M. Mugabe dit ne pas en vouloir à son ancien vice-président, qui lui a succédé, mais estime que celui-ci a « trahi toute la nation ». « Je n’ai pas de haine pour Emmerson » mais « il n’est pas convenable à sa place, il n’est pas légal », poursuit le nonagénaire.
Tout au long de son règne, Robert Mugabe a essuyé les critiques des organisations de défense des droits humains et de son opposition, qui l’ont accusé d’avoir systématiquement triché lors des élections pour se maintenir au pouvoir.
Une sortie « parfaitement calculée »
Depuis sa démission, M. Mugabe était resté extrêmement discret, reclus dans sa résidence. Jusqu’à cette première sortie médiatique, qui intervient à quelques mois des élections générales, annoncées par M. Mnangagwa avant juillet. « Sa sortie est parfaitement calculée », a commenté à l’AFP l’analyste Gideon Chitanga, du centre de réflexion Political Economy Southern Africa de Johannesburg. « Elle va continuer à saper la légitimité du gouvernement Mnangagwa. »
L’apparition sur une photo de l’ancien chef de l’Etat aux côtés de l’ex-général Ambrose Mutinhiri, candidat déclaré à la présidentielle, a même nourri les plus folles rumeurs sur son éventuel retour en politique. M. Mutinhiri vient de claquer la porte de la ZANU-PF (au pouvoir) et a créé un nouveau parti, le Front national patriotique (NFP).
Emmerson Mnangagwa, patron de la ZANU-PF et lui aussi en campagne pour l’élection présidentielle, a reconnu qu’« il y avait un problème avec l’ancien président ». M. Mugabe s’est plu, jeudi, à entretenir le trouble en tendant la main à son successeur. « Si pour corriger cette illégalité il veut discuter avec moi, je suis d’accord pour discuter, pour aider à ce processus ». « Mais je dois être invité formellement à cette discussion », a souligné Robert Mugabe.
#RetiretoiEnPaixBob
Les entretiens diffusés jeudi ont, sans surprise, provoqué une avalanche de réactions. « Cet homme a détruit nos vies, a assassiné des milliers de personnes et m’a personnellement fait du mal, à moi et ma famille », a déploré sur son compte Twitter le pasteur Evan Mawarire, à la tête d’un mouvement de protestation réprimé en 2016. « Aujourd’hui, il a apparaît sur un média étranger qu’il avait interdit et demande à participer à une transition », a poursuivi M. Mawarire, ajoutant un mot-clé : #RetiretoiEnPaixBob.
« La façon dont ils se sont débarrassés de Mugabe n’est pas juste, a au contraire jugé Batsirai Tambawoga, un coiffeur de Harare, interrogé par l’AFP. Notre espoir est que les élections nous permettent de choisir un chef qui sera légitime. »
Interrogé par ITV News sur son bilan et sur la situation économique calamiteuse, Robert Mugabe estime « qu’en comparaison d’autres pays d’Afrique », le Zimbabwe a « eu une meilleure prospérité et les gens ont leur terre ». Concernant les attaques contre les droits humains, il reconnaît : « Oui, il y a eu des erreurs » commises.