Après six mois d’enquête, The Associated Press, la plus grande agence d’information américaine, a retrouvé les corps de six Arabes et Touaregs tués à Tombouctou en janvier et février 2013. Toutes les victimes avaient été embarquées dans des camions par des soldats maliens. Parmi les cadavres, celui d’Ali Ould Kabbad, devenu le symbole des représailles contre les Arabes à Tombouctou après l’intervention franco-alienne, et qui a fait l’objet d’un documentaire de France 24. Extraits de l’article de nos confrères.
«À travers le désert, le vent étend le sable en lisses rides, qui se déploient de manière égale sur de larges étendues. Dans cet immense désert, dès qu’un trou est creusé, on peut l’apercevoir immédiatement, car le sable paraît agité, troublé. C’est ainsi que vous savez qu’il y a des cadavres enterrés dans un endroit.
Selon des Associations de défense des droits de l’homme, l’armée du pays a tué ou causé la disparition d’au moins une trentaine de personnes cette année. Les victimes ont été prises au piège durant une chasse aux Arabes et aux Touaregs, des habitants du désert qui constituent une petite minorité ethnique dont la taille régresse au fil du temps au Mali.
En ma qualité de Chef de bureau d’Associated Press en Afrique de l’Ouest, il m’était indispensable de savoir quel avait été le sort de ces personnes. Pendant six mois, j’ai poursuivi mes recherches et dépisté des traces, même si j’aurais bien voulu ne pas avoir abouti à ce que j’ai découvert: Six corps dans le désert, y compris un grand-père de 70 ans, qui est devenu un symbole de ces meurtres.
Dans chacun des cas, les victimes ont été vues pour la dernière fois emportées par l’armée malienne. Dans au moins quatre cas, l’armée malienne a été désignée comme coupable dans un rapport interne, dont le contenu m’a été montré mais qui n’a jamais été diffusé en public.
Ces cadavres sont une preuve concrète des meurtres commis et jusqu’ici niés en public par le gouvernement malien. Si le gouvernement avoue le décès de ces personnes, il pourra mener les meurtriers devant la justice et éventuellement remettre les corps des décédés à leurs familles éprouvées, qui ne savent pas où leurs proches ont été enterrés ou ont été dissuadées de tenter de les récupérer.
Le gouvernement malien, qui a eu la promesse de recevoir 4,2 milliards de dollars d’aide de la communauté internationale, refuse de commenter notre information. L’armée, quant à elle, réagit avec colère. «Vous n’avez pas de preuves. Montrez-moi les preuves!” dit le Colonel Diarran Koné, chargé de communication du ministère de la Défense du Mali. Et, après avoir appris qu’Associated Press avait retrouvé les corps, il ajoutera: «nous n’avons aucune réaction par rapport à ça».
Rukmini Callimachi, AP