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Après l’incendie autour de l’ex-Imacy : UN DIFFICILE RETOUR À LA VIE

Les artisans de la Zone n’ont d’autre choix que celui d’entamer une reprise d’activités. Mais les obstacles ne manquent pas
Dans la zone de l’ex Imacy, la désolation côtoie la réhabilitation. Sur les ruines des boutiques sinistrées lors de l’incendie qui a ravagé ces lieux dans la nuit du 21 au 22 janvier dernier, des hangars ont poussé de nouveau, bâtis de bois et de tôles. De nouvelles installations électriques et des lampadaires ont fait leur apparition le long de la voie qui sépare la zone du Centre islamique de HamdaLlaye. Sur les ruines de la catastrophe, un nouveau visage émerge qui est façonné par la volonté des occupants à ne pas se laisser abattre par l’adversité.

maison feu incendie
Pourtant celle-ci s’est lourdement abattue sur les victimes. Les traces de l’incendie suffisent pour permettre au visiteur de se faire une idée sur la violence du sinistre et l’ampleur des dégâts. Le sol reste encore noirci par endroits sous l’effet des flammes, des troncs d’arbres carbonisés se dressent près de plantes restées miraculeusement vertes. Dans ce qui reste des garages de mécaniciens, les carcasses de véhicules calcinés s’entremêlent avec les débris de hangars. Pourtant dans ce paysage post apocalyptique, les occupants se sont remis à la tâche avec une célérité peu ordinaire.
UN APHORISME ÉLOQUENT. Madou Konaté, barbe plus sel que poivre, la cinquantaine, est marié à deux femmes et père d’une famille nombreuse. D’une voix douce, il assène une vérité imagée, mais hélas irréfutable. « Le paysan vit de l’agriculture. Nous sommes comme lui. Sauf que c’est ici notre champ. Donc l’alternative est simple : reprendre les activités ou périr ». Ce vendeur de planchers et de bois déjà utilisé insiste : ses collègues et lui n’ont d’autre choix que de tenter de repartir s’ils veulent subvenir aux besoins de leurs familles.
Une reprise donc obligée, mais parsemée d’embûches. Parmi celles-ci, l’une des plus importantes demeure le difficile accès aux matières premières. « Le fournisseur exige le payement au comptant des 50 % de la valeur de leurs marchandises avant d’en faire la livraison. Quand nous recevons ceux-ci, nous produisons, nous écoulons, nous payons ce que nous devons encore pour pouvoir ensuite passer une nouvelle commande », confie Madou Konaté qui propose un autre aphorisme tout aussi éloquent que le premier : « Quand on va au champ sans dabas, ce n’est pas pour cultiver ». Il dévoile donc qu’il est obligé de s’endetter auprès des connaissances pour avancer ce qu’il doit verser à son fournisseur ou régler certains besoins vitaux.
Les expédients sont souvent difficiles à trouver. Madou Diabaté, menuisier à Hamdallaye au marché Ouolofobougou, continue à servir sa clientèle pour ne pas perdre le contact avec cette dernière. Il fréquente ce marché depuis quinze ans. Se réjouissant de la reprise, il lance : « Ces vendeurs sont comme une source où nous nous approvisionnons. Mais l’eau ne coule plus de source ». Lui aussi reconnaît que la matière première reste le principal souci depuis la reprise. Lui-même a été récemment victime de cet état de fait. Il vient de refuser une commande parce qu’il sait qu’il ne trouvera pas la qualité de bois exigée par son client.
Autre métier, même constat. L’un des chefs de garage de la place, Konoba Doumbia, confirme que la reprise s’impose comme incontournable pour l’artisan qui vit au jour le jour. Lui explique qu’il a redémarré ses activités avec le matériel qu’il a pu récupérer tant bien que mal. Le mécanicien explique qu’il s’en tire parce qu’une personne de bonne volonté a financé la restauration de son hangar sans demander à être remboursée. Nous les avons trouvé son équipe et lui en train de réparer un moteur de véhicule. « La principale difficulté est que la clientèle ne revient pas», regrette-t-il.
L’ODEUR DES DÉCHETS CALCINÉS. Comme le garage de Koniba Doumbia, la majorité des magasins et des boutiques ont réhabilités grâce au soutien matériel du « philanthrope» et vendeur de bois, El Hadji Konaté. Le magasin de ce dernier se reconnaît facilement. Les hangars réhabilités sont visibles de loin et une colline de planches se dresse devant un atelier qui s’étend tout en longueur. « La rapidité de la réinstallation est en partie due à El Hadji Konaté. Il nous a gracieusement offert du bois pour la reconstruction de nos hangars », chuchote le président des artisans de la zone Imacy, Maroufa Kouyaté.
