Le parti au pouvoir en Algérie depuis l’indépendance et son principal allié ont remporté la majorité absolue aux élections législatives de jeudi, marquées par une forte abstention, mais la principale coalition islamiste a contesté ce résultat.
Sans surprise, dans un pays frappé par la chute des revenus du pétrole et une inertie politique durable, le Front de libération nationale (FLN) du président Abdelaziz Bouteflika a conservé la place centrale qu’il occupe depuis l’indépendance il y a 55 ans.
Il a obtenu 164 sièges sur les 462 de l’Assemblée nationale populaire, la chambre basse du Parlement, a annoncé le ministre de l’Intérieur Nourredine Bedoui en présentant les résultats préliminaires au cours d’une conférence de presse.
Le FLN perd cependant du terrain car il en avait obtenu 220 aux précédentes législatives de 2012.
Pour le politologue Rachid Grim, ce recul s’explique par « tous les scandales qui ont secoué ce parti », mais il souligne que « l’essentiel a été sauvegardé par le pouvoir ».
Le FLN conserve la majorité absolue grâce à son allié du Rassemblement national démocratique (RND), en nette progression avec 97 sièges contre 70 il y a cinq ans. Ce parti, créé en 1997, est dirigé par le directeur de cabinet de la présidence Ahmed Ouyahia.
« Il n’y a pas de surprise. Les partis au pouvoir prennent les deux premières places et les islamistes montent sur la dernière marche du podium », a commenté le politologue Rachid Tlemçani.
L’ensemble des partis islamistes obtiennent 67 sièges contre 60 en 2012.
Mais ce rebond est plus faible que celui qu’ils espéraient car ils avaient réalisé il y a cinq ans leur plus mauvais score depuis le premier scrutin pluraliste en 1990.
Cette année, cette mouvance avait tenté de surmonter ses divisions en partant avec deux coalitions rassemblant plusieurs mouvements et partis.
Abderrazak Makri, premier responsable du Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste) qui a présenté des listes communes avec le Front du changement (FC) s’est dit « déçu », affirmant à l’AFP que les élections « ont été truquées et falsifiées massivement à l’échelle locale ».
Selon lui, « sans fraude », sa coalition islamiste aurait obtenu 120 sièges au lieu des 33 annoncés. Il a assuré que des recours seront introduits vendredi, tout en affirmant que son mouvement ferait « tout pour sauvegarder l’unité du pays ».
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Comme attendu, une majorité d’électeurs ont boudé les urnes, le taux de participation atteignant seulement 38,25% sans tenir compte du vote des nombreux Algériens vivant à l’étranger, selon le ministère. En 2012, ce taux s’était élevé à 42,90% au total.
Le gouvernement n’avait pourtant pas ménagé sa peine pour pousser les électeurs aux urnes, malgré la situation économique difficile. La baisse des revenus pétroliers a fait flamber le prix des denrées alimentaires.
Une série de scandales de corruption révélés par la presse dont les derniers concernent des candidats ayant payé pour figurer sur des listes électorales, a également alimenté la désillusion des Algériens.
« Les gens sont déçus par la précédente législature qui n’a rien accompli », estime M. Tlemçani. En particulier les jeunes, qui ne votent pas car « la coupure entre l’élite et la jeunesse s’est aggravée ces dernières années ».
De leur côté, les partis de la mouvance démocratique ont obtenu moins de sièges que ce qu’ils espéraient.
C’est notamment le cas du plus vieux parti d’opposition, le Front des forces socialistes (FFS), du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), qui avait boycotté les législatives de 2012, et du Parti des travailleurs (PT) de la figure de proue de l’extrême gauche Louisa Hanoune.
Dans un communiqué le FFS estime que ces résultats « fragilisent encore plus le pays et consolident les responsables de la crise multidimensionnelle que nous vivons ». Le parti s’interroge également sur l’absence de procès verbaux après le dépouillement dans plusieurs wilayas (préfectures).