« Les civils sont confrontés à d’immenses souffrances. Il n’y a pas eu de progrès notable dans la mise en œuvre de l’Accord de paix. De plus, malgré les efforts considérables déployés à cet effet, il n’y a pas eu de consensus autour de la durée de la transition », a expliqué le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, El-Ghassim Wane, devant les membres du Conseil.
S’agissant de la situation sécuritaire, il a indiqué que le mois de mars a vu plusieurs attaques meurtrières perpétrées par l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) dans la région de Ménaka et dans le sud de celle de Gao.
« Même si l’élément déclencheur de la reprise des violences dans la zone des trois frontières semble lié à des trafics locaux et à des dynamiques connexes, il convient de noter que ces incidents surviennent dans le contexte du retrait des forces Barkhane et de Takuba. Faisant face à moins de pression, les groupes terroristes bénéficient d’une latitude d’action plus grande, posant un danger accru tant aux civils qu’à nos opérations », a observé M. Wane, qui est également le chef de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA).
Selon lui, face à ces défis, « il est impératif que le niveau de nos capacités et de nos troupes soit maintenu ». « Il est tout aussi important que des réponses adéquates soient trouvées aux défis liés à l’insuffisance de nos capacités ainsi qu’aux restrictions nationales des pays contributeurs de troupes et de police », a-t-il ajouté.
Intensification des efforts de lutte contre le terrorisme
L’envoyé de l’ONU a noté que les forces maliennes ont intensifié leurs efforts de lutte contre le terrorisme dans le Centre pour briser l’emprise des groupes extrémistes sur de larges pans de la région.
« S’il est encore trop tôt pour évaluer leur impact à long terme, ces opérations semblent avoir contribué à une diminution des affrontements armés entre les forces de défense communautaires et les groupes terroristes, des détournements de véhicules, des enlèvements et des attaques contre les moyens de subsistance des populations et les infrastructures locales », a-t-il souligné.
L’offensive des forces maliennes (FAMA) de la semaine dernière contre des éléments de la Katiba Macina dans le village de Moura, au sud de Mopti, s’inscrit dans le cadre de ces opérations. Dans un communiqué publié le 1er avril, les FAMA ont affirmé avoir neutralisé des dizaines d’éléments terroristes contrôlant la zone. Dans le même temps, la MINUSMA a également reçu des informations faisant état de graves atteintes aux droits humains commises contre un grand nombre de civils au cours de cette opération.
« Si l’annonce, hier soir, par le procureur du tribunal militaire de Mopti de l’ouverture d’une enquête, y compris le déploiement sur le terrain du personnel requis, est une initiative bienvenue, il est impératif que les autorités maliennes apportent la coopération nécessaire pour MINUSMA d’avoir accès au site des violations alléguées, conformément à son mandat », a-t-il dit.
Plus généralement sur les droits humains, M. Wane a indiqué que la MINUSMA a ouvert 17 enquêtes sur des allégations d’attaques aveugles contre des civils, d’arrestations extrajudiciaires, de mauvais traitements, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires dans le centre du Mali depuis le début de cette année.
Danger du statu-quo actuel
Concernant le processus de paix, l’envoyé de l’ONU a noté qu’aucun progrès tangible n’a été enregistré. « Au lieu de cela, les trois derniers mois ont été marqués par des actions et des discours inquiétants, non conformes à l’esprit de l’accord », a-t-il dit, ajoutant que la MINUMA continuait de dialoguer avec les parties, les encourageant à aller de l’avant.
Selon lui, « le statu quo actuel comporte d’énormes risques pour l’avenir de l’accord de paix et prive les populations locales des dividendes de la paix auxquels elles aspirent ».
Quant à la transition politique au Mali, elle devait s’achever en mars, conformément au calendrier initial de 18 mois négocié par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) après le coup d’État d’août 2020. « Le non-achèvement de la Transition dans les délais convenus a conduit la CEDEAO à imposer des sanctions économiques et financières en janvier dernier, en plus des mesures individuelles décidées un mois plus tôt. L’impasse a malheureusement persisté, exacerbant les tensions entre le Mali et la CEDEAO et impactant négativement ses relations avec les autres acteurs internationaux », a souligné M. Wane.
Selon lui, aucun effort ne doit être épargné pour parvenir à un accord sur la transition. « Cela permettrait non seulement de lever les sanctions, mesure critique au regard de la situation humanitaire qui prévaut, mais aussi de créer un environnement plus propice à la poursuite des autres processus fondamentaux à la stabilisation du pays », a-t-il ajouté.