Né en 1934 à Mayarasso dans l’actuelle commune rurale de Baramandougou( Pêh) le Capitaine Diby Sylas Diarra rendit âme le 22 juin 1972 sous la cravache du soldat El Mehdi, un jeune soldat tamasheq qui visiblement avait été poussé contre Diby, au motif que ce dernier avait sévi contre des tamasheq pendant la première rébellion au Nord du Mali confie un témoin Celui qu’on venait de livrer après avoir combattu pour le Mali était déjà lieutenant en 1958 avant de devenir capitaine en 1963..Son seul tort est d’avoir aimé son pays le Mali, notre Mali. Nous lui rendons hommage par nos modestes moyens en rappelant son discours mémorable le 22 septembre 1964 alors commandant de cercle de KIDAL .Un discours qui en dit long sur la personnalité du soldat visionnaire et qui nous invite à mieux comprendre son élimination
Messieurs les Ministres,
Messieurs les députés,
Camarades délégués Camarades,
La population de Kidal, nos militantes et militants de Tinza- Watène, de Tinkar à Tirikine, par ma voix, expriment leurs remerciements fraternels à notre parti et à son gouvernement pour la sollicitude et I ’honneur particuliers dont nous sommes aujourd’hui les bénéficiaires en ce grand jour anniversaire de la libération du peuple malien.
Aux camarades délégués, tant à I’ échelon national que régional, à nos voisins qui ont voulu relever l’éclat de notre fête par leur présence, nous souhaitons la cordiale bienvenue et un meilleur séjour à Kidal. Camarades, nous n’allons pas vous affubler, en ce jour de fête, d’un sévère réquisitoire que mériterait bien le néocolonialisme et sa manifestation pratique que fut la rébellion de certains de nos compatriotes nomades qui se sont laissés prendre au piège de l’impérialisme international.
Nous nous efforcerons plutôt de vous faire le point de notre bilan, un an après l’explosion de la bombe à retardement que la France a léguée à la jeune République du Mali au lendemain du 22 septembre 1960.Camarades, la première cause de la rébellion, cause que la France connaissait, est son propre échec dans l’administration des populations et plus particulièrement celles de l’Adrar des Ifoghas.
En effet, la France est partie de l’Adrar sans l’avoir jamais soumis après plus de soixante ans pendant lesquels elle s’est maintenue grâce à la structure féodale qu’elle y a développée et entretenue. La politique de division de la France dans cette région ne sera, d’ailleurs, pas seulement géographique, car les coloniaux développeront aussi dans les populations nomades, d’une part, les divisions de classes propres à la société féodale et, d’autre part, avec le plus grand esprit de méchanceté, ils sèmeront la haine raciale et les complexes religieux.
En un mot, c’est une société féodale, convaincue de la raison du plus fort, une société anarchique sans attaches et sans esprit de sédentarisation, une société de haine et de complexes que l’administration française a léguée à la République du Mali.
Alors que de I’ extérieur les nostalgiques du régime colonial, la clique des Clauzel, des apatrides maliens, des haineux, tiraient sur la goupille de la bombe de la sécession, de l’intérieur, des féodaux, des ambitieux jouaient aux marionnettes, violant la conscience des simples en esprit, les révoltant contre l’ordre légal souverainement établi par le peuple malien.
Ainsi, toute une population trompée, soumise au viol, au pillage, voire à la mort, à défaut d’information, d’éducation profonde, a fait sienne la cause de ceux-là mêmes qui la saignaient à blanc, suivant les conseils contre toute logique, des colonialistes, eux qui ont fait leurs valises du Mali en plein jour malgré leurs canons et leurs réacteurs, ont réussi à faire croire au nomade qu’avec son fusil de traite, il pouvait venir à bout de l’Etat malien et de son peuple que les mêmes prophètes connaissaient pourtant.
Notre victoire est une victoire logique, la victoire d’une cause juste sur une cause injuste, la victoire d’un peuple uni sur des agitateurs soldés et téléguidés de l’étranger. Sur le plan tactique, parce que notre cause était juste, nous avons réussi rapidement à désintoxiquer, d’une part, les masses et d’ autre part, à extirper de leur sein la gangrène semée dans l’Adrar par les ALLARD et les CLAUZEL, à la veille de notre indépendance. Gagnant ainsi la confiance des masses, nous coupions le poisson de l’eau, le rebelle de sa base de vie.
