L’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali dispose en son chapitre 1er article 1 : «Les parties réitèrent leur attachement au respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du Mali, ainsi que sa forme républicaine et son caractère laïc… ». Au regard de cette disposition de l’Accord et vu l’absence des symboles de l’Etat malien à Kidal, on serait en droit de dire que l’intégrité territoriale du Mali est tout simplement compromise. En principe c’était plutôt le rétablissement de l’intégrité territoriale du Mali qui aurait dû être la première et la plus importante action à entreprendre dans le cadre de l’application des dispositions de l’Accord d’Alger. Mais depuis six (6) ans que l’intégrité territoriale du Mali est sous hypothèque de la Coordination des Mouvements de l’Azawad, on ne fait que patauger pour la mise en œuvre de l’Accord. Au plan de la sécurité, là non plus la situation n’est pas plus reluisante. L’Accord d’Alger dispose en son article 29 que : « Les partis réitèrent leur engagement à combattre le terrorisme et ses multiples connexions que sont le crime organisé et le trafic de drogue, y compris à travers des stratégies et mécanismes régionaux existants ».
Mais au regard de ce qui se passe quotidiennement sur le terrain, nul n’est dupe que les dirigeants ex-rebelles touareg n’ont jamais rompu leurs liens avec les groupes terroristes
communauté Internationale, avec la France et l’Algérie en tête, en est bien consciente mais cela ne l’empêche pas de faire preuve d’hypocrisie. Et c’est justement ce comportement hypocrite de la communauté internationale qui pousse les Maliens à une espèce d’exaspération qui, si on n’y prend pas garde à temps, pourrait conduire à une crise identitaire. Ce qui exaspère davantage l’opinion publique malienne à propos de la mise en application de l’Accord d’Alger, est surtout le fait que la communauté internationale soit restée passive, à la limite de la complicité, face à la connexion avérée entre les dirigeants de la CMA et les groupes terroristes. De nombreux rapports du conseil de Sécurité de l’ONU n’ont-ils pas épinglé les groupes ex-rebelles touareg en les accusant d’être de mèche avec les terroristes ? Et sans qu’aucune sanction ne s’en suive ? C’est tout cela qui écœure le peuple malien et l’amène à rejeter l’Accord d’Alger auquel il n’adhère pas et loin s’en faut d’ailleurs. La vox populi au Mali se convainc que tous les actes que les ex-rebelles touareg sont amenés à poser, dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, ne sont en réalité que des actions d’où ils tirent des profits. En tout cas c’est cette conviction qui prévaut au sein de l’opinion nationale qui éprouve un certain ressentiment en voyant les dirigeants ex-rebelles touareg s’agiter autour de la junte qui tient les rênes du pays depuis le coup d’Etat du 18 août dernier. Nous savons qu’avant d’en arriver à la présente période transitoire consécutive au putsch du 18 août 2020, le Dialogue National Inclusif (DNI) s’était prononcé à propos de l’Accord d’Alger en recommandant au nombre des actions à mener à court terme :
1)- la vulgarisation de l’Accord pour la paix et la réconciliation ;
2)- le déploiement au plus vite des forces de défense et de sécurité reconstituées sur l’ensemble du territoire national et aussi celui des services administratifs et les services sociaux de base sur l’ensemble du territoire national ;
3)- procéder à une relecture de certaines dispositions de l’accord pour la paix et la réconciliation, selon les mécanismes prévus à l’article 65 dudit Accord…
On se souvient que dans l’allocution qu’il a prononcée lors de la cérémonie de son investiture, le tout nouveau Président de la Transition, Bah N’DAW a promis que dans les semaines à venir, il fera tout pour mettre en place le comité chargé de la mise en œuvre des importantes recommandations du Dialogue National Inclusif et au nombre desquelles celles ayant trait à l’Accord d’Alger. D’ailleurs concernant cet Accord, le Président Bah N’DAW avait dit que : « La Transition qui s’ouvre ne remettra en cause aucun engagement international du Mali ni les accords signés par le gouvernement. L’Accord pour la Paix et la Réconciliation sera appliqué et ne sera révisé que d’accord partie. Il en va de l’honneur de la République. Et il est important de redire aujourd’hui en ce lieu et en ce moment, que le Mali c’est le Nord, c’est le Centre, c’est le Sud, c’est l’Ouest, c’est l’Est, c’est l’ensemble de ses régions, l’ensemble de ses terroirs, l’ensemble de ses cultures, sa diversité, toute sa diversité, son admirable diversité. Nous devons préserver notre pays à tous. Et c’est à chacun de nous de jouer sa partition ».
C’est le lieu, peut-être, vu cet engagement du Président N’DAW en faveur de l’application de l’Accord d’Alger, d’attirer son attention quant aux desideratas des Maliens qui, au demeurant, sont réticents à l’application de l’Accord dans sa mouture actuelle
Au nom de la légitimité populaire, le Président de la Transition devrait aussi faire des recommandations issues du Dialogue National Inclusif son bréviaire car celles-ci, à l’entendement des Maliens, priment sur l’Accord d’Alger auquel ils n’adhèrent pas d’ailleurs. Donc le Président Bah N’DAW doit jouer avec beaucoup de tact pour ne pas offusquer le peuple dont les réactions sont autant imprévisibles que lourdes de conséquences.
El Hadj Mamadou GABA
Source : Le soir de Bamako