Faute de déclassifier le dossier en vue d’édifier les familles des victimes sur les circonstances de la mort des deux journalistes, les autorités françaises tentent, sous la pression des avocats des parties civiless, de se trouver un bouc-émissaire.
Et le chef du gouvernement malien, Soumeylou Boubeye Maïga, ministre de la Défense à l’époque des faits, semble être le bouc-émissaire tout trouvé pour calmer les familles des victimes.
Pour se sortir de ce mauvais pas, les autorités françaises ont recours au même moyen, comme dans l’affaire dite « Tomi » : les médias à sa solde.
Le chantage ne passera pas
Dans deux articles intitulés « Nouvelles révélations révélations sur l’assassinat de nos deux confrères, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, il y a cinq ans, à Kidal au Mali » et publiés, en fin de semaine dernière, par l’Agence- France presse et l’hebdomadaire L’express, il est écrit : « Ces révélations évoquent, pour la première fois, un responsable malien, l’actuel Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga ».
Des accusations qu’il qualifie de « grotesques ». Avant d’ajouter : « j’en aurais ri n’eût été le respect dû à la mémoire de Ghislaine et Claude ».
Il aura donc fallu attendre cinq ans après les faits, pour que le nom du Premier ministre malien apparaît dans cette affaire. Comme par magie.
Selon ces deux médias français, connus pour être les voix de leur maître, il y’aurait eu une conversation téléphonique entre Baye Ag Bakabo, ancien trafiquant et apprenti djihadiste, qui avait fait la prison pour vol d’un véhicule de l’armée. C’est de chez lui, que Ghislaine Dupont et Claude Verlon sortaient, lorsqu’ils sont pris et embarqués dans un véhicule 4X4 par des hommes armés. Au nez et à la barbe de Baye Ag Bakabo, qui n’aurait rien pu faire. La force Barkhane, aussi, elle qui aurait refusé de leur fournir une escorte chez Bakabo. Quelques minutes plus tard, les corps de nos deux confrères sont retrouvés sans vie, à la sortie de la ville. Depuis, l’enquête piétine. Aucun juge, qu’il soit malien ou français, n’a pu se rendre sur place pour démêler cet écheveau.
Du coup, les familles des victimes multiplient les initiatives pour connaître la vérité. Pour l’Elysée, le dossier est classé « secret défense ». En clair, pas question de le mettre à leur disposition. Et les rares pages rendues publiques sont privées de l’essentiel. Pourquoi ? Allez savoir !
Une erreur de la DGSE ?
Curieusement, il a fallu attendre la semaine dernière pour que ces « nouvelles révélations », accusant Soumeylou Boubeye Maïga, apparaissent dans ce dossier. Et ce, dans un contexte, pour le moins, particulier.
En effet, le 7 décembre 2013, François Hollande, l’ex-président français, confiait à des journalistes l’existence : « On a entendu une conversation après le drame, dans laquelle ce qui ressemblait à un commanditaire reprochait à un membre du commando d’avoir détruit la marchandise ». Allusion faite à l’assassinat de nos deux confrères.
S’agissant d’une erreur de la DGSE (Direction générale de la Sécurité Extérieure), les services secrets français dans ce double assassinat, François Hollande répond : « c’est là que les soupçons sont les plus prégnants ».
C’est pourquoi, Marie Dosé, avocate des familles des victimes demande l’audition de Hollande. C’était la semaine dernière. La suite, on la connaît.
Comme un tir de barrage, l’Agence-France presse et l’Express publient leurs prétendues « révélations ». Révélations dans lesquelles, le contenu de la prétendue conversation, entre Baye Ag Bakabo et Boubeye n’a pas été dévoilé. Peut-être, parce qu’il n’existe pas. Sinon, elle aurait, déjà, fait le tour du monde.
Assassins connus
Autre question restée sans réponse : pourquoi Baye Ag Bakabo, dernière personne à avoir vu Ghislaine Dupont et Claude Verlon vivants, peine à être entendu ? Aux dernières nouvelles, il se balade à Kidal. En toute impunité.
Ce qui fait dire à nombre de personnes, proches de ce dossier, que « les deux journalistes de RFI ont été assassinés, parce qu’ils ont découvert ce qu’ils n’auraient jamais dû découvrir à Kidal ».
En jetant son dévolu sur le Premier ministre malien, ministre de la Défense à l’époque des faits, la France croit pouvoir trouver, en lui, le bouc-émissaire idéal. Erreur.
Si l’utilisation des médias, à sa solde, a marché dans l’affaire dite « Tomi » contre IBK (lequel a été blanchi récemment par la justice française), la mayonnaise ne prendra pas avec Boubeye.
Les assassins de nos deux confrères de RFI sont connus. Ils se la coulent douce, à Kidal et au 141 Boulevard Mortier 75020 Paris, un verre de champagne à la main.
Oumar Babi
Source: Canard Déchainé