Le Burkina Faso n’aura eu que huit mois pour s’habituer à la silhouette replète du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, huitième putschiste à inscrire son nom dans la liste des chefs d’Etat qui se sont succédé depuis l’indépendance du pays. L’incertitude sur le camp dans lequel basculerait le pouvoir aura duré deux jours, tout comme la crainte d’une confrontation directe dans les rues de la capitale entre soldats qui lui restaient loyaux et ceux qui s’étaient soulevés depuis la matinée du vendredi 30 septembre. L’officier a finalement déposé les armes et rendu les clés de la présidence qu’il avait lui-même investie par la force.

Après une vaine tentative d’« appel à la raison » des jeunes militaires insurgés, galvanisés par les manifestations de soutien qui les accompagnaient, celui qui avait renversé, le 24 janvier, le président élu Roch Marc Christian Kaboré s’est envolé, dimanche 2 octobre, de Ouagadougou pour se réfugier à Lomé, au Togo.

« Le président Paul-Henri Sandaogo Damiba a proposé lui-même sa démission afin d’éviter des affrontements aux conséquences humaines et matérielles graves », ont indiqué, le même jour, les représentants des organisations religieuses et coutumières, une fois de plus engagés dans une médiation pour permettre une transmission pacifique du pouvoir.

« Chargé de l’exécution des affaires courantes »

Son successeur, le capitaine Ibrahim Traoré, 34 ans, nouveau président autoproclamé du Burkina Faso, a le même visage joufflu que son aîné, affirme les mêmes ambitions de restauration de la sécurité dans un Etat qui a progressivement perdu le contrôle de plus de 40 % de son territoire face aux groupes djihadistes, mais son séjour à la tête du pays pourrait être encore plus bref. Dimanche après-midi, un porte-parole des putschistes a annoncé sur le plateau de la télévision nationale que « le capitaine Traoré est chargé de l’exécution des affaires courantes de l’Etat jusqu’à la prestation de serment du président du Faso désigné par les forces vives de la nation ».

Quand cette consultation aura-t-elle lieu ? Permettra-t-elle à celui qui dirigeait jusque-là depuis Kaya, à 100 kilomètres au nord-est de Ouagadougou, le 10e régiment de commandement d’appui et de soutien, de consolider son assise, de se désister au profit d’un plus haut gradé ou de désigner une personnalité civile pour conduire la transition ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais le jeune officier a déjà eu droit à son bain de foule et goûté aux acclamations populaires.

Source: Le Monde