Quelque 200 personnes ont été tuées en 2018 dans le nord-est du pays, où s’affrontent djihadistes, milices, forces maliennes et internationales.
Au moment où le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, répète que la « sécurisation » du Mali reste sa priorité, la France a largué, jeudi 27 septembre, 120 parachutistes dans une région troublée de ce pays du Sahel où des violences ont encore fait 35 morts depuis le début de la semaine.
Selon le ministère de la sécurité, 27 personnes ont été tuées et une blessée mardi lors « d’affrontements » entre des « membres de la communauté idourfane », un groupe touareg, dans le secteur d’Inékar, à quelque 45 km à l’ouest de Ménaka (nord-est).
Un détachement militaire, appuyé de gendarmes, s’est « aussitôt rendu dans la zone pour stabiliser la région mais aussi mener des investigations pour connaître le mobile d’un tel déchaînement de violence au sein d’une même communauté », a précisé jeudi le ministère, en assurant que des « dispositions » avaient été prises pour « éviter tout embrasement ».
Citant un habitant d’Inékar, un élu local avait affirmé mardi à l’AFP que des « hommes armés circulant à moto » avaient tué « au moins douze civils ». « Je ne sais pas si c’est le résultat de différends entre tribus, ou un acte terroriste », avait-il ajouté.
« Créer un effet de surprise »
Quelque 200 personnes, dont de nombreux civils, appartenant surtout aux communautés peule et touareg, ont péri depuis le début de l’année dans cette région proche de la frontière nigérienne où s’affrontent notamment des djihadistes ayant prêté allégeance au groupe Etat islamique (EI) et deux groupes principalement touareg soutenant la force française « Barkhane » et l’armée malienne : le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) et le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA).
Mardi, le MSA avait affirmé que « des individus armés sur des motos avaient exécuté 17 civils de deux campements appartenant à la communauté ibogholitane » (touareg).
Le lendemain, sept soldats maliens et un chauffeur civil ont été tués lorsque leurs véhicules ont sauté sur des engins explosifs dans le centre du pays, sur l’axe reliant Bambara-Maoudé à Douentza, a par ailleurs indiqué jeudi le ministère de la défense, en évoquant une « attaque terroriste lâche ».
Jeudi matin, l’armée française a largué 120 parachutistes dans la région de Ménaka dans le cadre de son opération antidjihadiste « Barkhane », selon l’état-major français. Quelque 80 parachutistes ont été largués par deux avions Transall et 40 autres ont sauté d’un A400M, a précisé le porte-parole de l’état-major, le colonel Patrik Steiger.
Cette opération aéroportée « permet de compléter le dispositif en place dans cette région » proche de la frontière avec le Niger, « où se trouvent déjà des forces maliennes et une compagnie de “Barkhane” », a souligné le colonel Steiger. « On combine différentes capacités pour créer un effet de surprise chez les groupes armés terroristes et pour montrer à la population qu’on est capable de venir rapidement », a-t-il commenté.
Phénomène qui déborde
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaida, à la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion à dominante touareg, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.
Les djihadistes en ont été en grande partie chassés ou dispersés à la suite du lancement en janvier 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire, qui se poursuit actuellement. Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature en 2015 d’un accord de paix censé isoler définitivement les djihadistes.
Depuis 2015, ces attaques se sont étendues au centre et au sud du Mali et le phénomène déborde sur les pays voisins, en particulier le Burkina Faso et le Niger.
« La sécurisation du territoire national du Mali demeure notre priorité », avait affirmé samedi le président Ibrahim Boubacar Keïta, à l’occasion du 58e anniversaire de l’indépendance du pays et de son premier grand discours depuis sa réélection pour un second mandat, en août.
A la tribune de l’ONU, M. Keïta a concédé mercredi que la force conjointe du G5 Sahel peinait à devenir « opérationnelle » et appelé tous les contributeurs financiers à « honorer leurs engagements ».
LE MONDE Le 28.09.2018 à 09h15