communauté internationale. Laquelle menace de ne pas cohabiter avec des mercenaires sur le théâtre sahélien.
Le ton avait été donné dans ce sens par la ministre française des armées Florence Parly, avant que le président Emmanuel Macron ne dénonce à son tour ce qu’il qualifie de mascarade orchestrée « par un gouvernement illégitime ». Il n’en fallait pas autant pour que l’Union européenne enchaîne en entérinant la décision de la France sur cet épineux dossier. Tous ces acteurs sont aujourd’hui au chevet du Mali et de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger.
Après six années d’accompagnement, leur retrait de ce processus n’est pas à exclure en cas d’entêtement des autorités maliennes à accueillir Wagner. Or, sans cette communauté internationale garante de l’accord, le précieux instrument risque de tomber définitivement en désuétude, surtout qu’il tient à peine sur les frêles piliers de ses résultats mitigés.
Ce processus de paix chèrement acquis est en définitive sur le point de connaître le même sort que ses prédécesseurs de 1992 et de 2006 jetés aux oubliettes pour n’avoir su apporter la solution à la récurrente crise du septentrion malien. Cette fois-ci, la volonté d’y parvenir résistait jusque-là aux tergiversations et diversions que traduisent les feuilles de route et chronogrammes de mise en œuvre constamment déjoués et contournés, mais la dynamique de paix survivra difficilement à l’avènement de mercenaires dont l’annonce affecte déjà le peu de confiance qui existe entre le gouvernement et les parties signataires de l’Accord.
Toutes choses corroborées par les nouvelles d’une réorganisation belliciste des forces de la CMA, qui permet d’en déduire que s’annonce un ajournement sine die de la stabilité dont le Mali a besoin pour reprendre son envol socio-économique freiné depuis une décennie.
Mohamed Assaleh
Source : Le Témoin