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Avant-projet de nouvelle Constitution du Mali : Quand des parents veulent enchainer les enfants

Pourquoi, certains parents veulent s’ériger en obstacle pour une nouvelle Constitution ? S’interroge Dr. Mahamadou Konaté. Pour ce politologue averti, il n’est pas juste de faire croire, que vouloir une nouvelle Constitution signifie que l’on rejette l’opportunité et l’utilité du sacrifice effectué par nos parents en mars 1991. « Notre volonté d’aller vers une nouvelle Constitution doit être respectée », dit-il.

 

Fils de combattant pour l’avènement de la démocratie au Mali, je m’adresse à tous ceux de nos pères et mères ayant mené ce noble combat, qui, pour cela, continuent de penser qu’eux seuls détiennent la plume de l’histoire et la clé du destin national.

Mon vénérable père Harouna Konaté, septuagénaire, a fait tant de sacrifices, presqu’anonymement, aux côtés des Victor SY, Alou Diarra, Tièbilé Dramé, Dioncounda Traoré, des prisons de Ménaka à la répression du soulèvement populaire du 26 mars 1991, pour qu’à l’autocratie et au sous-développement puissent se substituer la démocratie et le développement.

La Constitution du 25 février 1992 a été le compromis minimal possible pour fonder cet espoir. La pratique qu’on en a faite, tous conviennent, a été pour le moins vicieuse.

Cette Constitution a déjà vécu 30 ans, malgré de graves crises qui l’ont ébranlée, jamais révisée. Bravo ! Mais en 30 ans, les enfants ont grandi, ils sont devenus des hommes et des femmes qui pensent par eux-mêmes, et acquièrent le droit de rêver d’un autre Mali que celui que leurs pères ont programmé quand ils avaient leur âge en 1992.

Ces enfants, tout comme leurs pères, ont dû mener un nouveau combat populaire, avec certains d’entre eux d’ailleurs, contre une nouvelle forme d’autocratie, engendrée par la pratique démocratique, en l’occurrence la ploutocratie d’un homme et de sa famille. Certains ont connu la prison, la baïonnette et même la mort. Ainsi, ont-ils gagné leur droit naturel à disposer d’eux-mêmes.

Comme ce fut le cas pour leurs pères en 1991, leurs frères d’âge des Forces armées et de sécurité ont fini par se ranger derrière eux, pour convaincre les ploutocrates de lâcher prise, le 18 août 2020.

Ils ont eu un idéal, foi en leur cause, ils se sont battus les mains nues jusqu’à la victoire. Ils méritent que leurs pères les respectent, les écoutent et leur laissent la chance d’essayer leur solution.

Leur idéal, ce n’est plus l’avènement de la démocratie, ils ne remettent pas en cause ses principes, c’est la refondation de ses règles pour construire un Mali-Kura, animé par une gouvernance vertueuse des affaires publiques, loin des excès et des vices des pratiques anciennes. Et pour ce faire, ils veulent se donner une NOUVELLE Constitution, en lieu et place de celle léguée par les pères. Ils en ont gagné le droit, ils ne l’ont point quémandé.

Pourquoi, alors, certains des parents veulent s’ériger en obstacle ? Pas pour le contenu, mais pour le contenant ? REVISION, oui, NOUVELLE Constitution, non ! La Constitution de 1992 est-elle devenue une marque déposée ? Un bijou trop personnel pour s’en débarrasser ? Après moi, peut-être mais jamais de mon vivant ? Ces parents ont-ils manqué la leçon de l’histoire ? Si nos grands parents s’étaient dressés de la sorte devant eux, contre une Constitution qui ne leur ressemblait guère, en seraient-ils fiers ? Ils ont au contraire cru en eux, les yeux fermés, nous ne leur demandons pas autant, juste de croire en nous…

Les autorités de la Transition ont décidé d’élaborer une nouvelle Constitution, et c’est justement visé, car aucune obstruction juridique ne s’y oppose. A cette heure, le débat sur la révision perd de son inutilité. Nous avons un Avant-projet de Constitution, qu’il faut examiner dans sa formulation et son fond, afin de contribuer à son amélioration lors de l’adoption de son projet. C’est là où les parents peuvent nous être les plus utiles, là où ils doivent nous être utiles, en nous révélant ce qui a pu conditionner leurs échecs et leurs réussites, pour que nous nous en inspirions librement. Puisque c’est de notre avenir qu’il s’agit, nous devons en demeurer les architectes. Notre volonté d’aller vers une nouvelle Constitution doit être respectée.

Et il n’est pas juste de faire croire, que vouloir une nouvelle Constitution signifie que l’on rejette l’opportunité et l’utilité du sacrifice effectué par nos parents en mars 1991. Il est gravé dans le préambule de cet Avant-projet de Constitution, alinéa 12, que le Peuple « affirme sa volonté de renforcer les acquis démocratiques du 26 mars 1991 et de promouvoir les idéaux de la refondation portés par les acteurs du changement ». Qu’est-ce qui manque ici ?  Quelqu’un souhaite-t-il qu’on consacre tout une page à cet engagement ? Ou bien, c’est le fait d’avoir concilié le combat d’hier et d’aujourd’hui sur la même enseigne qui pose problème ? Le plus important n’est-il pas d’affirmer que nous croyons tous en un bon système démocratique calibré sur les aspirations de notre peuple ?

L’Avant-projet que nous avons à l’étude n’est qu’une proposition ouverte, des éléments pour stimuler la réflexion de la future assemblée constituante. Il y a des innovations heureuses, aussi bien que malheureuses, par rapport à la Constitution de 1992, appelée à disparaître. Voilà les vrais sujets de débats. J’y ai déjà consacré deux notes analytiques sur lesquelles je ne veux pas revenir. Néanmoins, en l’état, je ne souhaite pas que cet Avant-projet de Constitution soit entériné en Constitution, parce qu’il nourrit les conditions d’une autocratie, voire d’une ploutocratie contre lesquelles nous nous sommes battus il y a seulement deux ans.

Cependant, les marques de notre ADN qu’il contient doivent être conservées, telles que l’officialisation des modes traditionnels de règlement des différends, la vocation des langues nationales à devenir des langues officielles, la définition de la laïcité, la valorisation des légitimités traditionnelles et de leur rôle dans nos sociétés.

La Constitution, comme chacun le sait, doit convenir au naturel d’un peuple comme une tunique à un homme. Trop grande ou trop serrée, il ne mettra pas longtemps avant de la rafistoler ou la jeter pour une autre.

Dr. Mahamadou Konaté

Source : Arc en Ciel

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