Le Cabral nous manquera. Même si pendant dix jours, il a mené beaucoup au bord de l’infarctus et fait tomber d’autres à syncope. Même si après chaque match des Aigles jusqu’en finale, les supporters maliens avaient l’impression d’avoir été rejetés par une broyeuse concasseuse.Même si calvaire après martyre, chacun d’entre eux jurait que l’on ne s’y reprendrait plus.
Le Cabral nous manquera parce qu’il brisait la monotonie de nos derbies à répétition et qu’il suscitait une vague émotionnelle en rien comparable à celle provoquée par les compétitions africaines de clubs. Il drainait avec lui une atmosphère particulière ou l’amitié née du voisinage n’exclut pas la rivalité sans concession et où chacun tient à la place qu’il estime être la sienne.
Le Cabral nous manquera enfin comme nous aurait manqué un feuilleton à suspense dont malheureusement le dernier épisode vient d’être projeté. La coupe n’est pas allée au plus talentueux (le Cap-Vert) ni au mieux organisé (le Sénégal) ni même au plus confiant (la Guinée). Mais au plus opiniâtre, à celui qui s’est accroché à elle du bec et des ongles, qui a failli, à deux reprises, être basculé par dessus bord et qui, parle deux fois, a réussi des rétablissements providentiels.
Les Aigles sont indéniablement les miraculeux de la compétition et comme tous ceux qui reviennent de loin, ils ont trouvé en eux les ressources nécessaires pour aller jusqu’au bout. Ils n’ont pas souvent soigné la manière mais ils n’ont pas non plus ménagé leur peine, compensant par l’effort ce qui leur manquait en assise tactique et en assurance de manœuvre.
Ce fut sans doute au stade des demi-finales qu’ils ont dû sentir que le plus dur avait été fait. Car, malgré leurs mérites, ni la Sierra Léone, ni la Guinée n’avaient le coffre et les armes du Sénégal et de la Guinée Bissau. Et ce fut très logiquement que les poulains de Kidian Diallo ont franchi avec moins de peine qu’attendu les deux derniers obstacles.
Dans l’ultime ligne droite, même si le style ne s’améliorait pas, le comportement des éléments clés s’affirmait de plus en plus. En premier celui des «Pros».
Le plus admirable fut sans aucun doute Vieux Diallo dont l’art de soliste perturba tous ses adversaires et qui trouva sa juste récompense avec un but et une passe décisive en finale. Gaoussou Samaké en petite forme s’imposa comme indispensable rassembleur qu’il fallait aux Aigles et même si son empreinte sur le jeu ne s’avère pas très nette, son autorité fut bien utile dans les passes difficiles que traversa l’E. N. Quant à Abdoulaye Kaloga, il est dommage qu’une blessure en finale ait écourté la résurrection de l’artiste, résurrection que l’on avait attendue trois matches et demi.
Si le trio était disponible dans sa forme présente contre la Côte d’Ivoire (en éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations, ndlr), les chances d’aller en Algérie l’an prochain s’annoncent raisonnables. Car, nous ne faisons pas d’illusions, les expatriés demeurent le moteur de la sélection nationale et ceux qui vitupéraient contre leur petite forme au début de la compétition auraient été embarrassés de leur trouver une triplette de substitution dans «les ressources locales». Faut-il rappeler que le Djoliba et le Stade ont été sortis (des deux coupes d’Afrique des clubs, ndlr) par des adversaires bien modestes, cela parce qu’ils n’ont pas su penser leur football ?
Les ressources locales suffisent en tous les cas pour garnir les autres lignes. Vieux Diallo et Oumar Guindo derrière. Yacouba Diarra et Tostao (Mahamadou Cissé) devant demeurent les grosses satisfactions du Cabral qui a permis à Kidian Diallo de pratiquement circonscrire un groupe-type. Maintenant, il convient surtout de récupérer des efforts consentis.
Car, à notre avis, la cohésion est déjà acquise et il serait vain de croire qu’en un mois les Aigles parviendront à se donner un style plus fluide que l’actuel.
La Côte d’Ivoire sera donc affrontée avec pratiquement les mêmes faiblesses affichées lors du Cabral, mais aussi avec la même ambition, la résolution et, souhaitons-le, la même efficacité (les Aigles ont terminé avec la meilleure attaque du tournoi, 9 buts en 5 matches). Notre cocktail est un peu particulier mais jusqu’à présent il s’est révélé imbuvable pour nos adversaires.
G. DRABO
NB : Après le Cabral, le Mali a été éliminé au deuxième et dernier tour des éliminatoires de la CAN, Algérie 1990 par la Côte d’Ivoire (aller 2-2 à Bamako, retour 3-2 à Abidjan pour les éléphants).
1979, Sénégal-Mali : 1-0
1980, Sénégal-Gambie : 1-0
1981, Guinée-Mali : 0-0 (6-5 t.a.b)
1982, Guinée-Sénégal : 3-0
1983, Sénégal-Guinée Bissau : 3-0
1984, Sénégal-Sierra Léone : 0-0 (5-4, t.a.b)
1985, Sénégal-Gambie : 1-0
1986, Sénégal-Sierra Léone : 3-1
1987, Guinée-Mali : 1-0
1988, Guinée-Mali : 0-0 (4-2 t.a.b)
1989, Mali-Guinée : 3-0
1991, Sénégal-Capt Vert : 1-0
1993, Sierra Leone-Sénégal : 2-0
1995, Sierra Léone-Mauritanie : 0-0 (4-3 t.a.b)
1997, Mali-Sénégal : 1-0
2000, Cap Vert – Sénégal : 1-0
2001, Sénégal-Gambie : 3-1
2005, Guinée Sénégal : 1-0
2007, Mali-Cap Vert : 2-1