Assis sur des planches superposées, le bienfaiteur en question est propriétaire de la seule boutique de bois épargnée par l’incendie. Il accueille des clients, puis revient s’asseoir à notre coté. Vêtu d’un ensemble pantalon et chemise qui a connu des jours meilleurs, avec aux pieds des tapettes aux semelles rabotées par la marche, il a le verbe laborieux, mais le sourire chaleureux. « Nous sommes voisins, s’explique-t-il, je suis donc concerné par tout ce qui leur arrive. Il ne peut en être autrement ».
L’ambiance est bon enfant ce mardi matin de la semaine passée et la Zone a des airs de ressuscitée. Les motos taxis ont repris leur manège, les restauratrices s’affairent, les vendeurs à la sauvette se démènent. Le soleil commence à darder ses rayons. « Cette chaleur est infernale, mais elle fait notre affaire », plaisante une vendeuse de jus qui déambule, un seau contenant de bouteilles vides en main. Des morceaux de bois et des débris métalliques calcinés, de la cendre, des vitres cassées jonchent le sol. L’odeur de déchets calcinés imprègne l’air. Mais pour les occupants de la zone, tous ces inconvénients relèvent du détail. Ils essaient de se réconforter avec les acquis déjà obtenus.
Ils n’ont pas reçu de de soutien financier de la part de l’Etat. Mais, indique Maroufa Kouyaté, le ministre chargé de l’Artisanat et le président de l’APCMM, ont plaidé leur cause auprès du ministre de l’Energie. Résultats : de nouvelles installations électriques normalisées et licites sont opérationnelles. Le long de la voie qui sépare la zone du Centre islamique, des lampadaires ont poussé en lieu et place des branchements anarchiques. « Chaque atelier dispose désormais d’un compteur », se félicite le président des mécaniciens, Mamadou Lamine Keïta, grand de taille, parlant un français comparable au « nouchi » ivoirien.
COMME UN BALLON D’OXYGÈNE. Des bruits assourdissants de scies et de rabots électriques fusent d’un atelier à quelques mètres de son garage. A l’intérieur, au milieu des planches et des débris de bois, des fils électriques passés dans une gaine d’une épaisseur rassurante apportent l’énergie électrique nécessaire. Tièmoko Coulibaly, menuisier sur bois, calvitie plutôt avancée, commence lui aussi à franchir la zone de turbulence. Il exécute un contrat de fabrication de « classeurs » (sortes de couveuse en bois).
Chacun veut se convaincre que les activités de la Zone repartiront tôt ou tard. « Nous avons sollicité les services d’une société professionnelle de gardiennage, révèle Maroufa Kouyaté. Elle a mis à notre disposition trois gardiens qui montent la garde de 19 heures à 6 heures du matin ». La reprise des activités profite aussi à certains conducteurs de mototaxi. Adama Dama, 20 ans, est du nombre. Mais même pour lui, la normale est encore loin. Sa recette journalière oscille entre 10 000 et 15 000 Fcfa contre 20 000 à 40 000 Fcfa avant l’incendie.
Malgré tous les efforts déployés pour ressusciter les activités de la Zone, l’inquiétude reste palpable lorsqu’on pousse un peu l’interrogatoire des occupants. Certes, la restauration des ateliers est presque effective. Mais la relance est laborieuse. On en revient toujours au problème du rétablissement de la confiance avec les fournisseurs. Ceux-ci hésitent à fournir la matière première à crédit. Ils rappellent que les artisans de l’ex Imacy ont essuyé deux incendies en l’espace deux années et que certains d’entre eux n’ont pas encore épongé toutes leurs dettes précédentes. Pour certains des sinistrés, le bout du tunnel ne sera pas atteint sans un appui financier des autorités à leur égard.
En attendant que les nouvelles redeviennent tout à fait bonnes, certains reçoivent comme un ballon d’oxygène le soutien financier et moral apporté par leurs proches. Chef d’une famille nombreuse, Maroufa Kouyaté vit chez son père à Djicoroni-Para. Ses deux boutiques sont parties en fumée. Il supporte la tragédie grâce au soutien des siens. « Je ne paye plus de factures ni d’eau, ni d’électricité, énumère-t-il. L’achat de la nourriture et les frais de condiments me sont également épargnés. Mes frères m’en ont dispensé depuis que mes boutiques ont été ravagées par l’incendie. Je revends des matériaux déjà utilisés et quelques articles nouveaux afin de subvenir à mes besoins et ceux de ma petite famille », explique notre interlocuteur. Qui a conscience que la plupart de ses compagnons d’infortune n’ont pas la chance de bénéficier d’une telle sollicitude.
Cheick Moctar TRAORÉ

source : L Essor

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