Lors de la visite de prise de contact du ministre Yaya Sangaré (de la Communication, Porte-parole du gouvernement) à l’Agence nationale de la communication du développement (ANCD, anciennement appelée CESPA), il a trouvé un service au bord du gouffre. Le couperet qui planait depuis un certain temps au-dessus de la tête de Fatim Sidibé (Directrice générale) a fini par la lui couper. Le ministre Sangaré était convaincu que pour éviter la faillite totale de l’Agence, une décision devait être urgemment prise.
Depuis l’arrivée de Fatim Sidibé à la tête de l’ANCD en 2011 (époque CESPA), le service tournait au ralenti. Elle n’arrivait pas à décrocher le moindre marché. Même les marchés de l’Etat lui échappaient. Certaines indiscrétions pointent du doigt la mollesse ou encore l’incompétence de la Directrice générale qui aurait pu chercher à convaincre au moins les départements ministériels à travailler avec l’ANCD pour tous les besoins de communication. Au lieu de cela, les Agences de communication privées arrachent les marchés.
Pour le ministre Yaya Sangaré, la situation est d’autant plus inacceptable que «des membres du conseil d’administration sont des Chargés de communication des départements ministériels». Pour le ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement, ces derniers ont l’obligation de travailler avec l’ANCD.
En conséquence, la boite est tombée dans la cessation de payement de ses salariés. Et les relations entre la DG et ses collaborateurs sont devenues tendues. Et cela telle enseigne que Fatim Sidibé aurait été un jour empêché d’accéder à ses bureaux par les travailleurs qui lui manifestaient leur mécontentement.
Quelques semaines seulement après sa visite à l’ANCD, le ministre Yaya Sangaré a pris ses responsabilités en limogeant la Directrice générale sans autre forme de procès. A l’annonce de la nouvelle, certains travailleurs ont exulté : «Madame Sidibé nous a tué…Nous ne pouvons que saluer son départ…», ont-ils salue presqu’en chœur.
Lors de sa visite à l’ANCD en juin dernier, le ministre Yaya Sangaré avait affiché sa surprise et son mécontentement de voir une boite pareille faire faillite juste parce que ceux qui y travaillent manquent d’initiatives.
Et pourtant, curieusement, notre consœur avait été confirmée à son poste de Directrice générale par le Conseil des ministres du mercredi 1er mai 2018, donc par le prédécesseur de Yaya Sangaré. Il s’agit de l’actuel ministre de la Jeunesse et des Sports, Arouna Modibo Touré.
«La concurrence est rude dans le secteur de la communication avec une multitude d’agences de toutes sortes. Des prétendues agences qui raflent les commandes d’Etat qu’ils sous-traitent ensuite avec l’ANCD, structure publique dédiée à la communication. Il est donc temps de faire arrêter cette pratique», avait déclaré le ministre Touré (cité par nos confrères de Aujourd’hui Mali) lors de la 6e session du Conseil d’administration tenue le 30 mars 2018.
Et il n’avait pas manqué de toucher du doigt une autre réalité du marché de la communication dans notre pays. «Bon nombre d’institutions internationales ont pour règle de favoriser les privés et ne sollicitent pas, ou très peu, les structures publiques. Quant aux services de l’Etat qui hésitent encore à confier leurs besoins de communication à l’ANCD, nous disons simplement ceci : il n’est pas admissible que le travail de l’Etat ne soit pas confié à une structure de l’Etat, créée, financée et équipée par l’Etat», avait dénoncé Arouna Modibo Touré.
En écartant Fatim Sidibé (une journaliste qui a fait son temps de gloire à l’ORTM), le ministre Sangaré voulait-il donner un nouveau souffle à l’ANCD ? Rien n’est moins sûr Tant que le gouvernement ne trouvera pas une solution politique pérenne pour qu’au moins partie non négligeable de la communication gouvernementale revienne à l’ANCD. Il est vrai que nous évoluons dans un contexte de libéralisme, mais il est aussi inconcevable que l’Etat laisse couler une structure créée en toute souveraineté et condamne des citoyens de ce pays au chômage et à la misère parce que tout simplement certains cadres trouvent qu’il est facile de négocier leurs commissions avec les structures privées que l’Etat.
Même dans un contexte de libéralisme, il y a des barèmes en dessous desquels on n’est pas contraint à un appel d’offres. Il faut donc faire du recours à l’ANCD une obligation pour les départements ministériels sans enfreindre la loi.
Quelles que soient la vision et la volonté du nouveau responsable, il aura du mal à sauver l’ANCD de la faillite totale face à cette concurrence déloyale qui favorise les privés plus sur des facteurs obscures que sur des critères réels de qualité.
Hachi Cissé
Source: Le Matin