Dès lors, un combat inégal et fatal s’engage entre notre détachement, fraction d’une armée nationale, populaire et révolutionnaire, défendant la juste cause d’un peuple irréversiblement engagé et des bandes sans foi et sans vertus, obéissant aux ordres d’aventuriers sans patrie. Dès lors, nous avons compris qu’il fallait combiner l’action politico-civique et l’action choc ; il nous fallait détruire si nécessaire, beaucoup construire et toujours éduquer.
Vous comprendrez, camarades, pourquoi nous n’avons eu recours qu’à la valeur de 2 commandos maliens pour mater les rebelles et tout le reste de notre effectif employé à garder le contact des masses nomades. Comme nous l’avons toujours dit, l’explosion de la bombe héritée du régime colonial était plutôt salutaire pour l’application correcte de notre politique socialiste dans cette partie de notre pays. Le malheur qu’aurait pu être la rébellion a plutôt accéléré I’ édification de la nation malienne dans le grand Nord de notre patrie.
Notre plan le plus positif, à cet égard, est sans doute la lourde défaite du néocolonialisme aux abois qui pensait remettre en cause l’option de notre peuple sinon retarder son application et la marche impétueuse en avant de la révolution malienne.
A l’issue de cette rébellion et fort de I’ éducation politique reçue, nous sommes convaincus que le Tamachèque ne sera plus jamais le jouet d’apatrides de I’ espèce de (….)’ Nous sommes persuadés, comme l’a dit notre Secrétaire Général le Président Modibo KEITA, que là comme ailleurs en République du Mali, le néocolonialisme se cassera les dents contre la volonté du peuple malien.
Le Tamachèque d’hier, ignorant tout de l’Union Soudanaise RDA est aujourd’hui militant à part entière, après que l’occasion lui eut été donnée d’apprécier, à sa juste valeur, la politique fraternelle et de justice de notre parti. Nous donnons l’assurance que le parti est désormais aussi fort à Kidal qu’à Bamako ou à Sikasso.
Par ailleurs, notre administration a réussi ici ce que la France n’avait jamais pu réussir. Aujourd’hui, les impôts sont collectés, non par des goumiers ou des soldats en armes, mais par les responsables administratifs des fractions et tribus, ce qui traduit I’ adhésion sans restriction à la politique nationale de l’US RDA.
Voilà à peine trois mois, que l’année fiscale est ouverte en République du Mali et nous disons qu’à la fin de ce premier trimestre, la presque totalité des impôts de notre circonscription seront recouvrés sans armes et sans menace. Sur le plan social, notre parti a fait plus de réalisations en quatre ans d’indépendance que la France après 60 ans de colonisation.
Kidal, dont le nom signifiait pénitencier et enfer, devient chaque jour davantage un pôle d’attraction et nous profitons de l’occasion pour rendre hommage à nos camarades responsables politiques, à nos travailleurs, nos femmes et nos jeunes, un vibrant hommage pour I’ effort énorme que chacun à son poste déploie pour que notre circonscription et surtout notre chef-lieu ne soit plus le dépôt d’indésirables sociaux, mais le chantier d’honneur des bâtisseurs conscients et confiants dans les destinées de notre peuple.
Les opérations militaires ne nous ont jamais détournés ou distraits de l’action sociale.
C’est ainsi que deux importants magasins de la SMDR ont été édifiés à Kidal et Tessalit, une succursale de la SOMIEX fonctionne à Kidal dont l’ancienne infirmerie présente aujourd’hui l’aspect d’un grand dispensaire moderne avec sa dépendance chirurgicale.
L’action médicale intensive démarrée par notre ami le Docteur Djigui DIABATE sur lequel nos militants n’ont jamais tari d’éloges est inlassablement poursuivie par le chirurgien Mohamed SOUMARE de réputation nationale. Grâce à leur compréhension du problème, leur sens de l’organisation, nos multiples postes sanitaires, tant fixes qu’ambulants, ont marqué notre victoire de leur sceau indélébile.
Le Tamachèque, jadis hostile à la médecine moderne, vient facilement se confier au médecin de Kidal et se fait traiter en toute confiance. Tous nos postes sont aujourd’hui à la fois de petits dispensaires de brousse et des points de ravitaillement des populations en produits de première nécessité. Dans le cadre syndical, nos travailleurs sont parfaitement bien organisés et notre union, dirigée par une équipe jeune et dynamique n’a pas manqué d’apporter dans le plateau de la balance sa large contribution à notre réussite.
Nos chefs traditionnels, se comportant jadis en féodaux, se sont rapidement transformés en guides conscients, en chefs jaloux des intérêts de leurs administrés et à cet égard, nous nous devons de leur rendre un hommage particulier pour ne s’être jamais laissés embobiner dans une aventure dont l’une des causes est l’ignorance, I’ obscurantisme.
Pour en venir au parti, le fossé comblé est immense si l’on se souvient que le Tamachèque moyen, il y a un an seulement, ignorait jusqu’au nom de notre pays qui se confondait très facilement avec celui du Secrétaire Général du Parti.
Aujourd’hui, nul n’ignore plus l’US RDA et ses principes fondamentaux, nul n’ignore plus que l’option socialiste signifie l’abolition de la féodalité et de l’exploitation d’un frère par un autre frère.
La milice féminine, la brigade de vigilance, les pionniers, que vous aurez I’ occasion de voir tout à I ‘heure, ne sont pas formés ici par conformisme, mais sont les authentiques gardiens des conquêtes de notre peuple. Vous retrouvez les mêmes institutions du parti aussi bien organisées à Aguel-Hoc qu’à Tessalit.
Leur formation a été des plus sérieuses et ce soir même vous aurez l’occasion d’assister au concours de tir qui opposera hommes et femmes.
Si le fonctionnement de nos comités de fraction avait été ralenti par la situation particulière, leur mise en activité n’est plus qu’une question d’organisation à laquelle nous nous attellerons sans délai.
Quant à l’expérience faite par notre détachement de I’Armée nationale, populaire et révolutionnaire, elle est plus que concluante. Le soldat malien a cassé par nécessité mais n’a jamais cessé de construire et surtout de conquérir le cœur et la raison de nos compatriotes hier dressés contre I’ ordre national par les agents du néocolonialisme. L’action du doigt sur la détente du fusil ne peut plus être la seule mission du soldat nationaliste d’autant plus que cette action a été rendue nécessaire conformément aux objectifs d’une politique qu’il a le devoir de connaitre, d’appliquer pour mieux la défendre.
Maintenant que la raison a triomphé de la folie et de I’ aventure, I’ action du doigt sur la détente va céder sa place à l’action du soldat bâtisseur double d’éducateur, sans pour autant jamais atténuer notre extrême vigilance. Désormais, tout en veillant jalousement sur la paix et la tranquillité de nos masses, c’est à leur éducation profonde, à leur organisation que nous allons nous attaquer. Notre soldat, combattant d’hier, pourra dorénavant se doubler d’agriculteur pour enseigner, par exemple, aux nomades, la culture du dattier, du tabac et surtout le jardinage dont les résultats sont si éclatants.
En un mot, la mise en valeur et la sédentarisation du nomade est notre objectif numéro 2 et notre succès est d’avance assuré par notre foi inébranlable.
A la place de la haine et des complexes néfastes, nous avons cultivé la fraternité et le pardon.
C’est cette générosité exceptionnelle de notre parti et de son gouvernement, qui justifie aujourd’hui la présence sur cette place, de plus de quarante rebelles pris les armes à la main et autant de leurs complices.
Nous sommes persuadés que le message du Président Modibo KEITA qui leur est destiné ne sera jamais chargé de rigueur et encore moins de haine. Au contraire, tous les espoirs sont permis pour eux, de retrouver très bientôt leur place dans la société dans laquelle nous sommes persuadés qu’ils retrouveront des frères et des sœurs, à condition de se dépouiller de toutes les séquelles de banditisme, pour se souvenir constamment que la première loi de notre société est que seul le travail paie. Sur cette même place, vous voyez également plus de 50 enfants d’anciens rebelles que nous avons recueillis au cours des opérations militaires et qui ont été scolarisés et entretenus par la cantine scolaire.
Nous sommes persuadés d’avance que demain, forts de l’ouverture d’esprit que nos enseignants sauront leur donner, ils désapprouveront Ie suivisme qui a conduit leurs pères dans une rébellion fratricide.
Camarades, nous ne retiendrons pas plus longtemps votre attention et nous souhaitons à tous de passer, pour deux raisons, une bonne fête; d’une part en souvenir du bris des chaînes coloniales par le peuple malien, le 22 septembre 1960 et, d’autre part, pour la défaite des néocolonialistes, la prise de conscience et la reconversion de nos frères hier poussés dans une aventure dont l’issue ne pouvait être que la victoire de notre peuple.
Source : Delta Tribune